A la fin du générique, je me suis dit "ça y est, j'ai enfin vu un vrai bon film cette fin d'année". Car c'en est un.
Une approche quelque peu traditionnelle, à savoir théâtrale : un groupe d'hommes. (et de femmes) enfermés dans un lieu avec une intrigue qui se révèle plus un thriller qu'autre chose. On ne verra jamais l'extérieur, même sur des éléments extérieurs qui semblent montrer que le monde s'écroule.
Berger s'appuie sur son don de directeur d'acteurs hors pair. Ils sont tous, et je dis TOUS, extraordinaires. Fiennes en premier, qui navigue entre la face publique posée, énigmatique, qui comprend sa vraie nature et l'homme en privé qui dévisse. Jamais l'auteur ne se moque des croyances ou sentiments (ça n'est pas le sujet). Fiennes passe d'un visage à l'autre avec une facilité déconcertante. Un travail d'acteur immense.
Le scénario lui aussi s'avère remarquablement construit, ménageant habilement les seconds rôles et leur donnant suffisamment de chair pour exister là aussi grandement. Stanley Tucci en cardinal plutôt libéral, John Lithgow en homme de l'ombre, Sergio Castellito en Cardinal jovial, coléreux et foncièrement conservateur et rétrograde... surtout, Isabella Rossellini en soeur effacée qui joue tout dans les regards et les non-dits. Là aussi, une actrice incarnée, fébrile, crédible.
Une succession de plans magnifiques, étudiés au cordeau. on sent que les décors, les angles de prise de vues ont été millimétrés. Idem pour le choix de palette de couleurs, les couleurs même (la scène où le cardinal Adeyemi - Lucien Msamati - se retrouve seul au milieu de la gigantesque salle du conclave- est sidérante de beauté). Le tout qui fait pencher pour une retournement de situation final que personne ne verra venir.
La partition du film m'a énormément fait penser à cette de Dario Marianelli pour Atoneùent, j'ai cru que c'était lui... pas du tout. Peu importe, ca colle parfaitement aux dialogues coupants, aux rupture de ton, et à l'ambiance percinisieuse générale, au doute qui s'installe.
Mais au final, je me disais que le film a autant rapport à la théologie que Friedkin à celle de la notion d'auteur. Il y est surtout question de politique de pouvoir, ici au sein d'institution séculaire.
On fonction du point de vue de chacun.e, ça va différer. Si vous êtes catholiques pratiquant, ce suspense sera vu comme une question e vie ou de mort. Si vous êtes athée ou agnostique, c'est un thriller sur fond d'hommes habillés avec des robes qui gesticulent et qui sont , d'abord, des hommes.
Avec des rebondissements qui font parfois roman de gare, dont un ou deux assez artificiels -gratuits?- sur la mécanique même de narration. mais qui, habillés par la caméra du réalisateur, donnent des moments spectaculaires
Spoiler : :
Pas un chef d'oeuvre pour autant, mais tellement au dessus du lot de ce que j'ai pu voir cette année. Et en cette époque d'élections controversées et montée du neofascisme partout dans le monde, il y a de quoi s'en mettre sous la dent.