
Un auteur dramatique décédé fait réunir après sa mort plusieurs de ses acteurs dans sa villa et leur fait diffuser une version de sa pièce "Eurydice" jouée par une jeune troupe de théâtre...
Sorti cette semaine, le nouveau film d'Alain Resnais transpose en fait la pièce "Eurydice" de Jean Anouilh, à savoir une approche "moderne" de la légende d'Orphée. Le tout est baigné dans une ambiance insolite et stylisé, évoquant à la fois Delveaux et les films de vampires (citation d'un intertitre fameux de "Nosferatu le vampire", décors et mise en scène inspirés me semble-t-il ponctuellement du "Cauchemar de Dracula").
L'astuce principal consiste en fait à faire jouer la même pièce par plusieurs acteurs, dans des mises en scène différentes (par exemple trois acteurs jouent Orphée) : parfois les acteurs se relaient dans une même scène, ou bien la même scène est joué par des acteurs différents successivement, parfois en split screen, etc...
Il en ressort un film très expérimental, peut-être le Resnais le plus expérimental depuis Smoking/No Smoking, dans une ambiance austère et surréaliste qui ne parlera pas au grand public (pas mal de spectateurs sont sortis en cours de projection lorsque je l'ai vu !).
C'est donc un film qui force le respect par son aspect très recherché, inédit, chercheur. Il y a des faiblesses, des acteurs qui ne sont pas tous égaux, des trucages et une image numériques pas toujours convaincants (étonnant de la part de Resnais qui techniquement s'est toujours montré très perfectionniste), mais finalement l'émotion finit par prendre (en particulier à partir du troisième acte) et l'exercice théorique prend chair dans l'émotion. Pas un film facile, mais néanmoins un film où le réussi l'emporte nettement sur le mitigé. Un bon Resnais, mais pas pour tout le monde !