La Nuit de la Métamorphose - Krsto Papic (1977)

[Superwonderscope]

La nuit de la métamorphose de Krsto Papic

Yougoslavie – 1977- 1h17- 1.66 :1

Attention, curiosité à (re)découvrir. Cela faisait longtemps que je voulais voir ce film qui a obtenu (si mes souvenirs sont exacts) la Licorne d’or du festival du film fantastique de Paris en 1978. Merci à m_pest de m’avoir fourni le film ; c‘est un véritable petite perle!

1930 – un jeune journaliste sans le sou est expulsé de son domicile. Tentant en vain de vendre ses livres, il trouve refuge, grâce à une connaissance, dans une banque abandonnée. Infestée par les rats, le jeune homme erre dans le bâtiment. Jusqu’à être témoin d’un curieux rassemblement : une société secrète qui fomente l’assassinat d’un professeur Ludovic. S’échappant, il découvre que ce professeur possède une théorie sur des rats se transformant en hommes.

A la lecture du résumé, on pourrait croire à une niéme version d’un film de grosses bêtes des années 50. Mais tourné en Yougoslavie en 1977, le virage est diamétralement opposé. Et on ne peut s’empêcher d’y coller une lecture à deux niveaux . la première purement fantastique, la deuxième : la parabole politique.

Le récit est en effet orienté sur le fantastique : les rats auraient ainsi la possibilité de se glisser incognito dans la société humaine afin de mieux en prendre le commandement. Mimétisme parfait, les rats créent des doubles de ceux qu’ils capturent. Et obéissant à leur « sauveur » afin de prendre en douceur le pouvoir. Ce qui n’est pas sans rappeler le Invasion of the Body Snatchers, The Invaders mais qui annonce également Mimic.

Quelques jolies scènes fantastiques parsèment le film à l’ambiance très début su siècle, trouble, désuète et mystérieuse. On pense à Maurice Leblanc, l’Ile aux Trente Cercueils, la Poupée Sanglante... La reconstitution historique est agréable décors & costumes s’alliant parfaitement avec le propos.

Deux scènes assez éprouvantes (dont un homme-rat se faisant « éduquer » : on le jette dans une cellule remplie de rats qui lui griffent le corps entier) se melent à des scènes de copulation : le parallèle entre les hommes et les rats s’y effectue de manière assez curieuse.

Le professeur possède un côté très Pr Tournesol avec sa légende centenaire tirée d’un livre allemand d’où des rats se métamorphosant à volonté en hommes. Il travaille également à un procédé révélant la duplicité des hommes-rat

QUELQUES PETITS SPOILERS CI-DESSOUS

Le film demeure assez amer : la fin garde un écho dramatique en contre-pied total avec un traitement à l’américaine. Le héros tue par accident sa bien-aimée et le happy end n’est pas de rigueur. Beaucoup de désenchantement, ainsi…mais le final reste aussi réminiscent du film de Donald Siegel.

END SPOILERS

Le côté politique reste assez trouble, tant la période où a été fait le film demeure trouble. Le changement d’époque, l’alibi fantastique, les maquillages…rien n’y trompe. La mise en cause des responsables politiques des villes y est clairement établie. Les « doubles » sont animés cependant de sentiments certes humains mais exacerbés : la sexualité y est débordante et une arme afin de faire tomber les humains. Toujours ce lien curieux sexualité = déviance = mal. A mettre peut être au crédit d’une société yougoslave encore peu émancipée (ce qui n’empêche pas le film de déshabille ses héroïnes assez fréquemment)

Au finsih, une vraie découverte, un cinéma résolument différent dans son approche du fantastique et…malheureusement, pas de DVD à l’horizon. C’est vraiment dommage, car La Nuit de la Métamorphose le mérite amplement. En clair, si toi public, tu te le prends dans un cash dans ta gueule, précipites-toi , achètes-le et deviens un cinéphile heureux.

[Superwonderscope]

J'ajoute :

La VHS a été éditée en 1984 par Moonlight productions

Titre original : Izbavitelj

Titre international : The Rat Savior

ptites photos :

[Kerozene]

Malheureusement, ce n'est pas une VHS qui court les Cash....

[eric draven]

Quittons mes chers eros-svastika italiens mais restons dans le domaine du nazisme sans tonte ni fours à la Garrone ou à la Di silvestro mais avec une vision cette fois plus intellectuelle avec cette gestapo d'hommes-rats arpentant une ville imaginaire en pleine ère fasciste:

Plus proche de la fable que du film d'atmosphère, La nuit.. du yougoslave Krsto Papic tire toute sa force non pas de son scénario très basique ni de sa mise en scène des plus classiques mais de son travail sur les visages. Le film est un incessant questionnement sur l'impassibilité de ces derniers. Qui est qui, sommes nous face à un homme-rat, incessant va-et-vient entre doute et confiance.
En fait, la nuit.. est une sorte de parabole sur les régimes extrémistes tentant de démontrer que la dictature qu'elle provienne d'un groupe social, d'un parti ou d'une seule personne est toujours la même.

