À Hollywood, le scénariste Dixon Steele (caractériel, violent et en panne d'inspiration...) est suspecté d'avoir étranglé une jeune femme qu'il avait invitée chez lui. Sa voisine, la ravissante Laurel Gray, l'aide en confirmant son alibi et tombe amoureuse. Mais le doute s'immisce... Est-il vraiment innocent?
Très belle découverte que ce "Violent" de Nicholas Ray, projeté en ce moment dans un cycle "Film Noir" au Christine 21 !
Le film est à la croisée des chemins entre deux genres typiques du Hollywood de cette époque, le film noir et le film qui met en scène (et en abime) le milieu du cinéma (tendance Sunset Boulevard, Eve, etc...). On retrouve bien ici les ingrédients habituels des deux genres : femmes fatales, ambiance nocturne, héros ambivalent, à moitié alcoolique, etc... pour l'un, arrivisme, producteurs tous puissants, artistes blasés en fin de course, mœurs dissolues, etc... pour l'autre, ingrédients qui vont se télescoper pour proposer une œuvre assez unique. Le "violent" du titre, c'est Bogart, et il propose une composition assez détonante, dans un registre plus profond que ce qu'on a l'habitude de le voir jouer. S'il est toujours aussi à l'aise en mec un peu blasé, cigarette au bec, capable d'un détachement extrême sur les sujets les plus graves, il offre aussi une facette bien plus sombre, un vrai "méchant", complètement effrayant dans ces accès de colère, ultra crédible et qui emmène le film vers des territoires insoupçonnés... C'est aussi une des forces du film, sur des thèmes toujours aussi actuels, à savoir cohabiter (que ça soit dans un couple, en amitié, en affaires, dans la rue) avec un "monstre" ou du moins un être sensible aux pétages de câble les plus fous. Où fixer la limite ? Comment se comporter face à cela ? Cette facette "perso" va petit à petit s'imbriquer avec l'intrigue plus policière, et on verra bien que la résolution d'un aspect ne simplifie pas forcément la gestion de l'autre...
Formellement, c'est du Nicholas Ray impliqué, propre, solide, belle ambiance hollywoodienne nocturne, sens du rythme, direction d'acteurs au cordeau. Le film déroule sa petite musique, alternant les moments jubilatoires avec des instants de pure tension, jouant bien avec les frontières du bien et du mal, le film est en cela très "Langien". Bref, une œuvre solide, forte, toujours très moderne, sombre et incisive. A découvrir !
