Une excellente surprise que ce Bebel de cap et d'épée, qui au début semble exploiter joyeusement le filon du film de sabre façon Fanfan la Tulipe, un bon mot, une galipette et on en parle plus. Mais comme Fanfan la Tulipe peut difficilement se concevoir sans les dialogues de Jeanson, et que Cartouche n'en a pas bénéficié, on est bien content de constater que la ressemblance avec le petit numéro de Gérard Phillipe s'estompe assez rapidement. Bien que l'on y retrouve la moustache de Noel Roquevert dans le même second rôle de sergent abruti et vantard, l'antimilitarisme acide et les personnages marrants car caricaturaux -comme ce maréchal de France gâteux plus prompt à jouer à colin-maillard qu'à dégaîner son sabre- on s'éloigne de tout ça rapidement une fois que Cartouche se soit fait la malle en emportant la solde de son régiment...
Alors, s'il est aussi divertissement que le film dont il s'inspire, avec notament d'aussi bons numéros d'acteur (Jean Rochefort, Jess Han, tout deux excellents !), on s'aperçoit rapidement que ce qui fait la singularité de ce film est la bonne reconstitution de l'air d'une époque, la fin de l'Ancien Régime donc, et d'un personnage moins basique qu'il n'en a l'air, incarné par Belmondo. Charismatique comme d'hab', cette fois-ci il est entré dans la peau d'un aventurier mi-flamboyant, mi-égocentrique, qui plusieurs fois manquera de mener ses compagnons à leurs pertes à la recherche de son idéal, avant de prendre pour eux une terrible décision finale, en quelques mots mémorables. Le film bénéficie d'un bon scénario, et surtout d'une sacrée fin à cent lieues de la bonne humeur qu'on n'aurait pu en attendre. L'intêret est de ne pas s'être cantonné qu'aux duels propres aux genre (dont d'ailleurs on se fout pas mal ici, une paire de baffes et on n'en parle plus), et d'avoir plus pris soin de l'évolution du personnage que de la manière dont il se bat à l'épée... Une fois que Dominique aura pris la place de son ancien patron, la question se posera plusieurs fois : son attitude à l'égard de ses anciens camarades est-elle toujours juste ? Ou bien en remplaçant un exploiteur n'en est-il pas lui-même devenu un ?...
Des questions qui ne sont que frôlées, on n'est pas non plus là pour philosopher. N'empêche que cette aspect du film est bien sympathique, et le met bien à part du reste du genre, pour ce que j'en ai vu.
Cartouche, un homme à la poursuite l'amour d'une aristocrate, alors qu'il n'est qu'un brigand promis à l'échaffaud dès les premières minutes du film, ses seconds rôles picaresques sortis tout droit d'un Dumas de la bonne année... Résumé : c'est un putain de bon film, aussi divertissant et intelligent qu'il est bien foutu, avec le savoir-faire d'un bon faiseur qui ne jette pas l'esthétique aux orties. Belle photographie, caméra fluide... De Broca m'a nettement rappellé le père Sollima avec ses westerns si bien fimés, et pas cons du tout. Une réussite dans son genre, à découvrir.
Le DVD édité par Studio Canal est impec au niveau technique. Pas grand chose niveau bonus par contre, quoi que quand même un commentaire audio du chef cascadeur sur certaines scènes, ce qui est déjà pas mal.
Apprement, il s'agit d'un remake d'un film de 1948 de Guillaume Radot... Quelqu'un l'a vu ?
