Pour l’anecdote, notons en premier que n’est pas fait reference a la mine de type “Claymore”, mais a l’epee “Claymore”, epee ecossaise du XIVeme siècle.

Serie TV de ving-six episodes diffusee sur la Nippon Terebi (NTV) et produite par le studio Madhouse (Meikyu Monogatari / [ Story of the Labyrinth ] a.k.a. Manie-Manie (1987), Death Note TV (2006), Hunter x Hunter X (2011) ), Claymore est base sur le manga Norihiro Yagi qui parait chez Shueisha Jump depuis 2011 et est a son niveau un “defi” a l’adaptation, et ce, pour plusieurs raisons.
D’abord le trait de Yagi est stylistiquement assez complexe et peut meme se montrer assez “frustrant” sous certains aspects. En effet, Yagi tend a rendre le visage de ses personnages “vaporeux”, limitant les traits, rendant selon les cas, la reconnaissance des personnages assez difficiles (notamment dans son manga Angel Densetsu / [ Legend of the Angel ] OVA (1996) qui se passe dans l’univers scolaire et ou les personnages portent tous un (meme) uniforme!).
Son trait presente egalement un cote “clinique”, donc “froid”, meme si ses histoires restent emprunt de “chaleur” car gardant neanmoins au centre du recit les sentiments humains et les interrelations entre les protagonistes.
Pour Claymore, Yagi “denude” ainsi encore plus son univers, le limitant au strict necessaire.
Ainsi, au premier abord, Claymore tiendrait soit de l’Heroic Fantasy, soit du Sword and Sorcery, du premier, il n’a cependant pas reellement de “hero” (au sens habituel du terme), tandis que du deuxieme—et malgre la nature “demoniaque” des adversaires qu’affronte le personnage principal—la magie est completement absente du recit, remplacee par une sorte de “biologie” du “grotesque” et de l’aberration. “Dark Fantasy” serait probablement ainsi le terme le plus adequate pour definir la serie.
Le recit de Claymore se deroule ainsi dans un univers ou seul la force brute a valeur. Les faibles (humains) sont les proies des Yomas, les Claymores traquent les Yomas (ou se font tuees au combat, selon que).
La caste des Claymores, que l’on devine aisement entrainees aux forceps, ne vit ainsi que pour tuer les demons, et ce, jusqu’a ce qu’elles ne rencontrent sur leur chemin un Yoma plus fort (ou plus malin) qu’elles, voire qu’elles ne connaissent pire destinee en fin de route…
Claymore est donc un univers loin d’etre “folichon”! C’est d’ailleurs un univers fortement deconseille au plus jeunes, car cultivant la “monstruosite” et la violence sanglante.
Par contre, c’est egalement un univers assez bien pense, car tres equilibre, entre la population, qui peut donc tomber victime ou “contaminee” par les Yomas, l’organisation et les Claymores qu’elle utilise comme sicaires (et chair a canon!), des tueurs efficaces, mais loin d’etre invincibles, sans compter que les Claymores elles-memes risquent de succomber a leurs propres “pulsions” et de “basculer”, car la contamination malefique est a la base de leur force.
Un detail qui plait cependant moins et qui se retrouve dans le manga (la bande-dessinee) original, sont les quelques references a des niveaux hierarchiques (sous forme de numeros) dans l’ordre des Claymores, et sous-entendant des aptitudes ou niveaux de forces, qui rappellent beaucoup les calculs savants de forces et de niveaux de Dragon Ball Z (1989)—sans compter que l’anime insistera (lourdement!) sur certaines formes de preparation des attaques ou la degradation de certains personnages au rang de simples "spectateurs" des combats et autres details, dont on ne peut que supposer que Jump (qui ayant en tant qu’editeur original a son mot a dire dans la production de l’adaptation de l’une de ses series) n’ait pu resister a l’envie de raccrocher avec l’un de ses plus grand succes, ou alors...que Tanaka est un grand “fan” de DBZ…

