Vu grâce au pack HKVideo qui contient donc 4 films de Hideo Gosha (dont les 2 Kiba) et un booklet bien foutu.
Voici donc un petit point sur les 2 films qui auraient dû marquer le début d'une longue série.
Kiba, le loup enragé (Kiba okaminosuke)
Kiba, le loup enragé, c'est un Ronin tout ce qu'il y a de tranquille dont les seuls buts sont de trouver un bol de riz quotidien et d'amasser si possible quelques ryôs. Malheureusement, la vie n'est pas faite de boulettes de riz qui tombent du ciel et le monde dans lequel évolue notre héros est à la fois impitoyable et complexe, jugez plutôt :
Dès les premières minutes, Kiba est témoin d'un triple meurtre crapuleux qu'il vengera aussi sec en tuant les coupables. Cette justice expéditive lui attirera les foudres des notables du coin dont le but est de s'emparer d'un relais postal. Ils embaucheront donc une horde de tueurs dirigée par le couillu Sanaï qui voudrait bien, tout comme une bande de loubards qui l'ont attaqués en route, s'emparer d'un butin de 30000 ryôs devant passer par le dit relais dont Kiba s'est vu confié la garde par Chise, une jeune aveugle en conflit avec les prostituées du coin dont les intérêts divergent... Vous trouvez ça bien compliqué ? Sachez pourtant qu'à cela s'ajoute l'amour, le mari disparu, la vengeance suite à un massacre, les conflits d'intérêt, les machinations et les trahisons de chacun !
Vraiment pas simple de manger à sa faim de nos jours.
Kiba, l'enfer des sabres (Kiba okaminosuke jigoku giri)
Kiba, le loup toujours enragé, poursuit sa petite vie tranquille en ce se nourrissant cette fois de kakis. Les kakis, ça a plus chance de tomber du ciel que les boulettes de riz mais ça n'en rend pas le monde meilleur.
Ainsi, alors qu'il s'interpose entre une femme et ses agresseurs, Kiba se fait un premier ennemi en la personne de leur maître. Mais avant le duel qui s'annonce saignant, notre loup galeux doit d'abord escorter 3 prisonniers (pour seulement 2 ryôs, le mec est bon marcher par rapport à Ogami Itto qui en réclamerait 500) dont l'un est le sosie de papa-loup décédé par tranchage après l'un des affrontements auxquels il avait dédié sa vie. Emu par le faciès familier de Magobei le truand, Kiba va lui venir en aide et pourquoi pas, l'épauler dans son désire de vengeance et sa volonté de s'accaparer une mine d'or. Mais Magobei serait plutôt du genre ingrat et intéressé...
Parlons-en...
Respectivement les 3eme et 4eme films de Hideo Gosha, les 2 kiba sont tournés la même année avec la même équipe. Les deux films sont très courts (moins de 1h10) mais n'aurait à mon sens pas pu en faire un seul. Pourquoi ? Parce que les histoires sont déjà beaucoup trop denses...
Les Kiba sont des films de commandes, tournés en noir et blanc (très très contrastés) par un Gosha qui veut exposer en 1h10 ce qu'il serait déjà très dur de montrer en 2h de temps.
Nous avons donc un premier volet qui pèche essentiellement par son scénario trop complexe, les interactions folles et trop nombreuses qui existent entre TOUS les protagonistes et les complots qui ne sont pas toujours simples a appréhender. A trop vouloir imbriquer les histoires secondaires dans un minimum de temps, Gosha ne fait survoler l'histoire principale, mais aussi les secondaires. Beaucoup d'idées en sommes, mais peu sont exploités...
Le second film est moins confus (beaucoup moins) mais encore une fois, Gosha oublie par moment son histoire principale pour se consacrer à des faits secondaires (intéressants toutefois), oubliant par moment complètement son héros.
Et c'est là le principal défaut des 2 films (et sans doute ce qui provoqua l'arrêt de la potentiel série) : Gosha oublie parfois son héros, s'intéresse plus aux personnages secondaires et surtout, le loup enragé n'est absolument pas charismatique. L'acteur est trop jeune (26ans), ne parvient pas à s'imposer et ce en grande partie à cause de son look insignifiant, sale et de son mental, en proie en doute, à l'immaturité, à l'incertitude... Bref, un héros qui n'a pas la carrure et le fait que Gosha s'en désintéresse n'arrange rien.
