Je ne sais pas trop par où commencer pour évoquer cette "Dame de Shangaï" tant les sentiments divers et contradictoires se mèlent à son propos. Commençons par la dame en question, pour voir. Elle, c'est Rita, Rita Hayworth. La sublime "Gilda", travestie ici en blonde de luxe, femme fatale, ex-du réal au passage pour l'histoire en "off", plus belle que jamais, iradiant littéralement l'écran à chaque apparition. LA star hollywoodienne par excellence, LA femme pour qui tout homme serait pret à vendre son âme. Le tournage devait être tendu, le couple vedette étant en pleine séparation. A l'écran, il n'en est rien, tant la caméra de Welles la magnifie à travers chaque plan.
A côté de ça, Welles. Encore dans sa période "beau gosse", il est très bon. Séducteur, charmant, il ne se donne pour autant pas vraiment le beau rôle. Son perso est pas mal baladé, pas forcément plus futé que la moyenne. C'est aussi Welles derrière la caméra, égal à lui-même. Alternant le génie avec les raccords improbables. Des idées hallucinantes (le final bien sur) avec des scènes plus quelconques, des problèmes de rythme. Mais bon, au final, la balance penche largement vers le positif, et on ressort du film avec l'impression d'avoir vu quelque chose de fort, comme toujours en ce qui me concerne avec le bonhomme.
Au niveau de l'intrigue, on est dans du classique niveau film noir. Comprendre par là, un début qui se suit, puis des persos qui se multiplient, des enjeux et rebondissements qui finissent par devenir incompréhensibles, mais un spectateur qui se laisse porter, conscient que, l'éssentiel est ailleurs...
Ailleurs, ça peut être dans la forme, souvent sublime. La scène des miroirs a marqué l'histoire, on comprend pourquoi, aujourd'hui encore, elle constitue un petit bijou visuel. Pour le reste, on a à boire et à manger. C'est bancal, décousu, parfois mal foutu, mais dès qu'on pourrai décrocher, un élement nous ratache au film, au récit. Un plan, un second rôle (Bannister et ses béquilles est juste génial !), une idée folle. Le film est très inégal, je me suis parfois ennuyé, mais j'ai quand même beaucoup aimé au final. Même du mauvais Welles navigue clairement au dessus de la masse. Sans être un des sommets de sa filmo, ça reste un film à voir, ne serait ce que pour son final, grandiose.
Ca passe actuellement en copie restaurée au Mac Mahon et au Champo
