
"Valhalla Rising, le guerrier silencieux"
Réalisé par Nicolas Winding Refn
Avec Mads Mikkelsen, Gary Lewis, Ewan Stewart, Jamie Sives, Alexander Morton...
Harald (alias One Eyes), un Viking muet doté d’une force phénoménale est réduit en esclavage par un chef de clan des Highlands. Le voici qui parvient à s'échapper de ses géôliers en les tuant férocement les uns après les autres. Son chemin se fera dès lors avec un jeune enfant d'une dizaine d'années qui l'a aidé à s'échapper. Ils rejoindront un Drakkar qui doit rejoindre la Sandinavie et lutter contre l'envahisseur chrétien. On dit "One eyes" venu droit de l'enfer. Celui-ci n'hésite pas à fendre en deux à coups de hache, quiconque se mettant dans son passage, ou même à les vider des leurs intestins. L'homme ne semble mu que par la haine.
Mais n'est-ce pas là finalement un pèlerinage que ce guerrier silencieux se fait ? La destination du drakkar, qui doit soi-disant trouver sa terre sainte, s'échouera dans un continent inconnu, un nouveau monde. Peut-être l'enfer...
Bon, faudra surtout pas aller le voir en pensant tomber sur un "Pathfinder" ou je ne sais quel film d'aventures viking.
Il s'agit à mon sens davantage d'un trip sensoriel et d'un trip tout court que d'un spectacle échevelé.
Très éloigné du roman dont il semble de prime abord s'inspirer (Clive Cussler), on pense très vite à Joseph Conrad et son "Au coeur des ténèbres", car c'est de bien cela dont il s'agit tout le film durant. D'une traversée des ténèbres, autant de manière littérale que mystique. La manière dont Nicolas Winding Refn s'attarde sur les décors, ses personnages, prend son temps, rendant son film contemplatif, le rapproche également d'un Werner Herzog et son "Aguirre" ou même d'un Terence Malick pour le rapport mystique qui s'instaure à la nature.
C'est somptueusement filmé, c'est aussi un pari culotté car je reste persuadé qu'il s'agit d'un film exigeant, demandant un effort, sinon une acceptation du spectateur. Un film qui se mérite en quelque sorte. Pas d'un spectacle tout cuit. (Imaginez un film de vikings tourné à la manière de "Bronson" par exemple).
Quoique totalement personnel dans sa démarche, le rapprochant parfois d'un film d'auteur, et dont le principal défaut demeure sa distanciation qui rime avec une certaine froideur, laquelle pouvant laisser son spectateur sur le carreau, le réalisateur puise pourtant dans sa cinéphilie. Que ce soit "Les Vikings" de Fleischer (Harald ressemble étonnamment à Kirk Douglas avec son oeil crevé), "Le grand Silence" (notre héros est muet et est un grand solitaire voué à la mort, s'il n'est déjà mort), au chambara ("Baby Cart" aussi, avec cet enfant qui trouve grâce à ses yeux et qu'il traîne tout le film durant, sans doute aussi les films cités ci-dessus comme le Herzog ou le Coppola de "Apocalypse Now" (seconde partie du film), Bergman aussi ne semble pas bien loin parfois, autant que Tarkovski.
C'est aussi extrêmement violent et pas seulement de façon graphique. Le traitement sonore est étonnant, et l'on entend chaque vertèbre se briser, des tripes se vider, et finalement c'est plus le son que l'image qui la rende réaliste. Elle pourra même paraître difficile à ingurgiter pour certains (surtout dans sa première demi-heure).
La musique de Peter Kyed et Peter Peter elle aussi surprend. Elle ressemble parfois à s'y méprendre à ce qu'aurait pu pondre un Thurston Moore échappé des Sonic Youth pour un délire bruitiste très maîtrisé. Elle parvient à elle seule, par moments, un faire décoller un film très contemplatif.
Quant à la violence, sachant que plus jeune, Winding Refn a découvert le cinéma en tant qu'art en voyant "Massacre à la tronçonneuse", il est logique qu'elle soit ici omniprésente, avec des cadavres à demi-décomposés sur la la route de nos sombres héros.
Idem pour la tonalité du film qui se rapproche finalement largement plus d'un film métaphysique fantastique que d'un film d'aventures. Le réalisateur dit lui-même ceci : "Quand je me suis retrouvé sur les montagnes d’Écosse, je ne voulais plus tourner un film de vikings. Ce que je voulais désormais, c’était faire un film de science-fiction !" (d'où le fait que je le classe ici dans la section qui me semble adéquate - si pas d'accords n'hésitez pas à changer de section...).
Avec Le Guerrier silencieux, Nicolas Winding Refn retrouve le comédien de ses débuts,
la star danoise Mads Mikkelsen (Casino Royale, Coco Chanel & Igor Stravinsky, et prochainement Le Choc des Titans).
Son prochain film sera vraisemblablement un thriller intitulé "Only God Forgives" qu’il tournera à Bangkok, en Thaïlande.
Voilà, il s'agit pour ma part d'un film à découvrir. Son réalisateur me semble passionnant, ne pondant jamais le film qu'on attend de lui.
Bien sur, comme dit plus haut, on aura droit de ne pas adhérer au Trip proposé. Le défaut que j'ai relevé est une distanciation qui confine à la froideur artistique.
Ceci étant, c'est tout de même un chouette voyage dans l'inconnu (sans passé ni futur), ce fameux inconnu si fantasmatique, qu'il en devient presqu'un voyage abstrait en plein coeur des ténèbres.
Bref, une belle expérience à tenter !
p.s : j'ai rêvé ou il y avait un sosie d'Arioch dans la salle hier ?