Dracula (Spanish version) (1931) – George Melford

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bluesoul
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Dracula (Spanish version) (1931) – George Melford

Message par bluesoul »

Dans une region reculee d’Europe Centrale, un voyageur se voit oppose un refus categorique d’etre emene au chateau du comte Dracula apres la tombee de la nuit ou il a affaires. Il parviendra neanmoins a s’y rendre et contribuera a emmener l’horreur qu’il y trouvera jusqu’a Londres.

Regarder la version espagnole de Dracula est une exsperience en soi. Utilisant les meme sets, les memes marques au sol, et travaillant la nuit, alors que l’equipe americaine travaille le jour, le resultat differe tant dans certains details que dans l’atmosphere globale de certaines scenes, et ceci ne concerne pas seulement le decollete des actrices :mrgreen: .

Le Dracula interprete par Carlos Villarias a un visage plus « bonhomme » tempere par un regard fou, par opposition au visage sinistre tout en sombre menace de Lugosi. Compare au monstre detache de toute humanite de Lugosi, le Dracula de Villarias est une adaptation plus « humaine » du mythe. De ce point de vue, il se rapproche de l’interpretation qu’en fera Christopher Lee plusieurs decennies plus tard, un monstre humain en apparence, dont la bestialite est a fleur de peau, et toujours prete a exploser a chaque instant. Si Lugosi presente un masque inflexible, Villarias presente un masque fissure qui pourrait etre interprete comme un signe d’existence d’une ancienne humanite... ?

Le metrage espagnole presente aussi un surnaturel plus prononce (notamment par l’utilisation recurrente des faculte de Dracula de traverser les les toiles d’araignees, ainsi que les portes qui s’ouvrent et se ferment de facon si inquietantes. La reaction des autres protagonistes exprime une « terreur » plus exprimee que celle de leurs co-acteurs americains.

A noter aussi un cote « sensuel » plus prononce dans la version hispanophone (un Dracula plus rapproche de ses victimes lors de la fatidique morsure, ou des gros plans sur les morsures, sans oublier bien sur ces decolletes « plongeant » du meilleur effet (!).

A ce niveau, l’on peut aussi faire remarquer que la dimension anti-christique de Dracula aura un effet plus prononce dans le monde hispanique, vu sa plus profonde foi catholique.

L’implication de Dracula dans la catastrophe maritime est ainsi plus prononcee dans la version espagnole et le rendue est du plus bel effet. Le jeu au niveau des yeux de Dracula est plus efficace dans la version espagnole qu’americaine, car soulignant plus le jeu « occulaire » de Villarias que celui de Lugosi ou effet d’eclairage etait plus de mise.

A ce niveau, l’interpretation de Renfield par Pablo Alvarez Rubio est complement « over-the-top » (dans le bon sens du terme) et presente un etre non-plus « hante » par le mal, mais completement fou furieux. Un vrai tour de force entre le « junkie » en etat de manque et l’hysterique fou a lier.

Si le jeu du casting americain etait plus inspire de la celebre piece de theatre sur Dracula (dans laquelle figurait deja Lugosi), l’interpretation du casting espagnol est par contre, nettement plus « cinematographique », presentant plus de « cynetique » dans le deroulement (plus reduit a des « vignettes » ou « scenes » dans la version US), ainsi que dans les mouvements qui sont plus « fluides » (plus « theatraux » dans la version US).

A ce niveau, il est a faire remarquer, que malgre sa « vitesse » dans son deroulement, la version espagnole est nettement plus long que le metrage anglo-saxon (et ce, sans aucun temps mort) et possede ainsi une duree plutot « moderne » pour l’epoque.

Une autre difference, pourrait etre l’heritage du cinema muet sur la version de Browning et Lugosi, tandis qu’une culture plus « latine » a du peser dans la balance pour la version espagnole. Ainsi, la bande-son, plutot monocorde, de la version US est remplacee par une version plus « pechue » tant au niveau des acteurs que du bruitage ambiant.

