Ouragan sur le Caine - 1954 - Edward Dmytryk

[Manolito]

Titre US : Mutiny On Caine



Durant la seconde guerre mondiale, un nouveau capitaine est affecté au Caine, un dragueur de mines de la marine américaine. Mais cet officier, psychologiquement instable, provoque la méfiance de l'équipage...

Ce classique du film de guerre américain est produit par Stanley Kramer, et réalisé par Edward Dmytryk dont la carrière venait de traverser une période très troublée suite à sa condamnation dans le cadre du maccarthysme. Le métrage bénéficie d'un tournage en technicolor, d'une musique signée Max Steiner et de vedettes parmi lesquels Van Johnson et surtout Humphrey Bogart dans le rôle de l'antipathique Capitaine Queeg.

Nous avons un film assez classique, mais certainement réussi et ambitieux, sur les thèmes riches du commandement et la responsabilité. Si par certains aspects, on se retrouve dans le cadre d'un classique film de mutinerie, dans la tradition des "Révoltés du Bounty", l'interprétation efficace et compétente des comédiens, certaines images maritimes spectaculaires (le dragage des mines avant un débarquement, les manoeuvres à bord d'un immense porte-avion) emportent d'emblée l'adhésion. Même la séquence de tempête fonctionne très bien malgré son recours évident à une maquette. Une intrigue sentimentale sous-jacente complètement inutile aurait pu nous être épargnée et aurait permis au film de gagner en homogénéité.

"Mutinerie sur le Caine" marche en particulier sur son habile rebondissement final, très bien pensé, permettant de jeter sur le métrage vu une toute nouvelle lumière, ce renversement de perspective permettant d'échapper à la caricature et d'offrir une méditation sur le pouvoir plus approfondie et équilibrée.

Vu sur ciné cinéma classic où il passe en ce moment en VM anglaise mono, copie 1.85 16/9 plutôt bonne. Existe en dvd en France chez sony.

[Superwonderscope]

Classique, c'est en effet le mot qui revient pendant les 121 du film. Peu de risques pris par Stanley Kramer en 1954, qui donnait des films au sujet rugueux, mais sur des bases solides de cinéma sans grande surprise (comme il le fit pour ses autres productions comme pour ses réalisations).

C'est du cinéma solide, avec des secondes gueules bien cadrées (Fred McMurray en tête), avec le jeune premier de service (Robert Francis, mort hélas l'année suivante dans un accident) quelque peu translucide, histoire de bien mettre en avant Bogart et son trogne de capitaine intraitable mais dépassé. Van Johnson, très classe et avec une certaine superbe. Je ne suis qu'à moitié convaincu par Bogart, avec son tic gratuit et très superficiel (les boules d'acier dans sa poche). la séquence d'humilité, en très gros plan et pourtant sur le papier très forte, enfonce le clou du démonstratif. Dmytryk n'a jamais été très fin dans sa mise en image des émotions.
Le plus intéressant demeure Fred McMurray, et son personnage d'homme lettré, intelligent mais va retourner sa veste au procès. Très intéressant, surtout lorsqu'on met en perspective la carrière d'Ed Dmytryck et son rôle dans la liste noire d'Hollywood. Puisqu'il lâcha des noms afin, comme beaucoup, d'être laissé tranquille par la chasse aux sorcières. Sa carrière redécolla d'ailleurs avec ce film qu'il fit juste après sa sortie de prison. C'est une figure qu'on retrouve dans temps à autres dans sa carrière, entre déformités et autres personnages troubles. une manière d'exorciser l'enfer dans lequel il se jeta après avoir contribué à créer celui de beaucoup d'autres...

La séquence de la tempête et de l'ouragan est superbe, spectaculaire, avec de très belles miniatures. encore aujourd'hui, il ya de quoi rester accroché à son fauteuil! Pas seulement pour l'action, mais aussi les interactions avec l'ensemble du casting pris dans leur propre tempête.

la partie du procès est beaucoup plus plate, anecdotique et manquant d'emphase, de tension; Kramer y saura beaucoup mieux y faire avec Jugement à Nuremberg, à mon sens. Là, on assiste tranquillement à la disgrâce annoncée de Bogart, avec une rédemption inattendue, amère. Mais je suis assez troublé par cette manière d'excuser le comportement de Bogart - en gros, c'est la faute à tout le monde car personne ne l'a soutenu dans sa démarche de manager de rafiot pourri - et comme c'est un grand de grand, il fallait faire avec sa paranoïa.

La musique de Max Steiner, très pompière/guerrière, fait terriblement datée, par contre. Dommage, je n'ai pas accroché.

Ca reste un métrage bien ancré dans son époque, solidement mis en images, avec des stocks shots qui se mélangent habilement au film. Pas vraiment non plus ma tasse de thé côté film de guerre, où les anglais développèrent de manière bien plus intelligente l'ambiguïté et la duplicité des gradés.

Vu sur le Blu Ray Français Sony, 1.85:1, avec le DTS HD MA 5.1 anglais manquant de Ouuumph, sauf pour la musique.
pas vu les bonus, portés du précédent DVD.

45e plus gros succès en 1954 en France avec 2 169 758 tickets. (10 000 entrées de plus que Quand la Marabunta Gronde!)