Voici donc ce qui "pèche" dans ces films et surtout, une bonne raison pour ne pas avoir donné suite à cette série...
Mais pourtant, les films sont excellents. Vraiment.
Tout d'abord, la bande originale. Très Western Spaghetti dans l'esprit, elles sont magnifiques. On y retrouve des hurlements, cris de corbeaux, bruits métalliques stridents, grincements etc... Le tout étant extrêmement maîtrisé et collant parfaitement à l'action. Très impressionnant.
Mais le côté Western, on le retrouve aussi dans l'ambiance, le concept de l'anti-héros et surtout les images. Paysages désolés, village quasi-déserts, sable, roche, soleil de plomb... Plus que jamais, le Chambarra et le Western Spaghetti se ressemblent et se complètent. Le booklet HK compare Gosha et Leone de manière un peu abusive, je me contenterai de dire qu'il y a vraiment du western Italien dans l'esprit du cinéma de Gosha. C'est très marqué.
On retrouve par ailleurs d'autres idées comme les flashback muet, la caméra qui montre l'horreur via un visage d'enfants etc...
Donc visuellement et en terme d'ambiance, c'est magnifique et ça l'est d'autant plus grâce au rendu noir et blanc extrêmement contrasté (très peu de gris) qui fait vraiment forte impression.
Ensuite, les films sont bourrés de trouvailles visuelles qui calment. C'est vrai dans le premier volet mais c'est encore plus fou dans le second et voici quelques exemples :
* A un moment, le héros est traîné par des chevaux à travers des plaines arides. Sur le bords des chemins, de petites stèles (je sais pas ce que c'est, si quelqu'un en connaît la signification...) verticales sont régulièrement plantées. Gosha filme ces stèles en premier plan avec, en fond, le héros maltraité. Puis la caméra s'incline de 30°. 4 plans similaires s'enchaînent et ô magie, en 4 plans de 5 secondes chacun, le réal a tout simplement, grâce à une stèle, symbolisé l'aiguille d'une horloge et donc le temps qui passe. Et ça marche ! En vingt secondes, on a compris que le héros en a chié toute une journée ! C'est superbe.
* Dans le premier volet, le héros est en dialogue avec Chise pendant qu'il nettoie la lame de son sabre. Gosha alterne alors des plans filmés respectivement par dessus l'épaule de chacun des protagonistes. La caméra filme systématiquement l'un des personnages sur une moitié d'écran et le reflet de l'autre personnage sur le sabre pour l'autre moitié d'écran. On voit ainsi toujours les 2 persos, sans avoir recours au concept de split-screen mais de manière étonnante et brillamment mise en scène.
* Dans le second Kiba, le thème du père reviens régulièrement avec bien sûr le héros qui croise la route d'un truand ayant le visage de père mais aussi 2 personnages secondaires qui meurent en hurlant "papa". Etrange mais à cette effet curieux vient s'ajouter la présence d'un chapeau de paille. Enfant, Kiba voit son père mourir sous ses yeux. Il se cache alors derrière son chapeau pour "se protéger" de l'horreur. Plus tard, lorsqu'il raconte son histoire, son chapeau le protège de la pluie (pluie qui symbolise magnifiquement les larmes qu'on imagine sans les voir) mais aussi du monde extérieur auquel il ne veut pas montrer son chagrin. Enfin, le chapeau est utilisé une 3eme fois pour protéger cette fois Magobei (le truand sosie du père de Kiba) qui transperce un ennemi et s'abrite d'un gésère de sang avec le chapeau. Ca y est, le chapeau, protecteur de la tristesse de Kiba est souillé, il a été utilisé à contre-emploi et dès cet instant, on comprend que Magobei n'est pas un homme dont Kiba se fera un ami mais bien une crapule dont il devrait se débarrasser...
Bon, je fais l'impasse sur d'autres images dont certaines plus "faciles" comme celle d'une meule qui oeuvre comme un piston, frappant le sol de haut en bas et qui fait péter un câble à Oteru, fille traumatisée car violée...
Quoiqu'il en soit et malgré le fait que les films soient trop courts et aient tendance à se disperser (dans le scénario et les personnages secondaires), il s'agit de 2 métrages formellement magnifiques qui montrent bien que, dès le début de sa carrière, Gosha est un réalisateur hors normes bourré de talent.
Kiba (2 films) 1966 - Hideo Gosha
Modérateurs : Karen, savoy1, DeVilDead Team