
SPOILERS
La mise en chantier de Rambo III se différencie de celle de Rambo II par la côte de popularité de sa vedette, Stallone, alors sur la pente descendante depuis l'arrivée d'un petit nouveau sur le marché des action heroes. En 1988, pour Sly, ça va de moins en moins fort, même si l'acteur se trouve encore en haut de la looooongue pente descendante sur laquelle se trouvent les futurs Tango & Cash, Rocky V, Oscar, etc. pour lui, Rambo III fait donc figure de dernière chance. Pour Schwarzenegger, par contre, ça va très bien merci pour lui, jugez plutôt : Terminator (1984), Commando (1985), Predator (1987), Running Man (1987), Double Détente (1988)... Et il est encore loin d'avoir dit son dernier mot ! Pour résumer : l'un commence à décliner quand l'autre s'envole vers la gloire. Le moment est donc venu de jouer le tout pour le tout.
Rambo III débute selon un procédé éprouvé par le précèdent épisode : on va chercher l'expert retraité pour l'envoyer dans une dernière mission derrière les lignes ennemies. A cette occasion, une jolie introduction basée sur un montage parallèle nous montre Trautman et l'ambassadeur américain à la recherche de Rambo en Thaïlande (où se trouvait la base de la CIA dans le second film), pendant que celui-ci combat un autochtone à coups de bâtons dans un bar. Sly est plus musclé que jamais, la musique de Jerry Goldsmith est toujours aussi efficace, les cadrages sont carrés, l'ambiance exotique : ça commence plutôt pas mal. Vient ensuite la surprise : Rambo est bel et bien retraité, écoeuré par la civilisation (concept repris dans le quatrième épisode, où il vit toujours en Thaïlande). Il est hébergé par des moines bouddhistes, des pacifistes, donc, qu'il aide à l'occasion. Et là, on se dit "Et merde, une place de ciné claquée pour rien". Mais tout n'est pas perdu, Rambo a simplement besoin d'être remotivé.
Trautman trouve enfin le monastère où se terre Rambo. Ce dernier a l'air plutôt content de le voir, ce qui est assez surprenant de sa part, Trautman apportant rarement de bonnes nouvelles. Puis Trautman lui propose une mission, de la même manière que dans le second film, sauf que Rambo refuse. Il ne reste donc plus qu'à stopper la projection, mais heureusement Trautman va se lancer stupidement dans une opération merdique (une livraison de missiles Stinger aux moudjahidins) au cours de laquelle il va se faire capturer par les Russes. Pour l'homme qui a formé Rambo, c'est assez minable (une scène coupée fait peser la responsabilité de l'échec sur les Afghans qui l'accompagnent, peu sérieux pendant l'opération). Une fois de plus dans Rambo, les autorités américaines abandonnent leur soldat : le prétexte est tout trouvé pour relancer la machine de guerre. L'ambassadeur prévient Rambo, qui réfléchit une seconde, le regarde, et lui assène : "Et pour moi, qu'est-ce qu'on fait ?" Et c'est parti ! Dès lors, Rambo va se retrouver impliqué dans sa mission comme il ne l'a jamais été avant en choisissant de sauver son père spirituel au péril de sa vie.
Le conflit : la guerre menée par les cocos en Afghanistan pour de sombres histoires de ressources naturelles. Dans la réalité comme dans le film, les USA prennent parti pour les moudjahidins afghans. Fidèle à la configuration de tout Rambo, le film nous décrit la préparation de la mission. Le guerrier se procure son matos, avec quelques petites nouveautés (la lumière bleue qui fait du... bleu). C'est l'occasion de découvrir un peuple afghan de carte postale, d'accomplir une petite visite touristique, de voir du paysage, de prendre un cours d'Histoire façon Oncle Sam.... Et là, on commence un peu à s'impatienter : on se bat quand ? Par chance, le montage alterne avec la torture (soft, tout de même) de Trautman, qui n'a de cesse de renvoyer chier le colonel russe qui l'interroge (un acteur français vu dans Mon Curé chez les Nudistes, et je suis sérieux).
Que fait Rambo ? Et bien lui aussi s'impatiente. Installé dans un camp afghan, il attend, joue un peu... Notons qu'après avoir rencontré le père (Trautman) et la femme (le contact du deuxième film), Rambo fait la connaissance d'un gamin qui lui rappelle celui qu'il n'a jamais eu... Ce petit interlude paisible avant la tempête est l'occasion de répliques mémorables : Rambo demande des hommes aux moudjahidins pour l'aider à entrer dans le camp russe où se trouve Trautman. Ces derniers, qui ont perdu beaucoup d'hommes et qui s'en tapent un peu, du colonel américain, refusent.
- Rambo : Alors j'irai seul.
- Les moudjahidins : Et tu mourras.
- Rambo, haussant les épaules : Et je mourrai.
