Curieux film que ce "Stavisky", collaboration entre la star Belmondo et un metteur en scène plus étiqueté "auteur" Alain Resnais. Il en ressort un film assez atypique dans la filmo de l'époque de Bebel, coincé entre les grosses machines commerciales (je ne dis pas ça dans un sens péjoratif) de Verneuil ou De Broca.
Le film est assez déstabilisant dans sa forme. Resnais se livre toujours à quelques expérimentations, mais d'une façon assez surprenante, très diluée dans un format relativement classique. On a ainsi droit à quelques changements temporels (des flash forwards très très brefs), un montage parfois surprenant, des ruptures de ton assez abruptes. Le récit prend son temps, à tel point qu'on peut trouver que les deux premiers tiers se trainent un peu. Mais ce n'est que pour mieux mettre en place les différents (et très nombreux) personnages secondaires de l'entourage de Stavinsky, nous montrer tous les rouages de son système, nous faire comprendre petit à petit toutes les ramifications du système de l'époque, aussi bien sur un plan politique que financier. Et le dernier tiers du film tire pleinement parti de toute cette longue exposition en nous montrant ce système, si brillamment exposé, se refermer petit à petit sur le personnage central d'Alexandre. On est alors pleinement touché par la description de la nature humaine à laquelle se livre Resnais, nous montrant l'homme dans ce qu'il a de plus lache, de plus versatile et opportuniste.
Tout cela est porté par un casting assez admirable. Belmondo campe un très bon Stavisky, plutôt sobre, mais d'une grande élégance, charmeur et dandy. Les seconds roles sont tous très soignés, on retrouve ainsi une Anny Duperey qu'on a rarement vu aussi belle, le grand Charles Boyer qui compose un majestueux baron, ou encore F.Périer ou M.Lonsdale. Bien entendu, on croise les habituels Michel Beaune et P.Vernier, de même que des jeunots comme Claude Rich ou Depardieu. Bref, du lourd à tous les niveaux, devant comme derrière la caméra, avec notamment Jorge Semprun comme scénariste. La reconstitution du Paris des années 30 est splendide, la mise en scène est classieuse et inspirée, le propos est fort, porté par un solide scénario, documenté et aux nombreux niveaux de lecture. Seul bémol, la partie concernant Trotski me semble assez bancale, pas vraiment bien intégrée au reste du film, et on a un peu de mal à faire le lien entre tout cela... Reste un film très interessant, proposant une autre facette de Belmondo, dans un univers inhabituel dans lequel il se fond à merveille. Le film a très bien traversé les années, le propos étant toujours autant d'actualité dans ce qu'il dénonce. J'ai pensé à d'autres œuvres, notamment "Gatsby le magnifique" à travers ce personnage de nouveau riche qui ne sera finalement jamais totalement accepté par la "Vieille France"... Un beau film, profond et émouvant, à redécouvrir.