A l’arrivee, le casting espagnole a reussi le tour de force de s’approprier l’un des mythes du cinema fantastiques anglo-saxon, a un tel point, que le spectateur se dit que l’intrigue du roman de Stoker aurait facilement pu etre deplace de Londres a Madrid au passage.

Quand a l’idee meme du concept de re-tourner le metrage au lieu de le sous-titrer (technique pourtant disponible a l’epoque), celle-ci reste mysterieuse. S’agissait-il d’une technique envisagee pour renforcer l’efficacite sur le public etranger? Si oui, elle devait etre onereuse, et l’on vient a se demander pourquoi une version allemande ou francaise n’a pas ete tournee…? L’on peut aussi se demander pourquoi d’autres films n’ont pas profite du traitement hispanophone? Le mystere restera sans doute a jamais enterre dans les archives de l’Universal…

A voir, car il s’agit d’un vrai classique qui a indubitablement sa place dans la collection des « monstres classiques » (US)!

Dracula (Spanish version): 5 / 5
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Re: Dracula (Spanish version) (1931) – George Melford

Message par arioch »

Le tournage d'un film en plusieurs langues n'est pas vraiment un cas isolé. Il y a d'autres cas. C'était une façon de produire des versions d'un film en les proposant plus directement accessible à d'autres marchés. Quant à savoir pourquoi le DRACULA du début des années 30 n'a été fait qu'en espagnol, il serait dans ce cas possible de se demander pourquoi certains films ont été tournés en français et en allemand mais pas dans d'autres langues. De plus, sachant que la version américaine était tournée de jours et la version espagnole de nuit (je crois) pour profiter des mêmes décors, il ne restait pas de place pour le tournage d'autres versions. Et, d'ailleurs, dans ces conditions, est ce que l'opération était aussi couteuse que cela par rapport à l'accessibilité que le film pouvait avoir sur le marché hispanique (Mexique, etc...). Ce qui apparaît assez surprenant, c'est pourquoi d'autres films de ce cycle n'ont pas été tournés selon le même principe.
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Re: Dracula (Spanish version) (1931) – George Melford

Message par Manolito »

Il y a un article très copieux au sujet de cette version dans le "Fantastyka" numéro 14. Si mes souvenirs sont exacts, c'est un producteur (le réalisateur ?) indépendant qui a proposé cet arrangement à Universal de manière très insistante et il a vraiment fait son truc dans son coin, quand tous le personnel de jour est parti. Bref, ce n'est pas vraiment un projet voulu par les dirigeants d'Universal qui ont juste laisser Melford mené à bien son projet "pour voir"... Il est donc logique qu'il n'y ait pas vraiment eu de suite.

Je ne suis pas un fan de cette version hispanophone de "Dracula" qui a l'inconvénient de rallonger considérablement un film déjà longuet. Le film devient un (tout petit) peu moins subjectif, on gagne une scène de la traversée à bord du Demeter plus développée. Mais pour le reste, bof, une curiosité historique à mon sens, qui ne s'impose pas...
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Re: Dracula (Spanish version) (1931) – George Melford

Message par fantomas 2 »

Je préfère quant à moi, et de loin, cette version hispanophone, beaucoup plus intéressante au niveau de la mise en scène, signée George Melford, que celle de Tod Browning, et beaucoup plus complète (pour être juste, il se peut que Browning ait tourné certaines scènes qu'Universal aurait coupé pour la sortie), et surtout plus explicite (la mort de Dracula, totalement anodine chez Browning car hors-champ, est bien plus impressionnante chez Melford). Et en effet, Carlos Villarias me semble bien moins figé que Bela Lugosi dans le rôle-titre. Et Lupita Tovar moins endormie qu'Helen Chandler !!! je pense donc que ce Dracula hispanique est une oeuvre majeure du cinéma hollywoodien de l'Age d'Or, davantage que la version plus connue avec Lugosi.

