Si l’on pense au genre qu’est le “Space Opera”, les deux premiers titres qui (generalement) viennent a l’esprit, sont les (tres) antinomiques 2001: A Space Odyssey (1968) et Star Wars (1977).
Le Space Opera est en effet un genre tres majoritairement domine par le cinema anglo-saxon, et ce, pour des raisons essentiellement…financieres. Ainsi, si les voyages dans l’espace sont TRES onereux, leurs representations sur un grand ecran ne le sont pas moins.

A ce titre, le Japon est une nation qui viendrait encore moins a l’esprit dans ce genre au cercle extremement limite.
Les cinephiles (ou bisseux, selon que

En effet, si le cinema nippon ne peut (comme la plupart des autres pays!) pas suivre l’”inflation” qui decoule des epopees galactiques sur petit ou grand ecran, sur papier et sur cellulo la situation est proportionnellement inverse.
Ainsi, 2001:ASO a connu une declinaison sur papier en un 2001 Ya Monogatari [ 2001 Nights Stories ] (1984) tout aussi epique que philosophique (voire meme religieux), tandis que SW se verra decline en Kidoo Senshi Gundam / [ Mobile Suit Gundam ] (1979) aux ramifications d’emblee plus “adultes” et annoncant (jusqu’a un certain degree) une floppee de series a venir.
Entre les grands robots (Gundam (1978 – 2XXX), l’evolution de l’homme (Terra he… / Towards the Terra (1980 & TV 2007) ), sa place dans l’espace (Top o nerae Gunbuster / Aim for the Top Gunbuster OVA (1988 & 2004) ) le space-opera romantique (Uchu Kaizoku Captain Harlock / [ Space Pirate Captain Harlock ] ( 1978 - 2012) ), la philosophie (Ginga Tetsudo 999 / [ Galaxy Express 999 ] (1979 - 2004) et sa serie “soeur” Ginga Tetsudo Monogatari / [ Galaxy Railways Stories ] TV (2003 - 2006) ), le psychedelique (Cobra Space Adventure TV (1982) ), les adaptations d’oeuvres etrangeres (Captain Future TV (1978) ) et beaucoup de variations, declinaisons, avatars, permutations, re-inventions ou autres innovations, et ce, jusqu’a ce jour, le genre se porte plus que bien au pays du soleil levant.
Ce constat nous amene ainsi a CB.
Parmi toutes les tentatives novatrices, audacieuses, “classiques”, paresseuses ou ratees, CB optera la difficulte sur bien des points.
Tranchant avec la tendance (generale) de viser un public jeune a coups de personnages plus que juveniles, de faire appels aux “valeurs sures” que representent les grands robots ou les epopees (generalement guerrieres), voire de se rattacher a un univers connus (i.e. robot bleu, blanc, rouge = Gundam), l’atmosphere de CB est resolument “adulte” (les personnages principaux aussi d’ailleurs), les mechas aussi futuristes soient-ils, font etonnament “vintage” donnant l’etrange impression de voir l’equivalent de p.ex. une Harley-Davidson “classique” de 2030(!) en 2050(!) ), tandis que l’univers de la serie parait aussi “connu” et “reconnaissable” que celui d’un film—ou du monde—des 70s.
Le chara-design (design des personnages) des protagonistes genere une grande sympathie teintee de respect, le tout traverse d’un cote “hard-boiled” bien trempe, laissant loin derrier lui le sexy, le “kawaii” (“cute” / mignon), le “moe” (adorable) cote feminin ou “bishonen” (“pretty boy” / ephebe(?) ) cote masculin.
Cote atmosphere, et plus que de jouer la “coolitude” (souvent ephemere, d’ailleurs!), Shinichiro Watanabe (Tenku no Escaflowne / [ Escaflowne of the Sky] TV (1996), Animatrix (2003), Samurai Champloo TV (2004) ), a la realisation prefere les codes du film noir, matine de road-movie, proposant un florilege d’images des annes 70s avec une preponderance de l’imagerie US (villes et centres urbains, mais aussi regions desertiques), ajoutant des plans plus “exotiques”, tels l’Istambul des annes 50s, ou le Hong-Kong de plus ou moins la meme periode.
Sans aller aussi loin que les annees 30s (Kishin Heidan OVA (1993) ) les annees 40s / 50s ( The Big O TV (1999) ), ou les annees 60s (Giant Robo – The Animation OVA (1991) ) CB est resolument oriente “retro-futur” et donc…nostalgie, et ce, jusqu’au point de faire du “passé” (tant celui de l’univers dans lequel l’action se deroule, que celui des protagonistes principaux), non seulement un ressort narratif, pour ne pas dire le coeur du recit, mais parfois, un acteur-cle de ce meme recit (l’episode Speak like a Child jouera sur les deux tableaux, d’ailleurs)
Bizarrement, si les annees 30 – 60s “revaient” du future et les annes 70s l’“inventaient”, les annees 2070s semblent tellement tournees vers le passé qu’elles semblent avoir atteint un mur infranchissable.
Ainsi, des personnages s’interessent au passé, voire le maintiennent en vie (ep. Wild Horses ou Speak like a Child), d’autres le vivent au quotidien (Jet, Spike, la Triade) ou en sont au contraire tout-a-fait deconnecte (Faye, Ed).
Les personnages principaux rencontreront tous des amis / enemis venus de leur passé le plus secret et profiteront des occasions presentees pour “solder leurs comptes” ou au contraire d’y renouer des liens.