Et là, on sent que c'est (enfin) parti. Peu de temps après, un raid mené par les Russes rase le camp. Rambo nous démontre alors qu'il n'a rien perdu : il se fait tranquillement un hélico à lui seul, bousille quelques cocos, et la baston commence... Ensuite, face au carnage, il comprend qu'il se trouve en plein milieu d'une guerre terrible, pieds et poing liés. Tout le monde est mort, hommes femmes et enfants, il n'y a plus personne pour l'aider, mais Rambo n'est pas le genre à laisser tomber aussi facilement : il ira dans le camp, quoi qu'il arrive.
Jusqu'ici, le film ne déçoit pas vraiment. C'est du Rambo dans la même veine que le 2, avec le désert en guise de jungle. Le personnage a un peu évolué (marre de la guerre), on sent le désir de paternité, alors même qu'il est à la recherche de son père spirituel (Trautman). Il y a du gros matos du côté des cocos, on a vu les flèches explosives, bref : ça va barder. Et en effet, la scène suivante est sans doute la meilleure du film. Trautman, toujours interrogé par le chef des cocos, lui annonce à demi-mot que ça va faire mal. Le Russe lui demande qui serait assez cinglé pour pénétrer dans un camp entouré de mines, de barbelés, et bourré de commandos spetsnaz ; et là, plan suivant, Rambo est en train de ramper dans un champ de mines, le couteau enfoncé dans la terre pour les repérer ! L'ambiance est au top : on cadre large pour montrer le camp, des projecteurs balayent le sable... Bref : la géographie est gérée de manière à nous montrer la progression des événements. On est avec Sly, l'identification est totale.
Rambo, après être passé sous un fil de fer relié à une grenade (à noter : il fait largement bouger le fil, mais la grenade ne saute pas), sauve la peau du guide afghan qui est seul à l'accompagner en retenant la goupille de la grenade actionnée par le fil qu'il a beaucoup, mais alors beaucoup fait bouger. Puis apparaît le gamin afghan qui l'a suivi en cachette, on ne sait pas trop comment d'ailleurs, en plein désert... A ce moment, la mission d'infiltration part mal. Mais ce qui suit est purement et simplement l'une des meilleures scènes d'infiltration vue sur grand écran : Rambo rampe, créé des diversions, s'accroche sous un tank, et les spetsnaz n'y voient que du feu (et pourtant, le camp est gardé, mais alors bien). Il entre discrètement dans la base, à mille lieues de sa réputation bourrine (une variante de l'infiltration du camp vietnamien de Rambo II), et trouve Trautman assez facilement. Le film est donc censé être fini, mais il reste encore pas mal de temps, alors il va falloir combler... L'alerte est donnée, Rambo s'évade sans Trautman, pas le temps, le gamin est blessé, et là disons-le : l'évasion en catastrophe est du niveau de l'infiltration. Ça pète de partout, Rambo improvise, balance des trucs dans tous les coins en portant le gosse, c'est le bordel, on s'éclate, on a chaud aux fesses. Ensuite, comme prévu, on se tire par les égouts, on quitte la place, le gamin est sauvé, mais toujours pas de Trautman. On a ensuite droit à l'avant-dernière bonne scène du film : l'auto-réparation de Rambo à l'aide de son couteau, référence directe à la scène du premier film où il se recoud le bras. Ça fait mal, c'est impressionnant, c'est du Rambo, j'aime. C'est à partir de là que le film part en sucette.
Initialement réalisé par Russel Mulcahy, le film a connu un changement de réal' en plein tournage, et ça n'est jamais bon. Et on se demande si toute cette seconde partie n'a pas été tournée en totale improvisation après son départ... Car après s'être autant donné de mal à rentrer et sortir du camp, RAMBO ESCALADE UNE FALAISE, ALORS QU'IL EST FATIGUE ET BLESSE, REVIENT TOUT SEUL AU CAMP, ET LIBERE TRAUTMAN TRANQUILLEMENT AVANT DE S'EVADER EN HELICO ! Après ça, nous avons droit à un insupportable buddy movie où les deux compères s'entraident, se lancent des vannes, plaisantent en plein carnage... Ou comment tuer un mythe en une demi-heure. En fait, il faudra attendre la fin pour avoir droit à une ultime bonne scène : un duel kamikaze entre Rambo à bord d'un tank et le chef des cocos à bord d'un hélico russe. Et puis la fin... Là où dans le premier film, Rambo s'en allait encerclé par des flics, menottes au poings, le regard vide, là où dans le 2 il s'en allait vers l'horizon, on a ici droit à une punch-line stupide ("Tu trouves pas qu'on s'est rouillés ? Un peu, un peu").
Cependant, Rambo III ne mérite certainement pas sa réputation de nanar. Partie intégrante du mythe, le film aurait certes pu être meilleur, mais il réserve d'excellents passages susmentionnés qui méritent le détour.