BlueSoul, non seulement, comme le rappelle Arioch, le fait de tourner un film en plusieurs versions plutôt que le doubler était une chose tout à fait courante dans la première partie des années trente, mais... ça existe encore, parfois. Ainsi le "Nosferatu, fantôme de la nuit", tourné en allemand et en anglais par Werner Herzog, avec le même casting.

Avant cela, des acteurs comme Buster Keaton, Laurel & Hardy, Greta Garbo, ont tourné à Hollywood des versions allemandes, françaises, espagnoles et italiennes de leurs films américains. Jacques Feyder a tourné des versions allemandes de "La kermesse héroïque" et des "Gens du voyage", avec Françoise Rosay pour les deux langues. La même Françoise Rosay a tourné en Angleterre des films en versions françaises et anglaises. Julien Duvivier a fait "Les cinq gentlemen maudits" en français et en allemand, tout comme "Marianne de ma jeunessse" (il ne t'a probablement pas échappé que dans ce même forum il existe un thread sur le récent passage de ce film au Ciné Club de FR3, dans sa version allemande où Horst Buchholz remplace Pierre Vaneck...). Bourvil et Joan Greenwood sont dans les versions anglaises et françaises de "Garou Garou, le passe-muraille"...

Universal n'a pas tourné que "Dracula" en espagnol, avant ce film il y avait déjà eu "El gato", déjà de George Melford, version hispanique de "The Cat Creeps" de Rupert Julian. Si l'on ne considère que le fantastique, il y a bien d'autres exemples.
Et en Europe aussi... Fritz Lang a bien tourné une version française de son "Testament du Dr. Mabuse", il existe aussi des versions françaises d'autres films allemands comme "Der Andere" ("Le procureur Hallers"), "Gold" ("L'or"), "FP1 antwortet nicht" ("IF1 ne répond plus", plus version anglaise "FP1 Doesn't Answer"), "Die Herrin von Atlantis" ("L'Atlantide", plus version anglaise "Atlantis"), "Amphytrion" ("Les dieux s'amusent"), etc etc.
Dans les années cinquante, Christian-Jaque a tourné deux versions de "Barbe-Bleue", une en français avec Pierre Brasseur, une en allemand avec Hans Albers - Cécile Aubry, elle, jouant dans les deux) et pas moins de trois versions de "Singoalla", en français, anglais, et suédois, toutes trois avec Viveca Lindfors. Et je pourrais continuer ainsi pendant plusieurs pages, mais, comme tu peux voir, le fait pour Universal de tourner deux versions de DRACULA n'était ni rare, ni extravagant... Et c'est bien ce Dracula hispanique que virent, avant la guerre, nos voisins espagnols, bien entendu, et non pas celui avec Lugosi qui ne fut distribué chez eux qu'après la guerre, avec des lobby cards qui mélangeaient allègrement les photos des deux versions !!!U
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Re: Dracula (Spanish version) (1931) – George Melford

Message par Yza »

J'ai toujours eu la même avis que toi Ftms 2 sur le Dracula espagnol de Melford :roll:
Attention: message incompréhensible et cryptique...
bluesoul
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Re: Dracula (Spanish version) (1931) – George Melford

Message par bluesoul »

A Fantomas2:

En fait au moment ou j'ai decouvert Dracula (version hispanique), je partais du postulat que le "doublage" et sa technique existait deja :oops: , et je cherchais donc des raisons autres qui expliqueraient le pourquoi de la chose (des acteurs "locaux" qui feraient de meilleures tetes de gondoles, etc).

En fait, depuis, j'ai croise le chemin de Eran Trece (1931), le remake / re-do hispanophone de Charlie Chan carries on (1931) et selon les indications trouvees ce film serait le dernier a beneficier du traitement pour des raisons "techniques", la methode du re-doublage aurait apparemment ete mise au point juste apres.

Ca expliquerait pourquoi on n'a pas eu droit directement a un Frankenstein allemand ou un The Mummy italien.

