L'Armée du crime, Robert Guédiguian, 2009

[mercredi]

Le nouveau film de Robert Guédiguian, “L’Armée du crime”, pourrait bien décevoir les amateurs du réalisateur ou au contraire venir à confirmer les craintes des détracteurs tant ce métrage s’avère mauvais.
Dirigé par le poète arménien Missak Manouchian, le célèbre groupe de résistants communistes étrangers / d’origine étrangère surnommé par les allemands, l’Armée du crime, inspire à Guédigian une trame bien insipide.
Exempts de toute psychologie, les personnages ne suscitent jamais notre intérêt ni notre pathos et ce malgré des procédés de mise en scène autant usés qu’horripilants. Surimpression d’un regard et d’une scène violente, ralenti sur des bottes allemandes, morceaux lyriques ou “musique du monde” inopportune; l’artiste convoque tous les ressorts du pathétique... en vain. En effet, “L’Armée du crime” passe outre ce qui constitue l’intérêt de son sujet: déterminer et réfléchir sur les motivations de résistants capables de donner leur vie pour une nation qui ne les a pas vu naître ou bien qui les rejette. Compassion d’un arménien pour un peuple, victime d’exactions comparables à celles qui décimèrent ses propres concitoyens en 1915, rêve d’héroisme, révolte contre une Histoire qui nous dépasse souvent, ect... Le public ne pourra guère se pencher sur ces thèmes et devra littéralement subir 2h30 de bavardages, regards voulus intenses, actions dignes des téléfilms de France deux. Un beau ratage.

[Manolito]

"L'armée du crime" n'avait guère été bien accueilli à sa sortie. Et il faut bien le dire, au vu de son sujet passionnant, il y a de quoi être déçu. Guédiguian est mal à l'aise dans la gestion de certains défis cinématographiques. La reconstitution est ripolinée, lisse, toc, n'implique jamais une quelconque immersion ou un quelconque dépaysement. Dès qu'il s'aventure hors d'un filmage classique, le réalisateur se fourvoie dans des effets de réalisation complètement ratés - le lancer de grenade par Manouchian ... Visuellement ingrat, longuet et répétitif dans sa longue narration de 2h20, monocorde dans ses interprétations, "L'armée du crime" dégouline de bonnes intentions, mais donne à l'arrivée une impression de fadeur, de téléfilm pédagogique sans profondeur, approchant parfois des sujets intéressants (le passage à l'acte violent, le rapprochement juifs/arméniens), proposant quelques scènes un peu ambigues (le recrutement du policier à la préfecture), mais ne va jamais au fond des choses, ne parvient jamais à sortir des images d'Epinal sur la Résistance, les conventions. Pourtant, il est toujours intéressant et salvateur de rappeler cette histoire aux péripéties intrinsèquement passionnantes. Certains personnages prennent bien vie (en particulier dans leurs rapports avec leur famille). Dommage que Guédiguian, qu'on a connu mieux inspiré, ne trouve pas les clefs pour apporter une vraie dimension de film de cinéma...

Vu sur le bluray studiocanal, copie HD 1.85 guère emballante à mon sens. Si on en croit allociné, le film a été tourné en 35mm. Le résultat est pourtant très lissé, très numérique, avec une image détaillée, colorée, mais aussi souvent figée, avec des peaux manquant de subtilité, une image dénuée de vie. Les noirs sont souvent bouchés, certains plans très sombres frisent l'irregardable. Pour un téléfilm ou une série TV, ce serait passé. Mais pour un film très récent, j'ai été plutôt déçu. Bande son DTS Master pas très intéressante non plus, son vague, monotone, peu dynamique, mixage pauvre uniquement cantonné aux voies avant, voire à la centrale. Là aussi, pour un film tout récent, ce n'est pas convaincant.

[Plisken]

Vous allez pas aimer "La rafle"

[Superfly]

c'est vrai que cela ressemble trop à un téléfilm pour France 2. Vu le film et plus de souvenirs ... désolé...

[Superwonderscope]

Je vous trouve bien violents vis-à-vis du film. J'ai effectué la vision à reculons, mais j'ai été quand même bien dans le film le long des 2h18.