Quoiqu’il en soit, dans le manga, cette envie ne semblait guere etre partagee par Yagi, qui n’utilisait ses references a contre-coeur,…
En fait, ceci nous amene au plus grand defaut de Claymore et a un certain niveau de l’oeuvre de son createur en general; la tendance que ce dernier semble avoir d’etre “aux ordres” de son editeur.
A ce titre, il faut savoir que l’industrie du manga au Japon est justement une “industrie”, et que les auteurs sont fortement “influences” par leurs editeurs, ces derniers sont a leur tour “influences” par leurs lecteurs, et dont les avis sont regulierement sucites a coups d’enquetes et de questionnaires (moyennant “goods” et prix en tous genres).
Ce n’est qu’une fois le statut d’auteur (a succes!) reconnu, que l’auteur peut enfin se liberer (un peu) de ses chaines pour raconter ce qu’il souhaite, et surtout COMME il le souhaite.
Claymore la serie TV partage ainsi avec Angel Densetsu (le manga), la tendance de commencer un recit qui petit a petit semble se demarquer des objectifs initiaux (et originaux!) du manga pour embrayer sur un recit nettement plus lineaire et a grands renfort de “bastons”, certes plus ou moins(!) bien orchestrees, mais de plus en plus repetitives, surtout dans son dernier tiers ou les combats sont quasi-ininterrompus et ce, jusqu’a la fin de la serie, fin ouverte, et qui ne conclut en fait…rien…!
Concernant la realisation, si le minimalisme predomine dans le manga, le realisateur se doit de trouver des moyens…de le contourner, tout en gardant l’essence de l’oeuvre originale, pour s’attirer les faveurs du public, tout en evitant de s’aliener le amateurs du manga original.
La realisation de Tanaka (Cardcaptor Sakura TV (1999), Juubei Ninpuchoo: Ryuhogyoku-hen / Ninja Scroll TV (2003) ) sera extraordinairement fluide, trademark du studio Madhouse, usant avec adresse une pallette de couleurs fortes, dont evidemment quelque couleurs “chaudes” pour le visuel TV, mais gardant toujours en tete l’equilibre avec les couleurs plus “froides” qui sied a l’atmosphere du manga.
L’on notera aussi que malgre une profusion de scenes en milieux sombres ou nocturnes (aidant a l’animation!), l’animation reste etonnement “lisible”, ainsi que reussi a generer un sentiment d’etouffement ou de claustrophobie assez prononcee (notamment dans des scenes de blizzard durant plusieurs episodes) et a aucun moment ne semble reellement “baclee”. De nouveau, un travail d’une grande proprete et qualite.
Le plus grand defaut de Claymore a l’ecran sont les divergences de la serie par rapport au manga (encore en cours aujourd’hui en 2012, alors que la serie TV date de 2007!), qui simplifient le recit a l’extreme, change la destinee de nombreux personnages (sans doute pour rendre l’histoire plus “percutante”!) et coupe court a de nombreux developpements ulterieurs de l’oeuvre initiale, pour au final et contrairement a cette derniere, genere une forte lassitude, et ce, meme si l’”atmosphere” parvient a subsister (surtout grace a la mise en image des back-grounds et du jeu d’eclairage).
Anime nocturne ou “midnight anime” (“shinya anime” en japonais), Claymore peut egalement (et librement) reprendre a son compte la violence du manga, violence omnipresente—mais pas gratuite—dans le manga qui a nouveau l’eloigne des canons de la fantasy pour rapprocher la serie du recit “barbare” (l’on est ainsi plus proche de Conan the Barbarian (1982) ou Kenpu Denki Berserk [ Romance of the Sword Berserk ] / a.k.a. Berserk TV (1987) pour la sauvagerie que d’un Lodoss-to Senki [ War Chronicles of Lodoss Island ] / Record of Lodoss War OVA (1990). Le seul probleme etant que dans la serie TV, la violence semble rapidement devenir les seuls tenants et aboutissants du recit…

Cote ambiance, quelque part, Claymore semble etre une sorte de pendant feminin de Berserk, meme si l’univers (et ses codes) sont tres differents, utilisant notamment une imagerie semi-religieuse (i.e. l’idee d’un “ordre” de combattante aux allures virginales—mais neanmoins lethales(!) ), ainsi que d’une corruption (des corps et des esprits) generee par des sentiments ou sensations (quasi-)sexuelles.
Cote design, l’on notera aussi les monstres, qui de stock-creatures dans un premier temps, passent assez vite au bestiaire “gigerien” (l’espace d’un temps), ce qui n’est pas pour deplaire.
Un bemol "technique" par contre, serait la bande-son, qui parait peut-etre un peu “limitee” pour la mise en son (i.e. les bruitages). Cette critique incluera jusqu’au bruitage des Yomas, dont les borborygmes (dans les premiers et derniers episodes) ne sont ni effrayants, ni meme convainquants.
Le soulignement musical est egalement tres peu marquant, voire un peu a cote de la plaque, car marquant souvent par quelques “riffs” tendance heavy metal les scenes de “defouraillage” (tres (trop) “classique”, donc), ou soulignant certaines scenes par quelques notes tres lyriques, des scenes qui pourraient parfaitement s’en passer. Les autres morceaux sont heureusement plus equilibres.
En resulte un anime assez “sauvage” donc, proposant un univers des plus interessants et des personnages plus attachants qu’il n’y parait (une veritable gageure en soi!), mais aussi un anime qui passe franchement a cote de son potentiel narratif et choisit souvent la facilite (une option proposee par le manga original, en fait). Le probleme etant renforce par le concept d’une serie “finie” alors que la publication est encore en cours. La qualite technique irreprochable rattrappe “un peu” le coup, mais l’ensemble reste decevant…
Un autre fort point de “contentieux”, sera egalement la fin (ouverte) de la serie, qui d’un cote se permet de creer de toute piece un “final”, raison sans doute de nombreux changements entre manga et serie TV, final qui n’apporte en fait…rien et laisse sous-entendre une suite du recit, qui ne viendra jamais, et ne raccroche (bien sur) absolument plus les wagons avec le recit du manga…
L’on vient en fait a se demander pourquoi ne pas s’etre distingue encore plus du manga, pour narrer une histoire completement originale situee dans l’univers du manga, plutot que de tordre maladroitement le cou de celle-ci…
A l’arrivee, et si la serie avait reussi a “garder le cap” (qu’elle avait au debut) au-dela des 2/3, en aurait resulte un anime des plus recommendables.
Malheureusement, les choix scenaristiques, visuels (les visions gigeriennes ne dureront qu’un temps et commencera egalement un essouflement graduel des mises en scenes des combats), descriptifs (l’affadissement des personnages rendus basiques a l’extreme) ou narratifs (un enchainement de combats interchangeables, tires en longueur, soulignes par un ensemble de dialogues des plus plats et redondants) brise indubitablement l’elan de la serie, limitant son attrait d’autant.
Une serie qui ne sera sans doute pas du gout d’un tout-a-chacun, mais qui pourrait sans doute (et malgre tout) interesser un public a la recherche d’un bon “divertissement” “carre” (et adulte), meme si au final, TRES bancal.
3.50 / 5