La serie ne sera donc pas avare de combats en tous genres (a mains nues, armees, a armes a feu, a armes lourdes ou TRES lourdes), et d’ailleurs sa violence aura cantonnee la serie au coeur de la nuit, en tant que “shinya anime (midnight anime)” pour une poignee d’episodes diffuses (serie incomplete, donc) et dans le plus parfait desordre sur les chaines du hertzien chez elle (le Japon) avant—enfin— une diffusion integrale sur le satellite (bouquet WOWOW).
Ceci n’empechera pas la serie d’obtenir le prix du festival d’animation de Kobe en 1998 dans la section “television” et le prestigieux prix Seiun [ Nebula ] delivre par la Nihon SF Daikai.
Dans son atmosphere, le cote souvent sombre et l’exuberance de certaines scenes d’actions sera neanmoins tres fortement attenue par de nombreuses scenes intimistes ou chaleureuses irradiantes de sincerite.
Tour-a-tour, drole ou triste, sombre ou chaleureuse, violente ou douce, cruelle ou genereuse, CB se permet ainsi de toucher a tous les genres, car traitent avant tout de quelque chose qui a tendance a etre mis en arriere de nos jours; les personnages et leurs vecus…de leurs “vies” en somme.
D’un point de vue plus philosophique, ce mur qui empeche les hommes du future d’avancer au-dela—notamment de leur systeme solaire—semble egalement distiller dans leurs esprits une sorte d’etrange vague a l’ame, un sentiment diffus d’”ennui existentiel”, ennui qui ferait que leur vies se limitent au present, vivant chaque instant comme s’il etait le dernier (ce qui sera d’ailleurs le cas pour nombre de personnages traversant la serie(!) ).
Si la notion de mettre en vedette un quatuor n’ayant aucun avenir devant eux (notamment le dernier episode ou l’emission-phare des Cowboys est annullee, laissant un doute quant a l’avenir-meme de la profession) parait bien sombre et deprimant, il n’en est pourtant rien, tellement la serie parvient a generer au-dela de son capital “sympathie”—son cote “picaresque”—une impression de “chaleur” devant ce qui reste avant tout un buddy-movie (ou buddy-serie, selon que) et ou la brochette de personnages aussi caracteriels que (gentiment) insupportables entre-eux, se serrent les coudes contre vents et mares et tout autres coups durs que la destine leur reserve.
Les personnages principaux etant:
Jet (“Black Dog”) Black: ancien “flic” des forces de l’ISSP et (accessoirement proprietaire du Bebop), Jet a “plaque” le boulot apres une operation “rate” qui lui a valu son bras artificiel. Dur-a-cuire et droit, il est un pendant moins sociable (car bourru), mais potentiellement plus “stable” que Spike.
Spike Spiegel: co-equipier de Jet, doue aux arts martiaux, charmeur et apparemment peu “serieux”, voire “blasé”, son passé—mysterieux—semble le hanter. Le sous-estimer serait une erreur fatale!
Faye Valentine: jeune femme “fatale” (dans le sens “film noir” du terme), elle est venale et possede une morale assez “elastique”. Son passé est mysterieux tant pour elle-meme pour autruit.
Edward Wong Hou Pepelu Tivruski IV (a.k.a. “Radical Ed”): hacker de genie passablement en manque d’un serieux re-equilibrage(!), il est a la hauteur de sa reputation et est donc…une parfaite enigme…
Ein: sous l’apparence d’un Welsh Corgy, tout ce qu’il y a de plus “normal”, ce chien reste assez mysterieux, tout comme ses nombreux “talents” et “capacites”
A un autre niveau, la BO de la serie,--composee par Yoko Kanno (Tenku no Escaflowne TV (1996), Turn A Gundam TV (1999), Darker than Black TV (2007) ) merite pratiquement d’etre consideree comme un “personnage” a part entiere. Tour-a-tour experimentale ou dejantee, intimiste ou lyrique, les partitions d’une rare originalite parviennent a jouer a part egale avec les protagonistes et evenements qui se deroulent a l’ecran. Une gageure en soi!
CB est donc une serie assez rare, tant sur le petit ecran mondial que japonais au final, une serie reminiscente de series “funs” et assez irresistibles telles The Persuaders / Amicalement Votre TV (1971) dans les series “lives” ou Lupin Sansei / Lupin III TV (1971 – 2XXX) dans l’univers des animes.
A ce titre, CB est egalement l’une des (trop) rares series a mettre d’accord les anime-fans entre-eux, ainsi que de seduire les (parfois) TRES refractaires a l’animation nipponne.
Son univers futuriste en appellera aux plus jeunes, sa nostalgie aux moins jeunes. Ses personnages carres et solides, feminins jusqu’au bout des ongles ou virils et stoiques a un public tant masculin que feminin (ou inversement).
C’est egalement une serie qui non seulement vit de ses references et de ses emprunts “ethniques”, mais les traite avec le plus grand respect et en fait un tout coherent. De nouveau, une gageure en soi.
C’est peut-etre cela qui fait la plus grande richesse de CB; cette envie de faire partager le quotidien (haut en couleur) de son groupe d’aventuriers avec tous et tout-le-monde, evitant ainsi de jouer la carte de la segregation-marketing devenue la reference de nos jours et a ce faisant, cela en fait tout bonnement une serie des plus “genereuses”, car “partageuse” et donc tres tres recommandee, car, et a bien des egards, tout simplement…”unique”. Une “experience”, en somme.
Cowboy Bebop: 5 / 5