Quatermass and the Pit (1967) – Roy Ward Baker
Quatermass se retrouve mele a d’etranges decouvertes faites dans le cadre de travaux d’extension au reseau souterrain. Il l’ignore encore, mais ce que les equipes de travaux viennent de mettre a jour n’est non seulement pas une trace importante du passé de l’humanite, mais egalement ce qui pourrait mettre un terme a sa propre existence…
Troisieme et dernier opus hammeresque dans la saga du bougon savant, QatP est aussi un film de “rupture” avec les episodes precedents.
Rupture quand au personnage principal, qui n’est ni plus interprete par Brian Donlevy, mais par Andrew Keir (A Night to remember (1958), The Day they robbed the Bank of England (1960), Dalek’s Invation: Earth 2150 A.D. (1966) ), ainsi que par sa caracterisation; un Quatermass nettement moins “agressif” et asocial qu’auparavant.
Paradoxalement, si Quatermass dominait le film dans le premier episode ou cependant il devait poursuivre la menace, qu’il jouait a niveau egal avec la menace dans le deuxieme, dans ce troisieme volet, et meme si au coeur de l’action, il ne semble qu’etre un pion, comme d’ailleurs tous les autres personnages. Ceci est sans doute du a une menace issue des temps immemoriaux et d’une taille non-definissable, car completement desincarnee.
Rupture aussi, quand a la mise en image. Non seulement Val Guest (The Men of Sherwood Forest (1954), The Camp on Blood Island (1958), The Day the Earth caught Fire (1960) ) n’est plus aux commandes (remplace donc par Roy Ward Baker (A Night to remember (1958), Dr. Jeckyll and Sister Hyde (1971), The Monster Club (1980) ), mais aussi de par le passage a la couleur, “swinging sixties”, oblige (mais sans en remettre une couche, cependant), ainsi que par la carte blanche (cad le budget “explosif” de la production) allouee aux effets speciaux. Ainsi, plus que dans les deux premiers volets, on parle (encore et surtout) ici de la fin du monde et les decors vont trinquer!
La thematique a donc changee, Quatermass ne sera plus un personnage “gris” en lequel se represente le tao de la science (risquer pour avancer), mais annonce de plus en plus l’image “moderne” (pour l’epoque!) du scientifique de cinema, une image “blanche”, celle des promesses de la science (la protection par le savoir).
L’on notera aussi que le cote mi-ange, mi-demon (tres marque dans le premier film) oppose aux croyances (evocation de la bible et de la foi religieuse de certains personnages), est ici completement inversee; si initialement la science semblait est la source des catastrophes, ici; la science detient les solutions, tandis que les croyances ancestrales tendent a representer (ou denoncer) une menace. D’ailleurs, la rationalisation des croyances “malefiques” (demons, fantomes) a laquelle s’adonne Quatermass, pourrait tout aussi bien s’appliquer aux croyances “benefiques” (apparitions d’anges ou de la Vierge). Un film qui a donc ete realise dans une tout autre epoque et contexte social.
QatP brasse egalement de nombreuses thematiques fantastiques et parvient a en faire un tout coherent (une gageure en soi!), et l’on peut ainsi rattacher une foulletee de films (ou idees) a venir a ces dernieres; Carrie (1976) ou The Fury (1978) pour les pouvoirs psychiques (surtout ceux du personnage feminin); 2001: A Space Odyssey (1968) ou les ecrits d’Erich van Daeniken—theories quant a l’evolution humaine “guidee” par une intelligence venue d’ailleurs pour le fond de l’histoire.
En retour, des cineastes rendront hommage (parfois de facon tres indirecte) au film; telle la sequence d’autopsie d’un extraterrestre qui partagera (jusqu’au membre qui sera casse) dans The Thing (1982) ou le final apocalyptique de Lifeforce (1986) ou encore Londres—tiens, tiens—sera raye de la carte.
La raison pour laquelle le personnage principal a ete quelque peu edulcore, n’est sans doute pas seulement un diktat de l’epoque (eloignement dans le temps de Von Braun et de ses V2 et remplacement par une course “positive” vers la lune), mais egalement peut-etre une volonte d’alleger quelque peu la noirceur du recit en limitant la noirceur du personnage principal, car au final, le spectateur est laisse face un Quatermass desabuse quant a l’idee d’une race qui a perdue son “humanite”, pauvre pantins desarticules controles par une volonte superieure, errant—malgre leur “civilisation”—en bordure de l’hysterie ou de la folie. Un constat deprimant, mais representant peut-etre aussi une “piqure de rappel” face a des theories d’eugenisme qui avaient mene a la catastrophe deux decennies plus tot…
Bref, un film riche en thematique, beneficiant d’une excellente trame, d’une tres bonne interpretation et d’une action “decomplexee”.
A voir donc, comme un chef-d’oeuvre du genre, car n’ayant decidemment pas froid aux yeux!
Quatermass and the Pit: 5 / 5
En direct du Japon. Bonsoir. A vous, Cognac-Jay.