Regarder la version espagnole de Dracula est une exsperience en soi. Utilisant les meme sets, les memes marques au sol, et travaillant la nuit, alors que l’equipe americaine travaille le jour, le resultat differe tant dans certains details que dans l’atmosphere globale de certaines scenes, et ceci ne concerne pas seulement le decollete des actrices

Le Dracula interprete par Carlos Villarias a un visage plus « bonhomme » tempere par un regard fou, par opposition au visage sinistre tout en sombre menace de Lugosi. Compare au monstre detache de toute humanite de Lugosi, le Dracula de Villarias est une adaptation plus « humaine » du mythe. De ce point de vue, il se rapproche de l’interpretation qu’en fera Christopher Lee plusieurs decennies plus tard, un monstre humain en apparence, dont la bestialite est a fleur de peau, et toujours prete a exploser a chaque instant. Si Lugosi presente un masque inflexible, Villarias presente un masque fissure qui pourrait etre interprete comme un signe d’existence d’une ancienne humanite... ?
Le metrage espagnole presente aussi un surnaturel plus prononce (notamment par l’utilisation recurrente des faculte de Dracula de traverser les les toiles d’araignees, ainsi que les portes qui s’ouvrent et se ferment de facon si inquietantes. La reaction des autres protagonistes exprime une « terreur » plus exprimee que celle de leurs co-acteurs americains.
A noter aussi un cote « sensuel » plus prononce dans la version hispanophone (un Dracula plus rapproche de ses victimes lors de la fatidique morsure, ou des gros plans sur les morsures, sans oublier bien sur ces decolletes « plongeant » du meilleur effet (!).
A ce niveau, l’on peut aussi faire remarquer que la dimension anti-christique de Dracula aura un effet plus prononce dans le monde hispanique, vu sa plus profonde foi catholique.
L’implication de Dracula dans la catastrophe maritime est ainsi plus prononcee dans la version espagnole et le rendue est du plus bel effet. Le jeu au niveau des yeux de Dracula est plus efficace dans la version espagnole qu’americaine, car soulignant plus le jeu « occulaire » de Villarias que celui de Lugosi ou effet d’eclairage etait plus de mise.
A ce niveau, l’interpretation de Renfield par Pablo Alvarez Rubio est complement « over-the-top » (dans le bon sens du terme) et presente un etre non-plus « hante » par le mal, mais completement fou furieux. Un vrai tour de force entre le « junkie » en etat de manque et l’hysterique fou a lier.
Si le jeu du casting americain etait plus inspire de la celebre piece de theatre sur Dracula (dans laquelle figurait deja Lugosi), l’interpretation du casting espagnol est par contre, nettement plus « cinematographique », presentant plus de « cynetique » dans le deroulement (plus reduit a des « vignettes » ou « scenes » dans la version US), ainsi que dans les mouvements qui sont plus « fluides » (plus « theatraux » dans la version US).
A ce niveau, il est a faire remarquer, que malgre sa « vitesse » dans son deroulement, la version espagnole est nettement plus long que le metrage anglo-saxon (et ce, sans aucun temps mort) et possede ainsi une duree plutot « moderne » pour l’epoque.
Une autre difference, pourrait etre l’heritage du cinema muet sur la version de Browning et Lugosi, tandis qu’une culture plus « latine » a du peser dans la balance pour la version espagnole. Ainsi, la bande-son, plutot monocorde, de la version US est remplacee par une version plus « pechue » tant au niveau des acteurs que du bruitage ambiant.
A l’arrivee, le casting espagnole a reussi le tour de force de s’approprier l’un des mythes du cinema fantastiques anglo-saxon, a un tel point, que le spectateur se dit que l’intrigue du roman de Stoker aurait facilement pu etre deplace de Londres a Madrid au passage.
Quand a l’idee meme du concept de re-tourner le metrage au lieu de le sous-titrer (technique pourtant disponible a l’epoque), celle-ci reste mysterieuse. S’agissait-il d’une technique envisagee pour renforcer l’efficacite sur le public etranger? Si oui, elle devait etre onereuse, et l’on vient a se demander pourquoi une version allemande ou francaise n’a pas ete tournee…? L’on peut aussi se demander pourquoi d’autres films n’ont pas profite du traitement hispanophone? Le mystere restera sans doute a jamais enterre dans les archives de l’Universal…
A voir, car il s’agit d’un vrai classique qui a indubitablement sa place dans la collection des « monstres classiques » (US)!
Dracula (Spanish version): 5 / 5