
"Docteur Petiot" est un film difficile à classer. A l'instar du "Juge et l'assassin" et des "Blessures assassines", il s'agit de la retranscription d'un fait divers français authentique, atroce, mettant en scène un criminel nettement psychopathe. Mais, comme les deux films suscités, le côté horrifique, sanglant, des crimes est peu mis en avant.
Par contre, Christian de Chalonge joue à fond les correspondances avec le cinéma fantastique. Il élabore délibérément des rapprochements avec le cinéma expressionniste allemand ainsi qu'avec la mythologie des vampires. Petiot et les autres profiteurs qui s'enrichissent par le biais de l'extermination et la spoliation des Juifs français, sont présentés comme des vampires. Agissant la nuit, qu'il dit adorer, grimé comme un Mabuse ou un Caligari, Petiot arpente un Paris où le fantastique affleure : les squares nocturnes évoquent Magritte, les arrêts de métro sont de style Art Nouveau, un hôtel particulier est étrangement vide, les décors baroques d'un vieux cinéma (le Ranelagh, je crois ?)...
Petiot est aussi décrit comme une génie du mal à la Fantomas, à la Mabuse : chambres secrètes, pièges, déguisements, machinations diaboliques en tous genres sont son quotidien. Evidemment, le film avait frappé grâce à l'interprétation de Michel Serrault - qui est aussi producteur du film. Il ne cherche pas ici à faire rire, mais à inquiéter, à faire peur.
Le film "Docteur Petiot" n'est pas parfait. Son petit prologue (clairement fantastique) ne fonctionne pas bien et gène le début du métrage. Serrault en fait parfois un peu trop. Mais sur la longueur, le film s'avère complexe et intelligent. L'ambiance s'installe petit à petit au gré de scènes étranges (les parisiens affamés chassant des pigeons avec des filets a écrevisses dans le bois de Boulogne), et le métrage trace le portrait d'une France plongée dans la nuit et la peur, où prospère le mal sous toutes ses formes. Petiot affirme lucidement et avec cynisme : "C'est le temps des salauds..."

Petiot, personnage protéiforme, opportuniste, philanthrope et manipulateur, est reflèté dans toute sa complexité. Il paraît comme un artisan isolé dans l'extermination, à côté de la grosse machine nazie. Et pourtant, De Chalonge a adouci un détail qui affirmait encore ce parallèle : dans le film, Petiot tue ses "patients" par injection ; dans la réalité, il utilisait une chambre à gaz de sa confection !
Un film parfois imparfait, parfois un peu fauché aux entournures, mais comme les autres films de De Chalonge, un film courageux et intelligent, à contre-courant des modes et des facilités du cinéma français...
Je ne crois pas que le film avait très bien marché, mais il avait quand même fait parler de lui et est resté très populaire. Comme "Malevil", il s'agit d'un film de Christian de Chalonge restant inexplicablement inédit en DVD alors qu'il a clairement du potentiel - ses VHS sont vendus assez chers sur Priceminister. Il passe en ce moment sur TPS Cinéculte (1.85, mono d'origine), très bonne copie...