En 1757, l’ingenieur francais Heri Vidal se rend en Hongrie pour assister au mariage de son frere Marc avec Myra Roderich, une fille de bonne famille, mais convoitee par un mysterieux chimiste allemand; Wilhelm Storitz. Tres vite, d’etranges incidents vont commencer a ce produire, laissant dans l’inquietude les deux familles. Il semblerait que quelqu’un ou…quelque chose semble prendre ombrage des futures noces et ne veuille les saborder…
Co-production entre l’ORTF (francaise) et la Czechoslovak Televisie (tchecoslovaque), LSdWS est un des telefilms realises dans le cadre de la serie Le Theatre de la Jeunesse (1960) creee par Claude Santelli et destinee a faire connaitre a un plus jeune public les “classiques” de la literature.
S’y croiseront ainsi Mark Twain, Victor Hugo, Cervantes, Dickens, la comtesse de Segur, Gogol, Hector Malot ou, comme c’est le cas ici; Jules Verne.
L’emission de Santelli durera de 1960 a 1967 et LSdWS sera diffusee dans sa toute derniere partie, tout en etant au passage la premiere adaptation du recit, suivi bien plus tard par Tajomstvo alchymitsu Storitza (1991), production completement tchecoslovaque cette fois.
A noter cependant que le recit de Verne a connu de nombreuses deconvenues a ses debuts…
Ainsi, si le recit de Verne, fut publie initialement en 1909 (donc quatre annees apres la mort de l’auteur et l’envoi du jet definitive du roman en question par ce dernier a son editeur), il lui est cependant attribue (pour ses premieres esquisses) aux alentours de…1898! A ceci, beaucoup de raisons…
La premiere raison est sans doute a attribuer a Louis-Jules Hetzel, fils de l’editeur de Pierre-Jules Hetzel, qui lui, fut le “dresseur” de l’auteur, car ayant ete son plus severe critique autant que son decouvreur, et qui aura de part ses remarques (frequemment) justes, mais (souvent) acerbes et (plus-que-de-raison) “definitives” aura aiguille la plume de l’ecrivain.
A la reception du roman de Verne, Hetzel (fils) fut tellement choque par le romantisme exacerbe du recit, qu’il preferera ne pas le publier dans un premier temps pour, a la suite de la mort de l’auteur, demander au fils de ce dernier—Michel Verne—de le re-ecrire / corriger en fonction de la vision que lui-meme en aura. A noter que toutes les oeuvres “posthumes” de l’auteur furent “reformatee” a un degree ou a un autre de cette facon, devenant de facto les versions “originales” et ce, jusqu’a ce que, certaines des versions ecrites “telles quelles” par Verne (et annotees par l’editeur) ne soient retrouvees plusieurs decennies plus tard.
Parmi les re-ecritures du fils Verne, LSdWS lui donnera apparemment le plus gros cas de conscience, mais il finira pas s’executer et changera l’epoque de l’action du XIXeme siècle au XVIIIeme pour mettre plus en phase romantisme de l’auteur avec la vision dans le temps qu’en avait l’editeur.
La version “tronquee” sera ainsi la version “officielle”, et ce, jusqu’a la decouverte et publication de la version originale en 1977(!) par Piero Gondolo della Riva et publication (en 1985!) par la Societe Jules Verne.
A ce titre, la presente adaptation de 1967 precede donc la decouverte du recit original, et se base…sur la version “remaniee”. Ceci expliquera donc les differences entre le telefilm et la roman actuellement generalement disponible dans le commerce.
Pour les “habitués” cinematographiques de Jules Verne, LSdWS pourra detonner des canons habituels, car le cinema a surtout fait connaitre l’auteur pour ses “Voyages extraordinaires”, partie de l’oeuvre dont LSdWS… ne fait pas partie stricto-senso, car il n’y a pas de “voyage” a proprement parler et prefere se concentrer sur une dramatique somme toute “romanesque” pour ne pas dire “tragique”…
Le theme “scientifique” du recit etant l’invisibilite, l’on ne peut que supposer que Verne a soit lu, soit eu connaissance du roman de H.G. Wells The Invisible Man (1897) et decide d’en livrer une version “personnelle”.
Ainsi, si la version de 1967 est par la force des choses “tronquee” et le metrage initialement destine a un public “jeune”, qu’en est-il du telefilm en lui-meme?
Force est de constater qu’au-dela du concept-meme de “literature classique” rendue “accessible” aux plus jeunes, le metrage n’est en rien rebarbatif, guinde ou ne cherche a prendre son public…pour des enfants.
La realisation d’Eric Le Hung (La Rage au Poing (1975), Les Cinq dernieres Minutes TV (1981), Des Cadavres a la Pelle TV (1991) ) est alerte et dynamique, les acteurs convainquants et possedant de qui leur “magnetisme”; dans le role-titre Jean-Claude Drouot (Thierry la Fronde TV (1963), Les Gens de Mogador TV (1972), Gaston Phebus TV (1978) ), leur fraicheur (Pascale Audret (Le Dialogue des Carmelites (1960), Le Fantome de la Liberte (1974), Les Enquets du Commissaire Maigret TV (1978) ), et qui sera au centre des obsessions de Storitz), leur gouaille—bien francaise(!)

L’on notera aussi que la production aura, de par le biais de la co-production, acces non seulement a de tres beaux interieurs (en studio), mais aussi a de magnifiques exterieurs tournes a Prague, donc, au plus pres des “lieux du crime”.
Les petits plats ont donc ete mis dans les grands pour cette production, production qui ne rechigne pas a offrir quelques scenes “fortes” (pour l’epoque, bien sur) et ou l’on assiste a un meurtre (dans une eglise!

Si le recit narre les aventures et mefaits tragiques d’un homme invisible, cela requiert une mise en scene et des effets speciaux en adequation. Le media etant un telefilm—francais de surcroit


Bref, et au-dela de la discussion sur la nature “veritable” ou “baffouee” de l’oeuvre, l’on ne peut que saluer la determination, l’enthousiasme et meme le panache qui transpire a l’ecran.
Un recit tour-a-tour historique, dramatique, fantastique—voire “gothique” et surtout; tragique, et donc tres chaudement recommande aux amateurs d’une television de qualite, donc.
Le Secret de Wilhelm Storitz: 4.5 / 5