Manolito a écrit :Photo naturaliste ne veut pas dire photo passable, sans imagination, et dans un film comme "Mother of Tears" c'est quand même ce qui en ressort. Franchement, la comparer avec celle de "Stendhal", c'est limite insultant pour Rotunno !
J'aime beaucoup "Le syndrome de Stendhal" (pour moi le dernier long-métrage majeur de Dario et tout simplement l'un de ses meilleurs films) mais sa photo naturaliste est très éloignée des flamboyants "Suspiria" et "Inferno" que tu cites quand même, ou même du très lumineux "Ténèbres", d"Opéra", des nuits bleutées de "Phenomena"...un chef opérateur installé peut parfois "se louper", un jeune chef op quasi débutant peut livrer un travail estimable, y a-t-il des règles immuables à ce niveau?
On peut regretter en effet les superbes images saturées d'Albani et Tovoli mais je préfère en tout cas la photo (+ le Scope qui permet un peu plus de respiration) de Fasano sur "Mother of tears" (sur les scènes nocturnes et d'intérieurs notamment, clair obscur, et les effets de lumières chaudes et froides combinées pour créer une légère irréalité par instants, comme évoqué par Villani dans son analyse du film sur le BR français) au Fasano de "Giallo" ou le Ronnie Taylor du "Sang des innocents", les deux Argento dont je trouve la photo la moins attrayante à ce jour, et à ce titre je rejoins l'avis de Julien Davenne sur ce topic
Julien Davenne a écrit :Je trouve "Non ho sonno" bien faible pour ma part, le considérant justement comme un exercice très limité à renouer vainement avec l'exercice de style giallesque, en cherchant à l'adapter à une patine plus contemporaine et naturaliste. Au contraire dans "Mother of Tears" je trouve réussi ce dialogue entre la nature sorcellerie et alchimie des deux premiers films avec un caractère plus urbain et réaliste, et s'il y parvient c'est grâce justement à cette ouverture franche dans le grotesque et la farce. J'ai hâte de découvrir les films de Mattei que je ne connais pas du tout s'ils sont de ce niveau. En l'état MOT me semble effectivement peut-être plus série B que d'autres films d'Argento, il souffre aussi d'un sous-budget, mais j'en aurai rarement vu des plus libres récemment, avec une telle joie dans le débordement créatif. On est dans un univers ciné tellement policé et plan plan aujourd'hui que de tels films sont précieux... D'ailleurs je crois que s'il y a une sorte de "message" à retenir du film comme de beaucoup d'autres œuvres du argento contemporain, c'est la mise en doute de nos normes dans une société très clean d'apparence, sujette à un profond refoulé.
Juste un mot sur la photo de Fasano... je ne comprends vraiment pas l'acharnement dessus. Ses tons chauds plongent Rome dans une ambiance entre réalisme et peinture justement, un ton légèrement surréel et sa gestion très subtile des couleurs plus vives renvoie habilement au passé des deux précédents opus. Autant je suis très critique sur la photo de "Non ho sonno" ou du "Fantôme de l'opéra" autant celle-ci et celle de Debie dans "Card Player" me semblent vraiment abouties.
Manolito a écrit :Quelle vulgarité, quelle tristesse, quand on repense au mystère et à la classe de Pieroni dans "Inferno".
Tiens d'ailleurs, pratiquement toutes les actrices du film se retrouvent à poil à un moment ou à un autre dans "Mother of Tears", dans des nudités pas très gracieuses ; ce qu'évitait quand même Argento même dans les folles années 70-80.
