Dés les images d'ouverture presque surréalistes, on comprend qu'on est face à un film inhabituel.
Au coeur d'un paysage rocheux, un enfant sort d'un lac le poing levé pour venir laver le monde de ses péchés.
Errant sur la route, il arrive dans une école religieuse, s'empare du corps d'un prêtre qui dés lors va se muer en Redempteur.
Six personnes ayant jadis été dans la même école representant toutes un péché- la chasseresse, le narcissique, la lesbienne, l'avide, l'interessé et le gourmand- recoivent une invitation à une réunion d'ancien élèves dans une gigantesque propriété où ils se retrouvent enfermés alors qu'un meurtrier va les décimer un à un.
The redeemer c'est la dureté d'un chatiment auquel on ne peut se soustraire, dureté symbolisée par ce décor aride et rocheux d'où surgit l'enfant contrastant avec la fluidité et la verdoyante couleur du lac d'où il sort, eau symbole de pureté et de redemption.
Gochis truffe ainsi son film de multiples references bibliques et blasphematrices qui lui donnent ce ton si agréablement et étrangement fantastique. La juvénilité du Redempteur, l'identité de l'executeur, le prêtre, les délires de l'imagerie semi-religieuse sont autant de détails qui ajoutés à cette obsession malsaine qu'a Gochis à appuyer certains détails comme l'utilisation à outrance du rouge ou l'insistance sur la difformité physique entretiennent une certaine perversité.
Ce coté surnaturel de l'ouverture et de la fermeture du film encadre pourtant une histoire qui par la suite se rapproche plus de classiques tels que Dix petits nègres où six personnages se retrouvent enfermés dans cette maison qui se transforme en une sorte de succursale de l'Enfer.
Si on s'approche alors du slasher 80s avec l'avenement de Halloween et Friday the 13th, Gochis va vite faire preuve d'un sens du grotesque et de la mascarade macabre assez phénomenal.
Si tout va assez vite, les meurtres sont d'une violence extraordinaire et surtout chacun d'eux est mis en scéne d'une façon tellement théatrale qu'ils en deviennent non seulement saisissants mais presque surréalistes eux aussi.
Changeant de costume à chaque meurtre, le Redempteur frappe là où on l'attend le moins et toujours de façon originale. The redeemer devient alors une sorte de cirque de l'horreur se peuplant de personnages imaginaires, sarabande infernale ou petit théatre du Destin noyé dans une palette de couleurs flamboyantes qui finit par créer un certain malaise.
Poupée géante armée d'un chalumeau, chasseur d'operette, bonimanteur macabre, clown effroyable, Gochis a recours à tout un panel du Fantastique qui ici déroute tant il est inattendu. Cela nous vaut quelques séquences d'anthologie comme la Mort frappant de sa faux avec une violence inouie les murs de la maison-piège, si vraie que le masque pourrait alors se fondre dans la réalité.
Un des plus grands moments du film restera cette scéne de théatre où s'étale un cimetierre de pacotille au beau milieu duquel le Redempteur habilement déguisé en prédicateur grotesque sermonne les survivants tandis qu'une marionnette géante, pantin abominable, s'anime à ses cotés comme mû par une vie diabolique alors qu'une épée transperce un des personnages en lui tombant sur la tête, comme Damoclès la terrible.
La violence des meurtres surprendra aussi notamment pour l'époque. Outre l'épée de Damoclés, la carbonisation au chalumeau, le pantin tueur ou la longue et sauvage agonie d'une jeune fille dans les douches, on retiendra une trés belle scéne, la seule en exterieur, dans le jardin, illusoire issue de secours, où la victime courant au ralenti tente d'échapper au Redempteur avant qu'une balle ne la frappe en pleine poitrine, insistance malsaine sur la gueuse dont la poitrine se soulève avant qu'elle n'en finisse plus de s'écrouler.
Le final tentera de donner une explication plus ou moins rationnelle à tout ceci même si elle pourra laisser pantois.
Son travail executé, on découvrira l'identité du Redempteur en la personne d'un prêtre, ce qui n'etonnera guère, Gochis ayant laissé quelques indices tout au long du film comme cette bague que porte le tueur au doigt ou l'image du prêtre endormi envahi par l'ombre de l'Enfant.
Si tout cela reste enigmatique sur le coup, c'est lors de ce final que tout peut s'eclaircir.
Plus étrange est l'image de ses deux pouces dont le prêtre est affublé à une main, ignoble difformité physique. Que symbolisent ces deux pouces? Pourquoi l'Enfant a t'il choisi ce prêtre et pourquoi avoir endossé son infirmité puisqu'en retournant dans le lac il portera les deux pouces du religieux qui lui en sera délivré?
Pour Gochis, l'Enfant non seulement endosse tous les péchés du monde mais il a endossé également l'infirmité du prêtre qui ici n'est peut être qu'une simple symbolique d'une infirmité morale. En ayant lavé les âmes de ses pêcheurs, le religieux s'est délivré de son infirmité qui est repassée sur le corps de l'Enfant, incarnation de l'Ange du mal, de la Mort Redemptrice et de toutes les tares du monde, l'eau, ce lac étant symbole de pureté, cette eau qui nous lave de nos péchés.
The redeemer est certes bancal et par moment souffre d'une mise en scéne mal ficelée, un coté brouillon et maladroit qui témoignent d'une certaine incompetence sans parler de tout cet aspect ésotérique mal utilisé voire confus comme laissé à l'état végétatif.
Mais toutes ces erreurs sont vite oubliées par l'originalité de l'ensemble et surtout ses qualités.
L'ange du mal est un spectacle morbide parfois fascinant car tellement étrange, une mascarade surréaliste empreinte d'un coté blasphématoire des plus agréables servi par la violence des meurtres.
On notera aussi une certaine audace pour l'époque en donnant à la lesbienne le rôle de l'ultime survivante comme pour renforcer le coté irrespecteuement religieux du tout.
On est ici en présence d'un brouillon de chef d'oeuvre, une esquisse de totale réussite mais même en l'état The redeemer est un film à decouvrir de toute urgence.
Le corbeau redempteur qui aime laver les jeunes mignons.. pas seulement de leurs péchés!
