Noah’s Castle TV (1980) – Colin Nutley

[bluesoul]

Dans un futur proche, face a une societe britannique tombant graduellement dans l’anarchie, une famille se refugie a la campagne, prete a defendre ce qui lui reste face…aux “autres”…

Si en Grande-Bretagne, de nombreuses series destinees a la “jeunesse” racontent des aventures fantastiques, merveilleuses, science-fictionnelles ou effrayantes, certaines choisissent de narrer via la (science-)fiction des recits plus anchres dans la realite et…dans ses derives.

Si dans le PAB (paysage audio-visuel britannique), certaines series toucheront a la politique, telles The Guardians TV (1971) ( une serie pour “adultes”, certes ) et son Angleterre fasciste, d’autres, comme NC (serie pour la jeunesse donc), s’interessera au social et aux maux qui rongent la societe.

En 1980, la Grande-Bretagne etait aussi tourmentee que le continent europeen l’etait dans les annees 70s; l’inflation (passant de 10% a 22% entre 1979 et 1980), le chomage (passant 580,000 en 1970 a 1,500,000 en 1980), la ligne “dure” du gouvernment Thatcher face a certaines industries (chantiers navals ou exploitations minieres) forcees de fermer, ou encore la guerre “officieuse” en Irlande du Nord pouvaient donner l’impression que dans un contexte tendu, toutes les derives etaient possibles et qu’une “explosion (sociale)” n’etait plus tres loin, surtout apres les greves dures de l’hiver 1979.

Si attaquer de front ces problemes dans une fiction n’est au fond pas etonnant, les traiter alors que l’on est en “plein dedans”—par oppose, a les traiter “a posteriori” est plus rare. Ce qui est encore plus etonnant, est le fait de destiner le sujet a un jeune public.

Base sur un roman de John Rowe Townsend ecrit en 1975, adapte donc en une mini-serie de 7 episodes cinq annees plus tard par la chaine independante Southern Television, NC trouva un echo assez inquietant dans le contexte de l’epoque, sans compter les paralleles qui pourraient etre traces avec la vague d’”indignation” qui traverse l’Europe et le monde de nos jours.

A noter neanmoins, que la Grande-Bretagne a de tout temps toujours ete friande de fiction “apocalyptique”, voire dans le contexte des meme annees 70s The Death of Grass et son adaptation cinema en No Blade of Grass (1970), ou alors a une epoque bien plus reculee le roman The Last Man de Mary Shelley en 1826, en passant par les romans The Day of the Triffids ou The Kraken wakes de John Wyndham dans les annees 50s ou encore la forme de literature appelle “Invasion literature”, tres populaire en Angleterre entre 1871 et 1914 et ayant pour sujet une invasion “humaine” et “guerriere” (generalement prussienne ou du moins “continentale”) des iles britanniques.

D'un point de vue televisuel, la serie (d'anticipation pour l'epoque) capitalise egalement sur l'experience qu'on les britanniques du traitement de la guerre et des privations dans les fictions traitant de la premiere et deuxieme guerre mondiale et qui font partie de l'"education" (en tous cas "mediatique") des enfants du Royaume.

La fiction imaginee par Townsend se rapproche en elle-meme egalement beaucoup de la tendance “survivalist” (post-apocalyptique) déjà exploitee dans des oeuvres telles Day of the Triffids (1951) adapte au grande ecran en 1962, et au petit ecran en 1981 (TV) et 2009 (TV), Malevil (1972) adapte en 1981, The Stand TV (1978) adapte pour la television en 1994 ou les fictions televisuelles The Day After TV (1980) aux USA et Threads TV (1980) en Angleterre. La difference etant, que NC est a classer dans la tranche “pre-apocalypse”, celle ou les protagonistes se prepare a l’”apres”, voire (sur)vivent l’apocalypse en question.

Bref, a prime abord, du “lourd” pour les jeunes tetes blondes du Royaume, a coups de pillages, presence militaire dans les rues, violences policiaires, tensions familiales, pourrissement du tissu social ou encore desintegrement de l’ordre (moral).

Quelques trente annees plus tard, la realisation de Nutley reste alerte et parvient a rendre “palpable” cette chute de l’”Empire”, grace a l’utilisation (pourtant parcimonieuse) d’images televisuelles, de figurants en uniformes de police ou de l’armee, d’unun scenario serre, d’une excellente interpretation du casting et d’une tres bonne gestion de tous les points de vue (egoistes / altruistes, genereux / profiteurs, anarchistes / rigoristes, jeunes / vieux, pauvres / bourgeois, hommes / femmes), qui se recoupent tous en le fait qu’ils ne cherchent qu’a survivre, devenant au passage des fauves les uns pour les autres…

Si le casting est uniformement excellent, c’est surtout l’interpretation de David Neal (The Borgias TV (1981), By the Sword divided TV (1985), Crime Traveller TV (1997) ) dans le role du patriarche cassant, arrogant, quasi-totalitaire, mais qui n’aspire qu’a la survie de son “clan” qui remporte haut-la-main en creant une antipathie neanmoins teintee d’une…desagreable comprehension (endeans certaines limites cependant)…

Une serie donc “fascinante” dans le lien qu’elle tisse entre une epoque que l’on croyait revolue, mais aussi “inquietante”, justement a cause de la facilite du parallele entre notre ”aujourd’hui” et leur ”hier”…

Une serie a voir et a mediter donc.

Noah’s Castle: 4.25 / 5

[bluesoul]

Liste des episodes:

Episode 1:
En Angleterre, la hausse constante de l’inflation, finit par occasionner des emeutes de mecontentement. Dans une famille a quatre enfants, le comportement d’un pere de famille (extremement authoritaire) se fait de plus en plus etrange. Il semble comme porter un secret qu’il ne devoilerait a personne, meme pas a sa famille…

Episode 2:
La famille Mortimer a fini par demenager en-dehors de la ville, tandis que celle-ci commence a sombrer petit a petit dans l’anarchie, les vivres commencant a manquer et les pillages a se multiplier.

Episode 3:
Si le gouvernement a interdit le stockage de vivres fesant de facto des Mortimer des criminels, la penurie force cependant la population et les connaissances des Mortimer aux actes les plus extremes. Les Mortimer eux-memes commencent a se diviser sur ce qu’il faut faire en tant que membres d’une famille et membres d’une societe qui se desagrege de plus en plus. Le pere lui-meme, un peu trop “bienveillant” envers certaines personnes peu recommandables semble commencer a vaciller…

Episode 4:
Les divisions “morales” se propagent parmi la famille, qui entre pitie, affection ou amitie pour les autres ou au contraire peur des autres risquent graduellement d’imploser, alors que de son cote, et sous la pression de son “invite”, le pere semble avoir perdu le controle de la situation et d’etre egalement pris dans la tempete…

Episode 5:
Un a un, les membres de la famille finissent pas se lever contre le pere qui finit par symboliser leurs peurs et leurs frustrations. Mais, dans l’ombre, au-dehors, des gens bien plus dangereux semblent se rapprocher de la demeure, et des “tresors” qu’elle contient en ces temps de disette…

Episode 6:
Abandonne par la plus grande partie de ses “troupes”, le pere reste avec quelques ses derniers “fideles” a defendre son “fort”, tandis que le danger menace tant de l’interieur que de l’exterieur.

Episode 7:
Alors que le “fort” est condamne a tomber sous peu, les membres de la famille quasi-detruite vont tenter une derniere chose pour sauver ce qui peut encore l’etre, alors que l’avenir lui-meme semble reduit a neant…