Docteur Jekyll et Mr. Hyde - 1931 - Rouben Mamoulian

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niko13
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"Dr. Jekyll et Mister Hyde" (1941)

Message par niko13 »

Revu la version de Mamoulian hier soir.
Enfin, plutot "vu" tellement j'en gardais peu de souvenirs (mis a part le facies simiesque de Hyde).
Que dire ? Chef d'oeuvre, tout a fait.
Des parti pris oses (la camera subjective, la transformation reussie) en font vraiment un film d'une qualite cinematographique exemplaire.
Un film sulfureux aussi, en la personne de la tres belle Miriam Hopkins, lors de son jeu de seduction avec Jekyll par exemple ou lorsqu'elle supplie ce dernier en lui proposant d'etre son esclave (sexuelle, ce n'est pas dit explicitement mais tout le monde aura compris).
Et puis il y a Hyde, evidemment grime en bete sauvage, primate incarnant les bas instincts de Jekyll, effrayant et violent.

Bref, je dois dire que sur vos avis (et la critique du site) j'ai decouvert (plus que redecouvert) un enorme film fantastique de l'epoque, un de ceux dont j'apprecie le charme (grande epoque pour le genre fantastique d'ailleurs).

Bon, maintenant il faut que je revoie la version de Fleming, les souvenirs ont la vie dure. :wink:
What the fuck did I do ?
Bast
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Message par Bast »

Donc enfin revu la version de 1931 ce week end et je ne peux que retourner ma veste.
Elle surpasse en effet en tout point la version de Fleming.
Techniquement d'abords, certains mouvements de caméra sont memes sureprenants pour l'epoque. Des travellings, de la grue, caméras subjectives, jeux de miroirs, une utilisation poussée de la caméra.
Ensuite, les décors sont excellents, Londres by Night est poisseux a souhaits et le labo superbe. Pour finir, c'est dans le traitement des personnages que cela devient trés fort.
Du cul du cul du cul. Je ne me souvient plus si dans le bouquin de stevenson c'est la frustration sexuelle qui pousse Jeckyl mais la, y a pas photos. Je ne paraphaserais ce qui a été dit avant mais la c'est en effet trés fort (vive Niko et Fantomas, pas mieux).
Bref, je me referais le fleming d'ici peu mais je pense déja le trouver un peu fade en comparaison a ce Mamoulian.

Sinon le dvd dbl edition est superbe, image nickel (un film par face pourtant) et il y a meme un Bugs Bunny (l'episode sur Jeckyl justement).
Mangez en :wink:
Filou
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Re: "Dr. Jekyll et Mister Hyde" (1941)

Message par Filou »

J'ai vu la fameuse version de Mamoulian (que je n'avais jamais vu) et je me joins au concert de louanges pour ce film. Un détail qui m'a particulièrement frappé, par rapport à la version de Fleming (qui est visuellement splendide mais pas aussi puissante au niveau de la mise en scène) est que le bon docteur Jekyll, une fois changé en Hyde, a parfaitement conscience du changement, il sait donc exactement ce qu'il fait ! La scène où Miriam se met à genoux et le supplie et d'ailleurs incoryablement explicite et forte.

Vraiement un chef d'oeuvre.
"Suicides, assassinations, mad bombers, Mafia hitmen, automobile smash-ups: The Death Hour. A great Sunday night show for the whole family. It'd wipe that fuckin' Disney right off the air."

Network, 1976, Sidney Lumet
Manolito
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Docteur Jekyll et Mr. Hyde - 1931 - Rouben Mamoulian

Message par Manolito »

Titre US : Dr. Jekyll et Mr. Hyde

Image

Revu sur le dvd warner anglais (qui contient aussi la version 1941 de cette histoire), qui est exactement le même que celui qu'on trouve en France. La copie 1.33 4/3 noir et blanc est correcte, avec un travail vidéo propre, mais la copie pellicule est à l'évidence assez fatiguée, avec pas mal de saletés et de rayures, même pour un titre aussi ancien. Il faut néanmoins se rappeler que "Docteur Jekyll et Mr. Hyde" a connu une histoire compliquée, MGM l'a enterré dans ses archives à un moment, la version intégrale a cru être perdue à une époque... Bref, c'est déjà bien qu'on puisse le revoir dans des conditions de tout de même très acceptables aujourd'hui ! La bande son est aussi assez stridente, mais là, il faut en plus rappeler qu'on est au tout début de la généralisation du parlant, avec une technique par encore complètement au point ! Avec STF.

