Initialement concue pour etre une serie destinee a un tres jeune public sur la chaine britannique ITV, S&S est devenu des sa diffusion une serie “culte” ayant marquee les esprits (et passablement traumatise les tetes blondes du Royaume

Si a la base, la chaine visait le creneau-horaire 17:30 et prevoyait un budget assez etrique (une certaine vision de la television qu’ont nos amis britanniques), la venue a bord du projet de David McCallum (Wuthering Heights TV (1962), The Great Escape (1963), The Man from U.N.C.L.E. TV (1964) ), vedette reconnue alors, puis celle de (la prometteuse) Joanna Lumley (The New Avengers TV (1976), Cluedo TV (1993), Absolutely Fabulous TV (1992) ) fit remonter les aspirations (et le budget!).
Cree et scenarise majoritairement (cinq des six recits) par Peter Hammond
(Ace of Wands TV (1972), The Bill TV (1988) Torchwood TV (2006) ), S&S est une serie qui tend a…decontenancer…
D’abord au niveau de la gestion des recits. Ainsi, les 34 episodes formant les six recits (plus ou moins 6 en moyenne—en theorie) sont en fait plutot repartis en “arcs” (resp. 6, 8, 6, 4, 6 , 4 episodes a 30 minutes), prenant plus de temps (“son” temps) pour certains recits que pour d’autres.
Ensuite au niveau du contenu des intrigues. La legende (www.wikipedia.org), voudrait que Hammond ait accouche de la serie apres un sejour dans un chateau hante. A l’arrivee, S&S est essentiellement une serie sur des phenomenes qui ne peuvent etre approche que par l’idee de revenants / fantomes / lieux hantes, meme si au fur et a mesure du deroulement et des quelques (rares) explications fournies, une autre / des autres realites se profile(nt). Quelque univers plus vaste et plus inquietant encore sont ainsi sous-entendus a mots couverts.
S&S est une serie de type “mystery”, par moment, l’on semble se rapprocher (avec plusieurs decennies d’avance) de The X-Files TV (1993) ou encore de Lost TV (2004), meme si tres vite, le telephage averti se rend compte qu’ici il n’y a pas de risque de ne pas voir le(s) mystere(s) non-resolu(s), tout bonnement, car il n’y a aucune promesse de les resoudre a la base(!).
S&S joue ainsi avec les telespectateurs et contrairement a p.ex. The Prisoner (1967) ne suggere pas des “interpretations”, non, la serie est tout bonnement “avare” de details, alors que l’on devine que l’univers derriere est pourtant murement reflechi. Bizarrement, ceci ne gene pas le telespectateur, au contraire, cela l’inclut encore plus dans cet etrange univers, en le mettant dans la meme position que les protagonistes (humains) du recit, une position angoissee, tendue et fesant delicieusement frisonner dans son fauteuil…
Ceci nous amene aux protagonistes principaux du recits; Sapphire (Saphir) et Steel (Acier). Peu de choses seront devoilees au fur et a mesure de la serie. En fait, entre le debut et la fin de la serie, le spectateur n’en guere plus…

L’etrange duo apparait pour “resoudre” des problemes, ou “irregularites” (dixit le generique). (Toujours d’apres le generique), il semblerait que tous deux ne soient que deux des representants d’un groupe “veillant sur” ou “surveillant” notre univers ou notre dimension. Ils sont resolument “non-humains”, malgre leurs apparences—qui d’ailleurs des le premier episode est mis en doute, car ils semblent pouvoir influencer…leurs apparences justement.
Leurs caracteres, voire leurs morales, semblent egalement differentes de celles des autres intervenants “humains” du recit. Steel est “froid”, passablement “insensible” et ne semble que faire peu de cas de la donnee “humaine” du probleme (en fait, les “humains” meles malgres eux aux evenements que le duo est venu “regler” ou “corriger”). Sapphire, plus “chaleureuse” en apparence, parait plus enfantine, et quelque part s’amuser des protagonistes humains, plus que d’eprouver de la “compassion” pour eux…
Les pouvoirs desquels eux et leurs collegues semblent disposer les rangent egalement definitivement dans une categorie “autre”.
Les “irregularites” auxquelles le duo fait face, tient en general du phenomene “temporel”, indiquant peut-etre que les deux intervenants seraient des agents “(spacio-)temporels”—ils possedent d’ailleurs certains “pouvoirs” leur permettant d’agir dans une facon limitee sur le courant du temps.
Cependant, au cours d’echanges entre ces derniers ou entre ces derniers et les protagonistes humains, il semblerait plutot que Sapphire et Steel soient des “agents” au service du “temps (universel?)” ou agissant contre(!) ce dernier. Quoiqu’il en soit, dans leur univers, une realite inquietante, obscure et gigantesque semble se dessiner derriere un bien faible rideau de “realite”.
Quoiqu’il en soit, les sous-entendus abondent, et suggere quelque chose pouvant inquieter plus que des enfants (cible initiale de la serie

Au niveau de la realisation, et meme si quasiment toute la serie fut tournee “intra-muros”, grace a la dynamique des personnages, de l’atmosphere d’inquietude lourde et oppressante que surent generer Shaun O’Riordan (Thriller TV (1973), Scorpion Tales TV (1978), Callan: Wet Job TV (1981) ) et David Foster (Timeslip TV (1971), Tightrope TV (1972) ) a la realisation et surtout des magnifiques decors—dont une gare desaffectee qui reussi a l’epoque a bluffer jusqu’aux professionels de l’audio-visuel(!)


Si a la lecture de ces quelques paragraphes, l’on a l’impression d’avoir en face de soi une serie ayant reussi un “sans-faute”, la serie presente un seul “hic”, celui de finir sur un “cliffhanger” (une fin en suspens) qui ne fut jamais resolu, les acteurs ayant, en attendant divers retard de production d’une deuxieme serie, signe d’autres engagements, repoussant une “resolution” de leurs perils...aux calendes grecques…
S&S firent neanmoins encore parler d’eux en 2004(!), ou un duo d’autres acteurs reprirent leurs roles, ou plutot leurs “voix” pour une serie d’aventure sur CD, prouvant ainsi la longevite de l’interet porte aux deux personnages et a leurs univers, en tous cas sur les iles britanniques.
Serie donc “mythique”, “culte”, peut-etre “classique”, mais surtout une serie ou le “fantastique” se definira non pas comme de l’”epouvante” ou de la “science-fiction”, mais surtout comme de l’”etrange”. Une serie atypique donc, une serie “ardue” peut-etre, mais une serie qu’une fois connue, l’on ne peut considerer que comme “incontournable” et donc, tres, tres chaudement recommandee.
Sapphire and Steel: 5 / 5