Je remonte un peu le sujet bien que beaucoup de choses aient été dites. Déjà cette histoire de film où il n'y aurait pas de VO car tout le monde parle une langue différente sur le tournage, voire pas de prise de sons, etc... Je ne suis pas d'accord, car c'est un peu vite oublier le scénariste. Il y a toujours des exceptions, mais je ne trouve pas aberrant de dire que pour ces films, la VO est la langue du scénario. Le film appartient autant au scénariste qu'au réalisateur. Il aurait même tendance à mieux connaître les personnages et les subtilités de son histoire.
Je pense vraiment que la langue du scénario est un bon indicateur de ce qu'est la VO. Le scénariste, le dialoguiste (quand ce n'est pas la même personne) vont faire dire des choses d'une manière et pas autrement. De plus à cela peut s'ajouter le fait qu'il est quand même très probable que le réalisateur (on y revient malgré tout) valide le casting voix et la post-synchro. Tout ceci se fait en général également dans la langue du scénario. Tout ces éléments pris en compte, on peut, sauf cas particulier, définir assez souvent la VO.
Je ne pense pas que l'endroit où se déroule le film en fait un meilleur choix pour la VO. Beaucoup de
Bud Spencer et
Terence Hill se passent aux US, mais la VO est l'italien. Et là vient s'ajouter une chose amusante c'est que pendant longtemps ils avaient des doubleurs italiens et ça n'était donc pas leurs vraies voix.
Puisque qu'on parle d'où se déroule l'action, je reviens sur une chose qui a été dites avant. Personnellement je n'ai jamais été choqué de voir des asiatiques parler français dans un doublage

Je suis dans le film, à aucun moment je ne me dis ils parlent français... Ils parlent c'est tout.
Après il est vrai que la VF est souvent méprisée par les cinéphiles et j'ai eu ma période avant de m'apercevoir de la richesse de nos VF. Le travail que ça demande, la créativité, la culture des traducteurs/adapteurs, la sensibibilité des directeurs artistiques pour diriger et choisir les voix. C'est un art !
Certains, pas sur le forum je pense, croient que la traduction est quelque chose de presque mécanique. Comme une conversion avec un unique résultat. Je me souviens, il y a longtemps, quelqu'un qui avait 'volé' la traduction de générique japonais sur un site, pour les mettre sur le sien sans créditer le traducteur. Et ce type ne comprenait pas comment tout le monde était sûr de ce qu'il avait fait car pour lui, une traduction est une traduction. Il semblait n'avoir aucune notion du nombre de tournures possibles, du choix des mots. En plus comme c'était des paroles de chanson, c'est souvent encore plus complexe...
Je me demande combien estiment que la traduction est proche d'une conversion et se disent que même un jeu de mots se convertit sans travail de création. Alors bien sûr, ce genre de cas existe, l'exemple qui me vient tout de suite à l'esprit est tiré de la série
The Nanny (
Une nounou d'enfer) s05e11...
Fran fait une réaction allergique. Ils cherchent si le majordome aurait préparé un plat avec quelque chose auquel elle serait allergique. Mais non, juste avec de la sauge. Là,
Miss Babcock réagit:
- Sage ? I am allergic to sage !
(De la sauge ? Je suis allergique à la sauge !)
Et
Niles, le majordome, répond...
- Oh, really ? I thought thyme was your enemy.
(Oh, vraiment ? Je croyais que le thym était votre ennemi)
Là il suffit de traduire littéralement les jeux de mot, et l'homophonie fait son travail

Thyme (Time) et Thym (Teint)
Sauf que les exemples comme ça, ils sont très rares ! Et même si je me demande combien de gens ne l'imagine pas, j'ose espérer que la plupart en ont conscience.
Oui, je le redis, la traduction/adaptation est un art, un travail de création. Alors pourquoi souvent tant de mépris par les cinéphiles ? J'en suis venu à me demander si parfois on ne préférait pas les VO avec un certain snobisme.
Le fait de regarder pas mal de film Tchèques en STF m'a fait un jour me dire: j'aurai quand même préféré une bonne VF