Certes, ça manque de punch pour un film sur la résistance, sur des coups d'éclat d'un groupe pareil. Il y a des erreurs de casting : Virginie Ledoyen en tête et Stévenin en champion de natation, ça ne fait pas du tout crédible . En même temps, on voit que ce ne sont pas les coups qui passionnent Guédiguian, mais les trajectoires humaines. Et à fortiori les parallèles/ analogies avec la situation politique actuelle. Des dialogues parfois trop démonstratifs, mais qui cadrent bien avec ce que Guédiguian souhaite faire passer. Le chef SS qui indique qu'il faille terroriser les terroristes, ça n'est pas anodin, pour ceux qui ont en mémoire le discours de Charles Pasqua; Idem pour la (fausse) candeur de Mme Elek (Ariane Ascaride) qui indique que rien ne peut arriver, puisqu'on en en France, "pays des droits de l'homme".
Guédiguian est peut-être l'un des derniers survivants d'un cinéma français engagé. Je ne suis pas vraiment à l'aise avec son cinéma de manière générale (j'avais détesté Marie-Jo et ses deux amants, entre autre), mais il y a ici une certaine dose de sincérité et de simplicité dans la manière de filmer que ça m'a touché au fur et à mesure. Ca n'a rien de révolutionnaire, ni n'a de volonté de dramatiser l'action, de donner dans le spectaculaire. On est pas dans du Justin Lin, quand même . Pas d'embellie du propos ni de victimisation. Des plans relativement simples (la porte qui se referme sur les juifs dans leur wagon à destination de Birkenau, par exemple)

Pointé par Manolito, les meilleurs aspects du film sont sur les comportements curieux de certains personnages : l'inspecteut joué par Darroussin, entre compassion apparente et manipulation - la scène où il assiste à la torture au chalumeau (personnellement, de voir la chair grésiller sous le chalumeau, ça ne m'a pas du tout paru téléfilm ), le jeu de l'acteur et la caméra distancée laisse penser à un revirement de situation dans son rapport à la Police française (et le commissaire, joué à merveille par Yann Tregouet). Ses rapports avec ses subalternes, tout comme avec ses supérieurs semblent traversés d'incertitude doublé d'une volonté de tirer les marrons du feu (coucher avec Monique, p.ex). C'est là où le film réussit le mieux son parcours : le comportement du "Hongrois", qui veut de Manoukian des "résultats". Monique, qui semble trahir les siens pour un but amoureux... il n'y a pas de bons résistants ou de mauvais français, ils sont tous plus ou moins en marge de l'un ligne comportementale bien définie dans la plupart des films sur la résistance. Je me suis senti assez proche de cette manière de montrer des personnages justement un peu troubles.

je ne comprends pas bien les reproches de Mercredi sur la musique, en rapport avec les communautés décrites dans le film. Ca ne me semble pas déplacé, bien au contraire...

Classique sur la forme... c'est vraiment la dimension humaine qui est privilégiée ici, et le sens de l'engagement, l'éthique du discours.

Vu aussi sur le BD Studio Canal. Le son ne sort en effet peu de l'ordinaire : est-ce voulu ou non aux vues du film? Les explosions sont par contre très efficaces! La définition m'a paru par contre vraiment belle - la scène entre le commissaire et Daroussin permet de voir un nombre assez incroyable de détail dans les textures, les différences de teinte en intérieur, les détais des costumes, coiffures... un très beau boulot.

[majorsenta]

Son film repose sur ses convictions...
Si on enléve les convictions, le film parait curieux.
Les resistants sont communistes, jeune et beaux...
Le flic est moite ...et libidineux.
Eux, ils sont innocents...lui, il est pervers.
Les resistants sont comme des statues...


Le truc qui m'a vraiment interessé, c'est surtout le personnage de krazucki.
Pour moi, c'etait le syndicaliste des années 80 qui avait du mal avec les francs, qui hésitait et begayait..parlait lentement...
Je ne pensai pas qu'il s'agissait du même bonhomme.
C'est ce paradoxe la, cette contradiction qui m'a interessé et surpris.
Le vieux begayeur à casquette des années 80 était en fait un baroudeur des camps de concentration...je ne connaissai pas du tout son histoire.
Rien que pour ça....

