Le juge et l'assassin - 1976 - Bertrand Tavernier

[Manolito]

A la fin du XIXème siècle, Bouvier, un soldat chassé de l'armée pour maladie mentale, devient un vagabond qui traverse la France à pieds et commet de nombreux crimes sadiques. On finit par l'appeler le "Jack l'éventreur français". Il est finalement capturer et amener devant le juge Rousseau, un anti-dreyfusard qui se passionne pour l'affaire Bouvier. Afin de lui faire avouer ses crimes, il feint d'être son ami et de chercher à le faire acquitter pour cause de folie. Mais, en fait ,Rousseau est un homme d'odre, et il tient absolument à faire guillotiner Bouvier...



Après "L'horloger de Saint-Paul" et "Que la fête commence", Tavernier signe son troisième long métrage : "Le juge et l'assassin", film s'inspirant d'un authentique fait divers, celui des crimes sanglants commis par Vacher, lequel meurt guillotiné à la veille du XXème siècle...

L'assassin, c'est ici Bouvier, qu'interprète un Galabru assez fascinant, détraqué mégalomane et pervers, se proclamant "anarchiste de Dieu" et tenant des discours souvent incohérents. Le juge, c'est Rousseau, incarné par Philippe Noiret - il joue pour la troisième fois consécutive sous la direction de Tavernier. Au départ, on peut croire qu'il s'agit d'une classique chronique de fait divers. Les rôles semblent bien distribués : Bouvier le salaud, Rousseau l'homme droit.

Mais impeerceptiblement, le point de vue bascule. Bouvier est une brute, mais c'est aussi un pauvre fou, un malade. Rousseau va instrumentaliser, l'air de rien, le procès, pour y insuffler ses idées politiques droitières, et en faire un cas exemplaire. Face au désordre de l'affaire Dreyfus, il se donne comme devoir de rétablir l'ordre... à tout prix.

Comme dans "Que la fête commence", l'ultime scène sera la vraie clé du film, alors même qu'elle ne semble pas avoir de lien avec son histoire : des ouvriers sans armes manifestent devant leur usine en grève ; ils vont être abattus sans pitié par des soldats. Les vrais criminels, ce ne sont pas vraiment les Bouvier, qui sont des malades à l'influence néfaste limitée. Mais bien l'état et les puissants qui perpétuent impunément un ordre oppressif et assassin à très grande échelle.

Quand à la manière dont la justice est rendue, difficile de ne pas penser aujourd'hui à l'affaire d'Outreau en voyant le film : emballemnt puéril des médias, "expert" médical s'avérant les bénis oui-oui de juges qui ont déjà décider de la fin de l'affaire avant même d'entendre les premiers
témoignages...

Vu sur Ciné Cinéma Famiz dans une très belle copie scope 2.35, vf mono d'origine. Sans signalétique, comme toujours sur ciné cinéma famiz alors qu'il aurait certainement eu un bon "-10" s'il était passé sur un autre Ciné Cinémas. Oui, mais comme c'est sur ciné cinéma famiz, il ne peut pas s'agir d'un film violent ! CQFD !!

Il existe un dvd français sorti chez studio canal...

[Jerry Lewis]

Une diff ce soir du chef d'oeuvre de Tavernier - sur France 3 à 23h40...

En hommage à Jean-Claude Brialy...

[DPG]

Vu ce soir sur 13e Rue. Magnifique copie HD, une image vraiment bluffante d'un point de vue technique, très belle restauration qui sait conserver l'esprit originel de l'oeuvre.

Le film maintenant. Je suis assez partagé. C'est une œuvre ambitieuse, riche et complexe. On sent tout ce qui a pu intéresser Tavernier dans un tel sujet, et il tente de nous présenter tout cela de façon progressive, méthodique, sans céder au spectaculaire ou à la facilité. Le tout est soigneusement reconstitué, avec un vrai sens de la mise en scène et une direction d'acteurs impeccable. Un propos intelligent, un récit qui se dévoile petit à petit, en prenant son temps (peut-être un peu trop...), partant de l'évidence d'une situation pour en arriver à présenter son ambigüité.
J'ai trouvé cela intéressant, mais sans jamais vraiment être conquis pour autant. Le contexte est prenant, ce "Jack l'éventreur" à la française offre un chouette postulat de départ, mais dès qu'on s'écarte de "l'enquête" à proprement parler, je suis tout de suite moins convaincu... Si le propos sur la folie et la justice est assez juste, tout le point de vue "politico social" (l'affaire Dreyfus, etc...) m'a semblé abordé de façon assez maladroite, pas très fine... Quant à la scène finale que Manolito semble avoir apprécié, je l'ai pour ma part trouvé complètement ratée, complètement déconnectée du reste du film, avec un texte totalement vain, gratuit et démago. Ça m'a rappelé les ridicules envolées communistes de la fin de "1900" de Bertolucci, c'est dire...
Bilan mitigé donc, un film intéressant, bien exécuté, adulte et soulevant de nombreuses interrogations. Mais aussi un film un peu long, qui se perd un peu en route, dont les différences facettes m'apparaissent inégales, voire franchement maladroites, surtout vu le ton solennel de l'ensemble... Intéressant tout de même...

[comte vonkrolock]

Difficile d'en rajouté plus par rapport à Manolito et DPG qui partage un avis bien que légèrement contraire, résumes assez bien le film que j'ai vu hier.

Un peu long.... Mais en même temps vu le sujet Tavernier avait la nécessité de rendre tous le contexte de cette époque d'avant la grande guerre. Les débuts de cette aire industrielle qui plongera en partie le monde dans les ténèbres je sais je dramatise un peu
On comprend bien finalement ou veut en venir le réalisateur et on pourrait pratiquement faire un parallèle identique encore aujourd'hui. Entre les pays occidentaux riches et ces pays émergent du tiers monde ou les enfants sont utilisé comme mains d’œuvre à bas pris. La lutte des classes ayant presque soit disant disparu de l’esprit de certain de nos jours....

Comme quoi se film historique malgré ces relatives longueurs reste totalement d'actualité. Bref un film important à (re)découvrir dans l’œuvre de ce réalisateur.

Vu sur le BR éditer par Studio Canal, une image qui offre un bon rendu HD même s'est avec moins de punch que l'Horloger ou des films plus récent comme Capitaine Conan. Mais sa reste quand même très satisfaisant