Dès l'ouverture, on est plongé dans une Allemagne pré-nazie imaginaire où se mèlent soupes populaires, files d'attente, bureau de chomage et discours embourgeoisés alors que le générique défile sur une fresque immense représentant une religion maudite.
Ivan est un romancier qui à travers la littérature à décrypté la condition socio-politique de son pays.
Mis à la porte de chez lui, il est un déraciné errant, un etranger et l'étranger est toujours le mieux placé pour voir l'imminence du danger et l'emprisonnement des esprits, la misère et l'arrêt du progrès dans un monde où la culture se meurt au détriment de son pouvoir d'achat de plus en plus faible.
Il faut survivre. Papic propose ni plus ni moins qu'un tableau décrivant ce qui emmena l'Allemagne à accepter le nazisme, le goût du confort dans une société en crise profonde.
C'est dans une banque désaffectée, lieu fort symbolique donc, qu'Ivan découvrira le repère des Hommes-rats, terribles mutants menés par le Redempteur qui petit à petit remplacent par leur sosie animal les dignitaires de la ville.

Filmé dans des tons verdâtres à l'image de la moisisssure sociale et d'une bureaucratie malade, de ces amas d'archives à l'abandon entre lesquels déambulent une gestapo de rats vêtu de soie noire , La nuit.. est l'exacte peinture d'une population en pleine ère fasciste. Le Rédempteur n'est qu'une Ombre qui trône dans la lumière glauque d'une fenêtre couverte de chiffres, symbole de conspiration et funeste représentation du fléau naissant.

Par de subtils scènes parfois drôles, Papic nous indique que toute la ville est sous son contrôle, tout n'est plus que leurre, une illusion et chaque citoyen est repertorié.
Durant la Grande Nuit, des créatures humanoides prendront l'apparence des personnages-clé de l'administration humaine, orgie sordide où les faciès murins surgissent sous la peau, superbes maquillages qui subrepticement creusent les visages et agrandissent les oreilles.

La nuit.. est une référence au cinéma pré nazi mélant des tons pastels et les éclairages expressionistes se projetant sur les décors noyés dans le flou, symbole d'une autre vie, lointaine et moribonde dans lesquels se meuvent des silhouettes mécaniques portant d'étranges chapeaux, les bras liés par la police omni-présente.

Tel est devenu notre monde comme le découvre Ivan, au sortir d'une bouche d'égout. Le nazisme est désormais une créature non humaine qui a pris une apparence quotidienne pour mieux s'infuiltrer et proliférer afin d'envahir notre monde et sement le chaos et la destruction.
C'est une vision philosophique, le rat n'est que l'incarnation de la noirceur de l'âme humaine, le coté négatif de l'Homme, l'âme obscure de tout être. Si dans le cinéma US on préche le patriotisme, la Yougoslavie elle prêche l'anarchie: ne tombe que les coupables mais qui sont les coupables? Voilà la vraie question.

Le final réaliste se rapproche de The invasion of the body snatchers, Ivan se voyant confronté à l'horreur face à sa compagne devenue rat mais l'est elle vraiment? Terrible conclusion qui pose la question de savoir si le vrai danger des régimes extrémistes n'est pas la folie qu'ils engendrent chez ceux qui veulent les combattre?
Sombre conclusion renforcée par l'annonce du Redempteur à sa mort: Je reviendrais et il y aura 1000 autres Redempteurs. Si les rats ont été renvoyé dans la Nuit, ils reviendront un jour. Le nazisme ne peut mourir.
Entre nazisme et totalitarisme, le monde des rats tel que Papic le décrivait en 1980 n'est que l'ombre gigantesque du Rideau de fer. Le nazisme n'est il pas l'angoisse de savoir ce qui se mure derrière les visages écrivit un jour un journaliste? Et que se cache t'il derriere celui d'Eric..

Naif, scolaire et cettes basique, la nuit.. n'en est pas moins un film intelligent par instant fascinant dans son imagerie. S'il decevra les amateurs de fantastique graphique et sanglant, il rejouira les amateurs d'un cinéma plus intellectuel.
Fascinant dit Eric!

Le corbeau rédempteur qui sauvera vos âmes dans le chaos et la tourmente.

[eric draven]

Il nous faut illustrer cette fable pré nazie comme elle le mérite.. et m'intriguer par contre de ma VHS, point évidente à trouver, qui ne dure que 1H17 alors que la durée cinéma est annoncée a 90mn..
Grand prix du film fantastique au Festival du Rex 1980

[dario carpenter]

6 ans après...pas d'édition(s) dvd/blu ray en vue??

[orco]

Intéressant, je ne connaissais pas du tout... On dirait qu'il existe un DVD allemand, et qui contiendrait des sta :
http://www.amazon.de/Rattengott-Die-Nac ... rsto+Papic

Une autre édition avec sta :
http://www.wicked-vision.com/dvd/kurzre ... erwandlung

Un autre édition moins chère sort le 25 septembre, mais pas de sta annoncés (mais bon ce sont les specs amazon, donc méfiance)
http://www.amazon.de/Rattengott-Ivica-V ... rattengott