J'avais revu avec plaisir la version de Lautner il y a quelques semaines. J'ai profité des opé BR sur le net pour acheter celle de Decoin en promo et le revoir. J'en avais un souvenir sympa, mais pas incroyable, me rappelant surtout de la perf' de Raimu, notamment lors du dernier acte.
La re-vision conforte mon bon souvenir et le réhausse d'un cran. Le pitch est classique mais efficace, du bon Simenon, avec sa bourgeoisie de province, son hypocrisie, sa bonne morale qui éclate vite en morceaux. Mais ce qui fait tout le sel du film, c'est la galerie de personnages qu'il nous présente, de notables de province, leurs gosses de riche paumés, les conflits de classe (selon que vous serez puissant ou misérable...), un avocat alcoolique à la dérive, une fille mal aimée, etc... Clouzot (qui signe l'adaptation) profite à merveille de tout ce petit monde, et l'envoie valser gentiment dans des monologues écrits sur mesure pour un Raimu au top de sa forme. Le film n'est pas parfait pour autant. Ça démarre doucement, l'enquête est un peu torchée, prétexte à aligner quelques bons mots. Les jeunes acteurs sont pas forcément géniaux, certains en font des tonnes, d'autres sont un peu effacés. Mais chez leurs ainés, c'est un régal, et derrière Raimu, une pléiade de comédiens fait des merveilles, Jean Tissier, Noel Roquevert, Jacques Baumer... Petite cerise sur le gâteau, la voix off (savoureuse à souhait) est signée Pierre Fresnay, fidèle compagnon de route à venir de Clouzot. Bref, un solide polar, pas au niveau des classiques absolus du genre, mais pierre de plus d'une filmo estampillée "qualité française" que l'on ne se lasse pas de re-découvrir.
Copie du BR impeccable, rien à signaler. Je n'ai pas encore vu les bonus.
Anecdote amusante sur le film : Après la Seconde Guerre mondiale, certaines voix s'élèvent pour interdire le film jugé antisémite car l'un des accusés porte un nom à consonance israélite « Ephraïm Luska ». Decoin est alors obligé de modifier sa copie sous peine de censure : le personnage interprété par Marcel Mouloudji est rebaptisé « Amédée » dans une version re-postsynchronisée. Mais Raimu étant décédé en 1946, son dialogue ne put être redoublé et il continue d'appeler son client « Ephraïm », le personnage semblant dès lors avoir deux prénoms.