Car oui, je pense qu'on se leurre un peu. Quand on ne parle pas un mot d'une langue, est-ce qu'on apprécie vraiment la VO à sa juste valeur de pro-VO ?
Apprécie-t-on vraiment le jeu d'acteur, comme on le prétend quand, on ne sait à aucun moment quand les mots sont prononcés ? Sur quel mot l'acteur a-t-il insisté ? On en sait rien. Et même avec des sous-titres, de bons sous-titres, on ne le sait pas.
Je serai curieux de savoir combien d'irreductibles pro-VO passent à côté de beaucoup de choses en regardant des VOSTF quand les STF ne peuvent pas traduire l'intraduisible.
Quand j'ai regardé pour la première fois
Jack Burton dans les griffes du mandarin en VO grâce au DVD en 2001, je ne savais pas ce qu'était un
mexican standoff, donc je découvrais pour la première fois la réplique
chinese standoff, et je ne pouvais la savourer bien que regardant la VO en puriste. Pourtant même s'il est forcément meilleur maintenant, mon niveau n'était pas si mauvais. Assez bon pour ironiquement trouver des adaptations bien plus sympas en VF:
I was born ready (
J'étais prêt dans le ventre de ma mère)
L'expression, commune en anglais, devient culte et bien plus haute en couleur en français en allant plus loin dans l'image...
Attention, j'aime beaucoup la VO du film, mais j'essaye de mettre en avant l'idée que nous sommes, à de très rares exceptions, plus à même de comprendre et savourer toutes les nuances et subtiltés d'une VF bien que souvent dénigrée.
Autre exemple, avec une langue moins commune en occident, la scène du mot de passe dans
Le Marin des Mers de Chine... Elle est marrante en VF, marrante en VOSTF, mais combien de sincères puristes VO comprennent vraiment tout le comique de la scène ?
En VF:
www.youtube.com/watch?v=Zq6HDuWfm0g
En VO:
www.youtube.com/watch?v=xqNnNLsy_gM
Bon désolé j'ai pas trouvé de version STF ou STA, déjà compliqué de trouver l'extrait hors du film complet.
Mais donc ? Vous avez compris à quel point c'est encore plus marrant en VO ? Si c'est pas le cas, j'explique, le pirate demande le mot de passe à
Yuen Biao:
口令 (hau2 ling6). Et il fait sa tirade, l'autre lui demande ce que c'est et il répond:
急口令 (gap1 hau2 ling6)... Un virelangue !