Le film est toujours très bien, un classique plein de vigueur, avec un Frederic March toujours stupéfiant en Mr. Hyde tendance australopithèque. La mise en scène est très animée, gardant encore un pied dans le cinéma muet, mais dans le bon sens du terme, avec beaucoup d'invention technique, de raccords audacieux, de plans séquences recherchés... Bon, j'ai quand même trouvé que ça trainait un peu à la fin, que l'interprétation pouvait être un peu appuyée
Spoiler : :
lorsque Jekyll annonce à sa fiancée qu'il renonce à leur mariage
Mais cela reste tout de même du grand Hollywood gothique, digne représentant de l'âge d'or du genre.

Voici ce que j'avais écrit à son sujet il y a quelques années sur tentacules.net :

"Le bon docteur Jekyll, un savant reconnu, réussit à mettre au point un breuvage qui sépare la part bonne de la part mauvaise de l'homme. Il l'expérimente sur lui-même, et devient le terrible et brutal mister Hyde.

Rouben Mamoulian, qui est né et a étudié en Russie, arrive aux USA dans les années 20. Il y rencontre un beau succès dans le monde du théâtre, et on lui propose de faire son premier film, Applause (1929). Passionné de technique et d'expérimentation, il réalisera la première oeuvre entièrement en Technicolor trichrome de l'histoire du cinéma : Becky Sharp (1935). Il tournera avec de grandes vedettes, comme Marlene Dietrich dans Le cantique des cantiques (1933), et offrira à Greta Garbo un de ces rôles les plus célèbres dans La reine Christine (1935). Mais, peu enclin aux compromis, il sera mal vu des grands studios et tournera très peu après la seconde guerre mondiale. Son caractère intransigeant le fera même renvoyer des tournages de Laura (1944) (finalement réalisé par Otto Preminger) et de Cléopâtre (1963) (réalisé, non sans difficultés, par Mankiewicz). Il tourne cette version de Docteur Jekyll et Mr. Hyde en 1931, année-clé pour le cinéma fantastique américain puisqu'elle voit démarrer la série des fameux films de monstres de la compagnie Universal (Dracula (1931) de Tod Browning, Frankenstein (1931) de James Whale...). Pourtant, Mamoulian travaille ici pour une compagnie concurrente : la Paramount. Docteur Jekyll et Mr. Hyde est au départ un roman de Robert Louis Stevenson qui rencontra un vif succès et fût abondamment adapté au cinéma dès 1908 : Murnau (Nosferatu le vampire (1921)...) lui-même en proposa une version officieuse avec Le crime du docteur Warren (1920). Toutefois, Mamoulian réalise ici la première adaptation en cinéma parlant de cette histoire. Le double rôle-titre valut un oscar à son acteur Fredric March, qui allait connaître une carrière de comédien hollywoodien très bien remplie (Sérénade à trois (1933) d'Ernst Lubitsch, Anna Karenine (1935) avec Greta Garbo, Ma femme est une sorcière (1942) de René Clair, Procès de singe (1960) de Stanley Kramer...). A ses côtés, on reconnaît le minois de Myriam Hopkins (Sérénade à trois et Haute pègre (1932) de Lubitsch...).

Le roman de Robert-Louis Stevenson est écrit en 1886, à une période au cours de laquelle on commence à étudier scientifiquement les troubles du comportement pour pouvoir les soigner de manière appropriée. Ainsi, à Paris, Charcot défriche le terrain et expérimente l'hypnose en 1884. Un de ses élèves, le professeur Sigmund Freud va, lui aussi, au tournant du siècle, proposer des théories révolutionnaires. Le docteur Jekyll s'inscrit donc dans cette lignée de savants décidés à comprendre et à soigner l'esprit humain. Il prétend que l'âme humaine souffre de la cohabitation de deux principes contraires : le bien et le mal, qui s'opposent et se déchirent, empêchant l'homme d'accéder au bonheur. Il parvient à concocter une drogue qui, une fois consommée, devrait séparé l'être mauvais et l'être bon. Il l'expérimente sur lui-même. Le résultat pratique de sa théorie s'avère terrible : le gentleman serviable et courtois se change en mister Hyde, une redoutable brute qui déchaîne ses pulsions violentes sans aucune inhibition.

