
Last Night in Soho est une réussite indéniable sur le plan formel. La réalisation est à la hauteur des ambitions de Wright et assure l'immersion du spectateur dans une ambiance londonienne réussie, tant dans le présent que dans les 60's, avec pour ce voyage temporel un effort payant de reconstitution historique. Les costumes et les décors collent parfaitement, tandis que la photographie s'emploie à des jeux de lumière plaisants. Les personnages fonctionnent, bien servis par leurs acteurs, et de nombreuses séquences sont vraiment virevoltantes (la danse au Café de Paris), ce qui rend l'expérience cinématographique appréciable. Rien que ceci justifie de voir le film en salle.
La thématique de l'oppression est plutôt bien amenée, avec une attention familiale envers la jeune héroïne bienveillante mais assez angoissante. Le danger guette dès l'arrive à la capitale, la menace de l'exclusion sociale s'incarne dans les pestes de coloc et la vie fantasmée de réussite professionnelle qu'est Sandy se heurte très rapidement à la domination masculine (la scène de cabaret avec tous les mecs en costards agglutinés autour de la scène est en ce sens très réussie). Wright joue la carte un peu classique de l'éventuelle confusion entre réalité des faits et manifestations d'un trouble psychique ; le film choisit clairement son camp fantastique mais il n'est pas interdit d'envisager le vécu de Eloïse comme des reviviscences traumatiques voire une émergence psychotique habillant un passé douloureux (mère suicidée, tout ça), même si celle-ci s'en défend. Je recommande tout de même de consulter quand on en vient à agresser des gens au ciseau sous l'effet de ses visions. Cet aspect m'ouvre aussi à des interrogations sur l'attitude de l'entourage d'une personne vivant un événement psychique extraordinaire, à savoir jusqu'où peut-on par amour l'accompagner dans ses croyances étranges avant d’en revenir à une hypothèse médicale souvent rejetée par l'intéressé(e) (une réflexion que l'on retrouve aussi dans la série Undone où le conjoint de l'héroïne consent pendant un temps à enquêter avec elle sur ses flashs surnaturels).
[Spoiler]
Petite critique sur l'utilisation des spectres qui est parfois redondante ou trop insistante, même si cela donne lieu à de belles scènes (les mains surgissant du lit et maintenant Eloïse ; un petit air de Ghostbusters d'ailleurs, souvenir de Weaver retenue ainsi dans son fauteuil). Et j'avoue ne pas trop savoir comment interpréter au vu de la thématique pré-citée la révélation finale, faut-il y voir une remise à plat de la menace qui n'est plus liée à une domination de genre simpliste ? Est-ce un commentaire sur les condamnation d'uxoricides par les femmes battues ? Ou est-ce juste le ressort efficace d'un triller qui ne se veut pas être une thèse sociologique ? Le vent seul le sait.