Sorti la même année que "Pinocchio", "Fantasia" nous montre Disney producteur de films animés au sommet de son ambition. Ce film à sketchs est une série d'épisodes basée sur des morceaux de musique classique connus. Film à sketchs oblige, le résultat est inégal.
Le premier volet sur la toccata et fugue en ré majeur de Bach est un dessin animé pour ainsi dire abstrait, expérimental, successions de formes et de rythmes visuels répondant à la musique. Le résultat fonctionne bien en salle, moins bien en home cinéma, il faut bien le reconnaître, mais on salue l'ambition.
Casse noisette de Tchaikovski donne lieu à des ballets de la nature, de petits animaux et créatures féériques pour le moins rasoir et sans grand intérêt...
L'apprenti sorcier de Dukas est le segment le plus célèbre, pour ainsi dire le plus connu des dessins animés mettant en scène Mickey, et il s'avère une immense réussite, un classique, rencontre réussie entre Mickey et l'univers du cinéma allemand fantastique des années 20.
Le sacre du printemps de Stravinski donne lieu à un métrage relatant la naissance, l'évolution et l'extinction des dinosaures. L'ambition du propos, appliqué de manière inédite alors à un dessin animé, sa violence, le mariage avec la musique en font une réussite certaine.
La symphonie pastorale de Beethoven donne lieu au passage le plus raté du film, combinaison dégoulinante de petites centaures coquettes et de bébés pégases aux grands yeux, un déluge de niaiserie et de mauvais goût, entrecoupé de quelques bonnes idées égarées...
La danse des heures de Ponchielli porte un regard insolent et drôle sur le monde de la musique classique, la mise en scène d'opéra ou de ballet... Une insolence bienvenue qui en fait un des passages les plus dynamiques et savoureux de "Fantasia".
Une nuit sur le mont chauve de Moussorgski laisse s'exprimer le Disney macabre, sombre fascinant, celui de la sorcière de Blanche Neige, des danses macabres, avec une diablerie impressionnante au cours de laquelle des démons dignes de Bosch sont précipités tout vifs dans des flammes et des spectres galopent par dessus les toits d'une ville endormie. A nouveau, l'influence germanique se fait sentir (en particulier une célèbre image du "Faust" de Murnau). Un grand moment de fantastique pour ma part !
Bref, "Fantasia" est un projet hors du commun, d'une ambition assez folle... Et d'ailleurs, avec "Pinocchio", il s'avérera plutôt un échec commercial mettant Disney dans une mauvaise situation. C'est un métrage qui a ses bons et très bons moments, ainsi que ses mauvais et très mauvais moments. Mais dans l'ensemble le bilan est positif, certains de ces courts-métrages s'avérant des joyaux, des classiques.
Revu sur le bluray français, qui propose une image 1.33 HD époustouflante. On a peine à croire que les passages "live" ont été filmés en technicolor trichrome en 1940 tant ils sont précis, nets, propres. Les passages animés sont impeccables, superbes. Très, très impressionnants, l'expérience "Fantasia" est restitué avec réussite !
"Fantasia" est resté comme un film fondateur du son multicanal avec sa piste originellement sur 3 voies (droite gauche centre). Nous avons ici un mixage dts master 7.1 anglais de bonne tenue - et pratiquement axé uniquement sur les trois voies avant, ce qui n'est pas illogique. Il y aussi une VF en DTS classique. Avec STF.
Pour mémoire, la version diffusée depuis les années 60 de "Fantasia" est censurée de quelques plans montrant des petites centaures noires considérées comme des images racistes.
Ces scènes sont par exemple disponibles ici :
http://www.youtube.com/watch?v=pdi3zX9DKm8