
Décidément, tout le cinéma tchèque reste à découvrir. Il recelle de nombreuses perles qui ne sont pas encore parvenues jusqu'à nous.
"The Witches Hammer" est un remarquable film historique ayant pour thème les procès en sorcellerie en tchéquoslovaquie dans les années 1670 (le film est basé sur des textes d'époque) ou comment l'arrivée d'un inquisiteur conduit à l'extermination d'innocentes, qui sous la torture avouent tout et n'importe quoi, se dénoncent les unes les autres sous le poids de la douleur, permettant ainsi aux buchers de se multiplier. On assiste à un engrenage absurde, d'une injustice révoltante et le sentiment d'impuissance, de révolte et d'étau qui se referme, s'accroît jusqu'au paroxysme ... Le film n'appartient pas proprment dit au cinéma de genre mais les séquences de torture, même suggérées n'en demeurent pas moins pénibles. La référence immédiate semble être le cinéma de Dreyer tant on pense régulièrement à "Dies Irae" et "La passion de Jeanne D'arc'.
L'obsession de la beauté féminine se mue en obsession de détruire ce qu'on ne peut posséder : la splendide scène d'ouverture départ est en cela d'une grande force symbolique ; des femmes exposent naturellement leur nudité en prenant leur bain tandis l'on ressent de manière sous-jacente l'omniprésence d'un regard masculin envieux et tout puissant .... On pressent dès lors que l'homme paliera sa frustration dans la mise à mort.
Ce qui frappe d'emblée c'est évidemment les similitudes avec "Les Diables" de Ken Russel (1971) : piège se refermant autour d'un homme d'église, délire des accusations qui confine à l'absurdité mais conduit à l'inéluctable : la torture et le feu.
Le traitement de Vàvra est sensiblement différent, plus historique et moins iconoclaste. Si le piège se referme sur le héros, ce dernier n'a pas l'aura séductrice d'Urbain Grandier dans le film de Ken Russel et l'approche est plus épurée, moins provocatrice, moins délirante, moins anachronique et peut-être plus politique puisqu'on perçoit en filigrane l'allégorie du pouvoir tchèque avec l'engrenage des dénonciations. Moins baroque que "Les Diables", il n'en demeure pas moins d'une très grande beauté, toute en clair obscur et semblant progressiment plonger le monde dans les ténèbres. Dans un magnifique noir et blanc (la photo me fait parfois penser à celle du "Manuscrit trouvé à Saragosse" de Haas), Otakar Vàvra conçoit son film comme un piège qui se referme lentement.
Vu sur le DVD facet. Image correcte, apparemment sensiblement recadrée.