Tout à fait, c'est le Argento vieux lubrique comme tu le soulignes et peut-être "au delà de la misogynie" comme évoqué par Boukhrief dans sa carte blanche à "Mother of tears"...le tournant comme Argento l'a dit lui-même c'est son expérience des "Masters of Horror" qui l'a désinhibé, il ne ne voulait plus se censurer dans cette dernière partie , en ce sens on est proche de "Jenifer" et "Pelts", l'érotisme déjanté et un brin vulgaire, le gore craspec, la sauvagerie, une vision du monde misanthrope et quasi "fulcienne"...Argento avait déclaré précisément qu'il ne voulait pas reproduire l'univers des contes de fées de "Suspiria" et "Inferno" mais faire un film sur le monde réel, chaotique, décadent, celui où on se poignarde dans la rue, on viole, on abat des flics, des prêtres, des gosses, où on se balade nonchalamment dans la rue avec un flingue dans la main..."Ce n'est pas ton esprit qui va mal Sarah, c'est le monde"
La grâce, le rêve et l'abstraction des palaces de Mater Suspiriorum et Mater Tenebrarum envolés, place à la laideur de l'époque actuelle aux murs couverts de graffitis...
Manolito a écrit :Argento a proposé le rôle à Ana Pieroni, mais elle a refusé... (cf le wikipedia italien)...
Bien trop âgée selon Argento pour le rôle, je crois qu'il en parle dans son autobiographie parue récemment.
Manolito a écrit :Quant à la comparaison avec les sorcières des deux précédents métrages, je n'ai rien à reprocher à celle de "Suspiria", géniale par sa présence vocale, ou à Elvira Cortese parfaite aussi. Et si l'exécution de la confrontation d'"Inferno" n'est pas parfaite
Pour une trilogie sur la sorcellerie on se rend compte que les sorcières en elles-mêmes sont finalement bien secondaires...je trouve Mater Suspiriorum plus inquiétante quand elle n'est que silhouette derrière les draps du dortoir improvisé, que quand elle est se révèle une vieillarde, vaincue d'ailleurs assez aisément par Suzy.
Sur "Inferno" j'aime bien la scène/dialogue avec Veronica Lazar mais ensuite on ne peut pas dire qu'il y ait confrontation, Mark ne cherche même pas à la tuer, il fuit simplement...dans "Mother of tears" je trouve les premières apparitions de Mater L assez réussies (dans le musée, le montage de la première "chute de Rome", lors du carnage chez la médium son apparition en gros plan insert inattendu) mais le climax la tourne hélas quelque peu en dérision malgré une fin assez spectaculaire (en écho à l'écroulement du palais de Mater Tenebrarum)
Manolito a écrit :On pourrait dire la même chose pour "Dracula 3D" d'ailleurs : Argento tournerait-t-il au Franco lubrique avec l'âge ?
Possible, même si je ne connais de Franco que ses "Prédateurs de la nuit"...
C'est vrai que les scènes de nudité de Miriam Giovanelli et Asia dans le "Dracula" sont un peu
...heureusement il reste l'élégance de Marta Gastini dont Argento préserve judicieusement l'ingénuité.
Manolito a écrit :je m'esclaffe régulièrement
Des choses me font sourire également, que ce soit intentionnel ou pas...la pelleteuse dans le cimetière, le jeu d'Asia inégal notamment -et curieusement- dans les scènes avec sa mère, le cabotinage fugace d'Udo Kier avant ses gouttes salvatrices...mais en revoyant les deux premiers opus il y a aussi des passages, des détails qui m'ont fait sourire dans "Suspiria" (le pianiste aveugle grotesque sosie de Gilbert Montagné, la chauve-souris en plastique qui embête Suzy voire la scène des asticots, les scènes de danse au look 70's un peu ingrat) et surtout "Inferno" (pas mal de dialogues "autres", Leigh McCloskey
et la quasi totalité du casting, le morceau kitsch inattendu "Mater Tenebrarum" -sorte de Carmina Burana passé au 78 tours comme écrivait Forestier dans son anthologie des nanars
-, la virée en taxi avec les stridences de Keith Emerson ...) et plus généralement pas mal d'autres Argento ("Opera", "Le sang des innocents", "Le fantôme de l'opéra", "Giallo"...) qui ont tous leurs moments maladroits un brin embarrassants, au grotesque plus ou moins assumé par l'auteur.