Cette tirade avec cette étrange histoire est un virelangue. Le jeu de mots est intraduisible, la traduction du virelangue ne donne qu'une histoire et je doute que beaucoup soient capables de s'apercevoir de ce qui se passe alors même qu'ils l'entendent. Et très franchement, si je ne l'avais pas lu sur un site il y a très longtemps, je ne le saurai probablement pas non plus...
Encore un exemple, en japonais cette fois. Je prends cet exemple car là, c'est ma propre sensibilité qui est en avant, ce que je comprends moi est traduisible mais je ne l'ai jamais vu traduit comme ça.
Dans
Les Chevaliers du Zodiaque, à la fin quand on regarde en VO, on a un avant-goût du prochain épisode. Et là, la dernière chose que
Seiya dit est la phrase mythique:
kimi wa kosumo wo kanjita koto ga aru ka. Et j'ai bien cherché, c'est toujours traduit par:
As-tu déjà ressenti ton cosmos ?
Et oui, d'accord, c'est ce que ça veut dire. Sauf que la diction est, je pense, importante.
Je n'ai pas trouvé hors épisodes complets ces fameux moments, donc ça sera le début de la bande-annonce du premier long-métrage. C'est la première chose qu'il dit, écoutez bien la pause, après
kimi wa:
www.youtube.com/watch?v=UtAN_2CPBSw
Et donc ça, c'est la dernière phrase, de tous les épisodes, dite exactement comme ça ! Désolé mais moi, je trouve que la pause donne une dimension différente qui pourrait et devrait se traduire:
Et toi ? As-tu déjà ressenti ton cosmos ?
Comme je disais, j'ai cherché et curieusement les sous-titres d'aucune langue consultée, ne semblent souligner la nuance. Alors forcément, je peux me tromper, et je veux bien une explication dans ce cas (Si
Bluesoul passe, il pourra nous dire ce qu'il en pense). Mais ça me semble grammaticalement cohérent
Alors attention, je ne dis pas qu'on ne peut pas préférer les VO, même sans les comprendre, chacun fait ce qu'il veut et regarde la version qui le contentera le mieux sans avoir à s'en expliquer. Je dis juste que parfois les arguments mis en avant, font qu'on se leurre sur les raisons pour lesquelles on peut préférer la VO car si on ne parle pas un peu la langue, on passe à côté de la plupart des choses que la VO apporte en plus. Aussi bien en jeu d'acteur, nuances, que saveur.
Bien sûr quand la VF est très mauvaise (mauvais casting voix, mauvaise traduction du doublage, etc ), mieux vaut une VO avec de bons sous-titres, mais les bonnes VF ne doivent pas être injustement boudées...
Il y a même des films ou séries que je regarde en VF et en VO. Et parfois même en VF avec les sous-titres originaux de la langue pour savourer en même temps la VO et le travail d'adaptation d'une VF que j'apprécie.
Sinon, bien que le message soit plus long que ce que je pensais écrire, je mets 2 vieux reportages intéressants sur le sujet, pour ceux que le sujet passionne
Un reportage télé sur le doublage à Hong-Kong dans les années 80 (l'émission semble être
Movie World)...
https://www.youtube.com/watch?v=PlIPmXyHp1Y
Annie Mathers explique comment les films en cantonais sont doublés par les Chinois eux-mêmes pour faciliter l'export. En fait la plupart du temps, le traducteur, ne parle même pas cantonais. Il se base sur les sous-titres anglais des versions projetées à Hong-Kong et après il s'arrange pour faire coïncider la synchronisation labiale avec un texte en anglais. L'histoire peut même parfois aller jusqu'à changer un peu pour mieux correspondre aux occidentaux. Il y a des exceptions pour de grand films où le traducteur/adaptateur va travailler avec un quelqu'un pour faire un travail plus juste, mais pour les films d'actions, très souvent c'est la première méthode qui est utilisée.
Elle évoque la difficulté de traduire des dialogues cantonais qui sont très généreux en jeux de mots, surtout pour les comédies. Elle parle aussi du fait que quand un acteur parle anglais sur le tournage (dans ce cas
Mickael Wong), il est redoublé en cantonais pour le film, ça devient compliqué de le redoubler en anglais pour la synchronisation labiale, car ils n'ont pas la trace de ce qu'il disaient exactement et doivent passer du temps à parfois ré-écrire encore pour éviter que ça ne soit choquant à l'écran.
(aucun rapport avec le doublage mais ce reportage évoque rapidement le fait que le montage puisse être différent, encore une fois pour le rendre plus international)
Enfin on comprend pourquoi nos doublages français ont parfois des surprises car ils sont basés sur ces versions.
Un reportage télé sur le doublage des années 80 en France (
Les sorciers de l'écran, 9 mars 1982, FR3)
https://www.youtube.com/watch?v=-MiL8Jcj_Dw
Là je ne vais pas faire de résumé car c'est en français

On voit comment travaillaient à l'époque
Jacqueline Porel,
Anne et
Georges Duther. Les impératifs de synchronisations labiales, l'adaptation, etc... C'est passionnant. Et puis si vous aimez
Francis Lax et
Jacques Balutin qui doublaient une certaine série dans les années 80

Vous les verrez à l'oeuvre...
Enfin finalement VO et VF, ne boudons pas nos bonnes VF tout en sachant apprécier autant que possible les VO...