Désolé de te "décevoir", Superfly, mais il y aura au moins une réponse à ton post

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Soit dit en passant, ce film a déjà été mentionné très brièvement dans un autre topic (
viewtopic.php?t=3611), puisqu’il a été projeté le 10 septembre dernier à la Cinémathèque Française. J’ai failli aller le voir, mais le résumé posté sur leur site m’en a dissuadé. Je n’ai pas réussi à retrouver ce qu’en disait la Cinémathèque, mais le synopsis ressemblait à peu près à ceci, récupéré sur horscircuits.com :
"Dans une station balnéaire désertée, un garçon de dix-huit ans devient l’amant d’une femme perverse. Ils entraînent dans leurs jeux érotiques une jeune fille victime de son père et de son oncle incestueux. Inédit en France."
Or, comme je le disais dans l’autre topic, ce film est tiré du roman éponyme de Georges Bataille, "Histoire de l’œil" -- "Simona" étant le titre sous lequel il a été exploité dans les pays non francophones, ce qui est déjà nettement moins imagé, puisque cette chère Simone avait pour habitude d’enfourner divers objets plus ou moins sphériques (des œufs, des couilles de taureau… et plus tard un œil humain !) dans ses orifices naturels. Malheureusement, il semblerait que les aspects les plus subversifs du roman aient été gommés lors de son passage à l’écran.
Pour commencer, dans le bouquin de Bataille, les personnages principaux sont tous mineurs. Simone a 16 ans, tout comme le narrateur (qui n’est jamais nommé, si mes souvenirs sont exacts) et Marcelle, la jeune fille qu’ils entraînent dans leurs jeux érotiques et qu’ils pousseront au suicide, en a 17. Ensuite, ils passent leur temps à se "branler" (c’est le terme qu’utilise -- très fréquemment -- Bataille) ensemble et à se pisser dessus. Ils se livreront aussi à d’autres activités sexuelles plus conventionnelles, mais on voit bien que ce n’est pas leur trip (Simone sera déflorée assez tardivement, par exemple). Ce qui intéresse Bataille (et donc ses "héros"), ce sont les aspects les plus sales de la sexualité, le rapprochant de Sade, à ceci près que ce dernier est beaucoup plus imaginatif. "Histoire de l’œil" ne fait qu’une petite centaine de pages (dans mon édition Gallimard) et ses descriptions sont assez répétitives.
En fait, il faut attendre la fin du roman pour voir arriver deux adultes, redonnant ainsi du tonus au récit. Sir Edmond, un aristocrate anglais, fait alors son apparition. Il n’aura aucun rapport sexuel direct avec les deux jeunes fugueurs qu’il a pris sous son aile, mais il n’en assistera pas moins à leurs jeux. Enfin, vers la page 80, le trio pénètre dans une église à Séville et l’antichristianisme de Bataille l’amène à mêler un prêtre à leurs ébats. Simone séduit l’ecclésiastique, le force à commettre des actes sacrilèges, puis l’étrangle pendant qu’elle copule avec lui. Tous trois prennent alors la fuite et ne seront jamais punis.
On retrouve ici un vieux précepte de la magie sexuelle : la décharge massive "d’énergie psychique" lors de l’orgasme quand il est effectué parallèlement à une asphyxie contrôlée (dans le roman de Bataille, c’est cependant clairement un meurtre et il n’intervient pas dans un cadre rituel), même si les pratiquants "préfèrent" habituellement la pendaison. C’est du reste l’un des fondements de la doctrine de Maria de Naglowska, une prêtresse satanique (en première analyse, du moins, car ses théories fumeuses tentaient de réconcilier catholicisme et satanisme, comme le fera bien plus tard la Process Church of the Final Judgement) qui procédait à des messes noires publiques dans le Paris des années (19)30. Et Bataille fut précisément l’un des membres de "la Flèche d’Or", son cercle initiatique, tout comme Jean Paulhan, le compagnon de Pauline Réage (aka Dominique Aury, auteur du mythique "Histoire d’O" -- dont Kenneth Anger, thélèmiste convaincu, devait tourner une nouvelle adaptation qui ne verra sans doute jamais le jour).
Dans le roman de Bataille, il n’est question nulle part d’inceste. À la lecture du résumé de la cinémathèque, j’en avais donc déduit que le vieillissement des personnages principaux, désormais majeurs, avait été accompagné d’un remplacement de la figure représentant l’autorité, le prêtre étant éjecté au profit de l’oncle. Sachant que l’élément blasphémateur était la seule chose qui m’intéressait réellement dans "Histoire de l’œil", j’ai alors zappé le film. Maintenant, si quelqu’un l’a vu, à la Cinémathèque ou en DVD (Superfly ?), il pourrait être intéressant qu’il complète ce topic en nous disant ce qui reste du roman à l’écran.