[Superwonderscope]

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Les resistants sont communistes, jeune et beaux...
Le flic est moite ...et libidineux.
Eux, ils sont innocents...lui, il est pervers.
Les resistants sont comme des statues...
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Je suis pas trop d'accord avec ça. Ils sont jeunes et beaux...euh.. c'est très subjectif. Le personnage du hongrois et Manouchian, c'est pas ça. "innocents" : là aussi, si buter des allemands à coups de flingue, placer une bombe dans une librairie, c'est être innocent, je pense pas. C'est justement là , avec leurs motivations diverses, que l'ambiguité nait chez chacun, à mon sens. Le flic moite et libidineux, là aussi, ça reste assez flou quant à ses motivations. le fait de coucher n'est-il pas un moyen pour lui de faire pression sur la jeune femme et obtenir ce qu'il veut, à savoir faire tomber le réeseau?. Et si on pousse de ce côté là, le commissaire 100% collabo est "jeune et beau", aussi...

[majorsenta]

L'Armée du crime, je la trouve trés photogénique...si tu préfères.
Je la trouve idéalisées.
L'armée du crime, c'est Adrien Jolivet, Grégoire Leprince Ringuet,Robinson Stévenin, Virginie Ledoyen...
Il manque Louis Garrel...
C'est peut être aussi que ne connaissant pas la période sur le bout des doigts, j'avais en tête des resistants plus....Chritian Barbier, homme du picardie ?

là aussi, si buter des allemands à coups de flingue, placer une bombe dans une librairie, c'est être innocent, je pense pas.

Oui on est d'accord mais dans le film, les personnages restent parfaits.
Ils passent toutes leurs épreuves sans dilemmes, sans doutes.
Ils ont un coté Super Resistant....
On a l'impression que le réalisateur les sachant du bon coté ne pousse pas plus loin.
On aurait aussi pu s'interesser aux ambiguités , aux relations avec les communistes français...à ceux qui soutiennent le pacte germano-sovietique.

[Superwonderscope]

En même temps, lorsque tu vois la dernière image avec leurs photos en médaillon (la véritable image, donc), ils sont en effet tous à la base assez jeunes, hormis Manouchian et bien sûr, le personnage du Hongrois chefaillon. Je n'ai jamais pensé un seul instant que Guédiguian pensait à rendre glamour la résistance de par le casting En tous cas, ça ne me les a rendu plus sympathiques (ou plus antipathiques)
Maintenant, les ambiguités des communistes et ceux du soutien au pacte (entre autres sujets connexes), je pense pas que c'était le sujet du film. Le réalisateur s'est concentré sur les ambiguïtés des personnages eux-même, des doutes de Manouchian, du côté chien fou tueur du personnage de Stévenin. Il bute quand même gratuitement, froidement des quidams allemands (occupants certes) de manière assez brutale. Et pour le passage à l'acte, je ne comprend pas bien ton commentaire : le film précsie quand même leurs aspirations et le mécanisme de passage à l'acte de chacun. les doutes? ils en ont le long du film (l'attentat manqué du bordel, par exemple). Et bon, ils ne sont pas si super résistants, ils finissent quand même tous tués, dans cette histoire!

[majorsenta]

Je n'ai jamais pensé un seul instant que Guédiguian pensait à rendre glamour la résistance de par le casting

Tutututu...
Dans ce cas, il aurait pu prendre de parfaits inconnus..
Il n'y aurait pas eu de filtres entre l'histoire et le spectateur.
La c'est surtout Ledoyen en resistante... Darroussin en flic ...
Voila...voila....à la limite avec la même histoire, je pense que j'aurai préféré des inconnus...j'avais peut être pas envie de voir les jeunes acteurs français du moment en resistants...j'aurai préféré les voir s'effacer.
A la limite, j'aurai bien voulu en voir un , sympathique...un personnage que l'on aime bien, courageux et découvrir que lui aussi sous la torture...et bien il donne ses amis.
J'imagine que cela a du exister...
Encore une fois ce que j'ai aimé, c'est la description de Krazucki et son histoire parce que ça je ne connaissais pas et surtout j'ai l'impression que cela a etait peu dit, peu filmé...et m'a franchement surpris.