Le telefilm Dracula realise pour la chaine CBS, representera pour Dan curtis, producteur-realisateur sur le metrage, l’occasion de revenir a ce qui avait lance sa carriere en 1966.
En 1966, Curtis lanca une serie qui de par son concept (radical pour l’epoque) le liera a jamais au fantastique; Dark Shadows TV (1966), genre dans lequel il oeuvrera quasiment jusqu’a sa mort en 2006.
DS etait en effet le mariage “contre-nature” de deux genres totalement antinomique; le soap-opera et le fantastique / epouvante.
Pour memoire, les “soap-opera” sont ces series-fleuves (generalement romantiques) ou au fur et a mesure des multiples saisons (et croissant nombre d’episodes—pouvant facilement depasser le millier quant meme—




DS totalise ainsi 1220 episodes et plus, repartis sur cinq annees et aura fait le bonheur de generations (rediffusions obliges) d’eleves d’ecoles primaires, colleges et lycees americains en proposant a ses spectateurs; vampires, necromanciens, zombies et autres sorcieres, mais aussi voyages dans le temps (passé et future) et meme un cycle “lovecraftien”.

Au passage, DS proposera un alternative novatrice au mythe du vampire, sorte de “troisieme voie”, ou le vampire—tres humanise—souffrirait de son etat et chercherait a s’en guerir, par opposition a la bête feroce generalement represente sous des auripaux “humains” (Christopher Lee) ou le predateur sexuel (Frank Langella).
Pour son adaptation du mythe cree par Bram Stoker, Curtis puise dans sa propre vision de la creature et recycle ainsi certaines idees de sa serie (un vampire “solitaire” en quete de sa “promise” reincarnee, le tout sublime par les expressions souffreteuses d’un Jack Palance entre le menacant et le pathetique).
A l’arrivee, le metrage est plutot mal percu par les amateurs (fans de Curtis inclus). La raison principale evoquee, etant Palance dans le role-titre, l’acteur n’ayant physiquement que peu de ressemblance avec le monstre dont la memoire du public a ete formatee par les performances de Lee ou Lugosi avant lui.
En fait, physiquement, Palance rappelle Lon Chaney Jr. dans le meme role (Son of Dracula (1943) ), mais la ou le bat blesse avec la version de Curtis, est surtout la realisation de ce dernier avec le scenario de Richard Matheson (quand meme) qui semble peiner a—pour le premier—renouveller le traitement du sujet, et—pour le deuxieme—a adapter le roman quand meme assez volumineux.
Beneficiant d’un budget apparemment assez consequent pour sa production, Curtis tourne ainsi en Angleterre et en Yougoslavie, mais bizarrement, le resultat parait tres souvent etonnament “cheap” a l’ecran. Ainsi, le delabrement de certains decors est invisible a l’ecran, tout comme d’ailleurs le cote grand bourgeois d’autres decors…Certains evenements, plus que suggeres, sont literallement escamottes du recit (le naufrage du Demeter se resumant a un Dracula debout sur une plage et une allusion plus tard dans le recit).
La narration semble aussi “zapper” ou accelerer certains evenements ou ralentir longuement sur d’autres, creant un rythme tres chaotique ou parfois, le spectateur doit attendre les explications (dialogues) des protagonistes pour raccocher les wagons et se (re-)situer dans le recit…
Au final, seul le dernier quart du film trouve son equilibre dans l’affrontement final, bouclant la boucle en Transylvanie et mettant un point final a la malediction du monstre.
Mattheson (The Stranger within TV (1974), Dead of Night TV (1977), Stir of Echoes (1999) ), ayant fait des miracles sur les adaptations de notamment Poe pour Roger Corman (House of Usher (1960), The Pit and the Pendulum (1961) The Raven (1963) ), ayant developpe l’univers de l’ecrivain, semble nettement moins a l’aise lorsqu’il s’agit de “puiser” dans un recit tres developpe pour en reprendre l’essentiel, mais pas l’integral.
Si Jack Palance (The Professionals (1966), Chato’s Land (1972), Alone in the Dark (1982) ) dans le role-vedette semble un choix eminement incongru, il ne se debrouille au final pas si mal avec la mise en scene voulue par le realisateur, proposant ainsi une creature brutale et pathetique, entre la vie et la mort, mais indubitablement loin de toute “humanite”.
Nigel Davenport (Peeping Tom (1960), Man of the World TV (1963), No Blade of Grass (1970) ), dans le role de Van Helsing, voit quant a lui son personnage plutot mal amene et au final exploite par Curtis, meme si sa performance est plus que satisfesante.
Un telefilm, qui malgre etre du a la “camera” d’un maitre dans le genre, est malheureusement tres bancal dans son traitement technique (et narratif), d’ou emerge juste cette idee d’un vampire “maudit” dans ses sentiments et ronge dans sa solitude. Interessant, mais tres leger quand meme…
Dracula: 3.0 / 5