Margaret Mevin, actrice à succès, engage par l’intermédiaire de sa secrétaire Dina la jeune Silvia comme dame de compagnie. Tyrannisant au quotidien son entourage, Margaret trouve rapidement chez cette dernière matière à assouvir son égocentrisme démesuré. A sa surprise, elle constate que non seulement Silvia n’oppose aucune résistance aux humiliations croissantes qu’elle lui fait subir, mais que cette dernière semble au contraire se plaire dans sa dégradante situation.

Onzième film du scénariste-réalisateur Pasquale Festa-Campanile, Scacco alla regina est la libre adaptation du roman éponyme de Renato Ghiotto, traduit en français sous le titre L’Esclave, par Tulio Pinelli et Brunello Rondi, fréquent collaborateur de Fellini dans les années 60. Cette étude quasi psychanalytique des rapports esclave-maître entre une employée / dame de compagnie masochiste en quête de soumission et une employeuse / star tyrannique prompte à humilier tout ceux qui gravitent autour d’elle, est l’un de ces sujets casse-gueules, volontiers provocateurs auquel Festa-Campanile se sera frotter régulièrement tout au long de sa carrière de cinéaste.
Les auteurs entendent donc traiter leur sujet sous un angle psycho-analytique. Ils le font savoir dès le générique de début, qui déroule ses crédits sur fond de dessins aux couleurs psychédéliques évoquant le célèbre test de Rorschach (ces figures symétriques formant des papillons, censés révéler à l’analyste votre personnalité lorsqu’on vous demande de les interpréter). La suite ne vire toutefois pas au pensum intello, comme pouvaient le redouter ceux qui se sont déjà frotter aux réalisations ultérieures de Brunello Rondi.
Festa-Campanile signe à l’inverse une œuvre plutôt ludique, certes souvent trouble de par la singularité des situations qu’elle expose, mais aussi colorée, raffinée et sensuelle, finalement assez proche de La Matriarca dans son érotisme/esthétisme pop et ses digressions oniriques. Les récits des 2 films se trouvent d’ailleurs rythmés par les mêmes rêveries décadentes de leurs héroïnes respectives (Hayde Politoff ici, Catherine Spaak dans La Matriarca). Plus étonnant en revanche est le refus du cinéaste de jouer, ne serait-ce que partiellement, la carte de l’humour satirique, une approche habituellement privilégiée par son cinéma.
Titre tombé dans l’oubli, comme beaucoup de films de Festa-Campanile, Scacco alla regina reflète remarquablement la force et les contradictions de son cinéma. Sa fougue, ses audaces et le jusqu’au boutisme de la plupart de ses conclusions en font une œuvre à la fois pertinente et passionnante à égrener aujourd’hui, mais qui peut facilement déstabiliser le spectateur contemporain, ne serait-ce que dans la légèreté, voire l’inconséquence avec laquelle elle traite, comme ici, des sujets dérangeants et complexes.
Notons enfin que si Scacco alla regina n’a pas connu les honneurs d’une large diffusion en dehors de son pays d’origine, sa partition musicale est en revanche passée à la postérité chez les béophiles et amoureux d’easy-listening. A juste titre d’ailleurs, car Piero Piccioni signe là l’un des plus beaux scores lounge de sa brillante carrière.