Évidemment, durant le siècle de Freud, un tel récit mettant en jeu le conflit entre un personnage et ses pulsions sexuelles et violentes ne pouvait que connaître une grande popularité. Mais au-delà de cette problématique psychologique, l'adaptation de Mamoulian dresse aussi un portrait sans concession de la société victorienne dans laquelle vit le docteur Jekyll. Appartenant à la grande bourgeoisie de Londres, il doit obéir à des usages étouffants, mener sa vie selon des règles extrêmement dures et puritaines, sous peine de se voir considérer comme un débauché méprisable. Cette rigueur inflexible est incarnée par le père de sa fiancée, un vieux militaire obsédé par la bienséance et les usages des gentlemen, qui repousse sans cesse le mariage des deux amoureux. Lorsqu'il fait connaissance avec Ivy, une troublante prostituée des quartiers populaires, le docteur Jekyll repousse les avances de la jeune fille, mais prend conscience de sa frustration sexuelle qui l'opprime un peu plus chaque jour. De son côté, mister Hyde est un être au physique hideux, terriblement fort et énergique, et aussi très intelligent : il est un homme libre, et il refuse de laisser la société hypocrite lui dicter sa conduite. Il n'hésite pas à employer la violence pour abattre les barrières qui voudraient se dresser entre lui et ses désirs.

Pour nous conter cette histoire, Mamoulian expérimente sans retenue. D'emblée, Docteur Jekyll et Mr. Hyde s'ouvre sur de longs plans-séquences en caméra subjective, incroyablement astucieux, nous lançant tout de suite dans le feu de l'action en nous mettant littéralement à la place du docteur Jekyll. Ces expériences consistent aussi à inventer de nouvelles formes de narration audacieuses en utilisant des superpositions (lorsque Jekyll marche dans la rue, hantée par la jarretière de Ivy) ou même en employant le split screen, qui permet de suivre sur un même écran des évènements se déroulant dans deux endroits différents à un même moment; et ce, avec des années d'avance sur L'étrangleur de Boston (1968) de Richard Fleischer ou les films de Brian De Palma ! Il emploie aussi le montage pour donner beaucoup d'humour et d'énergie à son film. Il s'inscrit donc dans la grande tradition des insatiables expérimentateurs du langage cinématographique, comme D.W. Griffith (Intolérance (1916)...), Abel Gance (Napoléon (1927)...) ou Murnau (Le dernier des hommes (1924)...). Toutefois, le spectateur actuel pourra trouver que Mamoulian en fait beaucoup avec ses travellings et ses effets de montage très signifiants qui nuisent un peu à la cohérence stylistique de l'ensemble. Néanmoins, il réussit à imprimer à Docteur Jekyll et Mr. Hyde un rythme trépidant, constamment nerveux et énergique, qui l'emporte sur toutes les réserves.

Ce film est aussi célèbre pour ses effets spéciaux sidérants, particulièrement pour ses impressionnantes transformations durant lesquelles Fredric March change littéralement de visage sous nos yeux, sans aucun raccord de montage. Les métamorphose les plus spectaculaires sont obtenues très astucieusement en employant des changements d'éclairages subtilement dosés qui permettent de faire apparaître progressivement le maquillage sur le visage de l'acteur. On remarque que Mario Bava appliquera cette technique sur Barbara Steele dans le final de Le masque du démon (1960). Le visage très réussi de mister Hyde, à la fois hideux comme un singe, mais aussi redoutablement intelligent, est encore mis en valeur par l'interprétation survoltée et démentielle de March. Évidemment, comme dans toute bonne adaptation fidèle de ce récit très british, on apprécie le talent des décorateurs hollywoodiens qui parviennent à rendre une atmosphère Gaslight très réussie dans une Londres parcourue de ruelles brumeuses et inquiétantes.

Cette première adaptation parlante de Docteur Jekyll et Mr. Hyde est une des grandes réussites de l'âge d'or du cinéma fantastique américain. Réalisé et interprété avec une fougue entraînante, il poursuit la mise en place d'une mythologie qui allait être abondamment exploitée par le cinéma. Dix ans plus tard, Victor Fleming (Le magicien d'Oz (1939), Autant en emporte le vent (1939)...) proposera son Dr. Jekyll et Mr. Hyde (1941) avec Spencer Tracy et Ingrid Bergman, un autre classique de l'épouvante."
phibes
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Re: Docteur Jekyll et Mr. Hyde - 1931 - Rouben Mamoulian

Message par phibes »

il faudrait que warner sorte en blu-ray les deux versions .
Manolito
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Re: Docteur Jekyll et Mr. Hyde - 1931 - Rouben Mamoulian

Message par Manolito »

J'en profite pour rappeler l'existence d'une revue du dvd US sur devildead :

http://www.devildead.com/indexfilm.php3 ... yde--1932-
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