Je l'avais découvert au Gaumont Opéra Premier dans son ancienne mouture, quand ce cinéma était un superbe palace du 7ème art qui n'avait pas à rougir devant le monumental Paramount qui lui faisait face. Le hall était orné d'un superbe et énorme lustre, tandis que la grande salle s'avérait assez énorme dans mes souvenirs. Malheureusment, ce beau cinéma a été "remanié" et n'est plus qu'un sous-sol tristounet, coincé entre un crédit Lyonnais et un marchand de sandwichs... La pitié...
Cadre idéal, donc, que ce cinéma pour découvrir le "Dracula" de Coppola, qu'à sa vision en salles, j'avais apprécié. Tout en émettant des réserves quant à certaines longueurs dans la partie londonienne. Mais depuis, chaque fois je le revois, c'est la déception qui prévaut...
Après la déconfiture de "Tucker", en 1988, Coppola se rabat sur des projets plus commerciaux, plus sûrs, comme un "Parrain 3" dans un premier temps, puis ce "Dracula", conçu avec les moyens d'une production hollywoodienne.
Ce "Dracula", c'est, comme tout le monde l'a bien remarqué, avant tout une distribution... particulière. Ou pour moi le bon et le moins bon se cotoient. Gary Oldman en Dracula est un choix qui a été très discuté. Il ne fait pas aristocratique, a des traits lourds, paraît très discutable en séducteur. Certes. Mais il parvient à imprégner Dracula d'une dose d'humanité tout à fait intéressante. Keanu Reeves est translucide - mais comme l'a relevé Fatalis, ce n'est pas bien grave au vu de son rôle. Par contre, c'est bien plus facheux pour Winona Ryder que je trouve aussi fade qu'antipathique. Et mauvaise actrice de surcroit.
J'aime beaucoup Anthony Hopkins, mais je trouve qu'il est ici très mauvais. Il fait vraiment du Van Helsing à la tronçonneuse, avec des bottes de 35 tonnes aux pieds. Hopkins est un des plus grands acteurs de sa génération. Il nous a bouleversé dans "Audrey Rose", "Elephant Man" ou "Les vestiges du jour". Ici, je trouve que c'est du gâchis. Bref, voilà déjà deux personnages-clés du roman ratés, selon moi...
Coppola nous dit qu'il apporte un regard nouveau sur le mythe : la preuve, Dracula devient presque inoffensif. Un séducteur persécuté par des fanatiques, dont Mina va partager le sort volontairement, au corps défendant du comte qui refuse de la contaminer. Rien de bien nouveau, tout cela était dans le "Dracula" de Badham... Et cela tue le côté dangereux, "prédateur" de ce vampire.
Toutes les histoires autour de Lucy et de la maison de Londres m'ont paru interminables, ennuyeuses (comme dans le livre, vous me direz)... Quant à la mise en scène, là encore, le pire alterne avec le meilleur. Le meilleur, c'est sans doute ce prologue avec ses ombres chinoises, ses costumes délirants d'Eiko Ishioka, tout cela nous plongeant dans un univers gothique digne d'un Mario Bava. Mais à côté, il y a aussi de la lourdeur, telle l'idée de cette chauve-souris humaine, assez vaine et gratuite ; ou les simagrées des fiancées de Dracula ; ou des maladresses, comme les scènes où Dracula est un espèce de loup-garou cavalant dans le jardin, jardin composée de maquettes bien sensibles.
Pour moi, ce "Dracula" reste une des transpositions les plus faibles du roman de Stoker. Gonflée par ses moyens et sa mise en scène, mais au fond assez creux, peinant à rendre redoutable, séduisant ou mystérieux son personnage principal. Trois qualités sans lesquelles je ne reconnais pas Dracula...