Krasnevin, alias Alexander Eberlin, un agent soviétique, s'est infiltré dans les services secrets britanniques. Le chef de l'Intelligence Service, Fraser, le charge d'éliminer Krasnevin et lui remet une photographie. D'abord inquiet, Eberlin est rassuré en découvrant que celui que les Anglais prennent pour Krasnevin est en fait un ami, Pavel. Pour préserver sa crédibilité, il doit sacrifier ce dernier ...

Dernier film d’Anthony Mann (qui fut achevé par son acteur principal, Laurence Harvey) A Dandy in aspic (Maldonne pour un espion, en VF) est un pur produit cinématographique de l’ère froide, filmé en extérieurs à Londres et Berlin ouest, lieu symbolique s’il en est de cette guerre larvée. Ceux qui ont vu et apprécié Nos Funérailles à Berlin et L’Espion qui venait du froid seront donc en terrain connu ici, le film capturant là encore très bien cette ambiance à la fois insouciante et menaçante du Berlin nid d’espion de la seconde moitié des années 60. Une atmosphère qui compte d’ailleurs parmi les points forts du film, et à laquelle la réalisation d’Anthony Mann, sèche et tendue lorsqu’il le faut, souvent très ample, très ambitieuse dans ses cadres outdoors et clairement à son aise dans les séquences à forte figuration (cf. l’excellente séquence d’assassinat en pleine course automobile sur le circuit berlinois), participe pour beaucoup. Un style d’une grande classe, héritage d’une carrière placée sous le triple signe du film noir – une scène de passage à tabac bien brutale vient nous rappeler directement cette première veine de l’œuvre de Mann - du western et de la superproduction.
Autre atout du film : son interprétation. Avec, dans le rôle central de ce dandy fatigué / espion russe désireux de rentrer au pays, un Laurence Harvey idéalement employé, la froideur désabusée de son personnage s’accordant impeccablement à son jeu distant (raide, diront ses détracteurs, dont je ne fais pas partie). Une prestation contrastant en tout cas joliment avec celles, plus colorées, de ses partenaires, parmi lesquels une toute jeune et toute mimi Mia Farrow et le black listé Lionel Stander, interprétant non sans une certaine ironie un ponte des services secrets russes. A retenir enfin une très bonne partition jazzy de Quincy Jones (avec évidemment un peu de cymbalum au programme, ambiance guerre froide oblige).
On rate néanmoins le statut de classique du genre, par la faute d’un scénario finalement peu exaltant, aux enjeux pas toujours très clairs et aux personnages laissant le spectateur relativement de marbre tant ceux-ci font en toute occasion preuve d’un cynisme glacial.
Un cran au dessus des plus rigides encore The Looking Glass house (Frank Pierson) et The Deadly affair (Sidney Lumet), mais en deçà du Martin Ritt pré-cité. Diffusé en ce moment sur Ciné Polar, en VO.