Par contre, ce qui me turlupine maintenant est que parmi les titres que tu mentionnes quelques titres sont (1) posterieurs et (2) europeens (Les Gens du Voyage (1938), Marianne de ma Jeunesse (1955), Garou-Garou le Passe-Muraille / Mr. Peek-a-Boo (1951), etc).

Ce serait du a quoi; les couts de la technologie, un retard europeen, les fameuses tetes de gondoles ou encore autre chose...? Parce que la, c'est quand meme clair que la technique existait et etait utilisee... :roll:

Le resultat est assez fascinant. Il depasse (et de loin) le cote pseudo-intello de refaire Hitchcock et son Psychose quarante annees apres. On refait en quasi-simultane le meme film sur le meme plateau avec des autres acteurs et le resultat est parfois assez bluffant...

Dracula et Dracula Hispanola c'est le jour et la nuit dans le traitement, la duree, l'interpretation, etc... :shock: Et pour moi, c'est le deuxieme qui remporte la palme...

Au passage, si tu connais un endroit ou trouver les titres que tu mentionnes dans leurs differentes versions (en prime), je suis preneur! 8)) Deja, Gold meme en allemand, j'ai pas encore mis la main dessus... :(
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Re: Dracula (Spanish version) (1931) – George Melford

Message par fantomas 2 »

C'est en 1933 et non en 1931 que Hollywood a cessé de produire des versions en langue étrangères de ses films. D'une façon générale, l'Europe a cessé d'en produire quelques mois plus tard, mais jamais complètement. Il existe de multiples films européens tournés en plusieurs langues bien après 1933 !
Voici un lien:

http://www.filmreference.com/encycloped ... SIONS.html

En Europe, comme tu peux voir dans cet article, Jean Renoir a tourné trois fois "Le carosse d'or", avec Anna Magnani dans les trois versions. "Les mains d'Orlac", avec Mel Ferrer, Dany Carrel et Christopher Lee, existe en anglais et français, entendre Chris Lee dire "merde!" dans la version française est un plaisir rare. Le casting est le même, mais chaque plan a été tourné deux fois, et le montage est parfois différent.

Aux Studios Paramount de Joinville-le-Pont, jusqu'en 1933, on tournait les versions étrangères de films américains en 14 langues différentes. Le "Marius" de Pagnol fut tourné également en allemand, anglais et arabe ! La MGM, elle, préférait faire venir des acteurs et réalisateurs étrangers à Hollywood pour les versions françaises, italiennes, espagnoles et allemandes. Françoise Rosay joue ainsi dans la version française d'un film avec Buster Keaton, tourné par Jacques Feyder !

La télé française a présenté les deux versions de CARAVANE, d'Erik Charrel, avec Charles Boyer en français et anglais. Même chose pour L'OPERA DE QUAT'SOUS, de Pabst (allemand et français). Ou pour AMPHYTRION / LES DIEUX S'AMUSENT (allemand / français). La VHS de LIBELEI de Max Ophüls (Editions Montparnasse) présente la version allemande et la version française du film. Idem pour LE MESSAGE de Mustapha Akkad sorti en France en versions américaine et arabe - les deux sont d'ailleurs sur le DVD, tout comme pour NOSFERATU, FANTOME DE LA NUIT (allemand et anglais). Etc.


Enfin, en Inde, les films en multi-versions se comptent par centaines, le même film ayant souvent été tourné trois fois dans un même studio, avec les mêmes décors, la même musique, mais dans une langue différente et avec tout ou une partie du casting changé...
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Re: Dracula (Spanish version) (1931) – George Melford

Message par bluesoul »

L'on parle toujours d'internet comme de la source de tous les savoirs, mais en matiere de cinema (fantastique), quand Fantomas2 parle, tous se taisent... :-D

F2 est bel et bien la memoire vivante de ce forum. Merci de tout coeur pour toutes ses precisions.

P.S.
entendre Chris Lee dire "merde!" dans la version française est un plaisir rare.
:mrgreen: :mrgreen: :mrgreen:
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