Pas spécialement attiré par la thématique et l'esthétique du film, je l'ai visionné un peu par hasard (j'ai acheté 2 DVD Warner pour bénéficier d'une réduc, et mon second choix est tombé sur GANGS OF NY, que je n'avais jamais vu). Et donc, excellente surprise dès les premières minutes du film avec ce faux plan-séquence nous entraînant avec les Dead Rabbits en marche vers le champ de bataille dans une maestria incroyable, pour finalement nous planter dans un décor enneigé et silencieux digne du calme précédant l'assaut des meilleurs films de siège.
Scorcese, grand narrateur de la pègre américaine, que ce soit à New York (MEAN STREETS, LES AFFRANCHIS) à Las Vegas (CASINO), et compte tenu de sa relation entretenue avec le christianisme à travers ses films, semble parfaitement à son aise en revenant à la source de ce qui compose l'essentiel de sa filmographie, à savoir l'apparition des gangsters aux USA. Quoi de plus logique pour lui, en effet, et qui d'autre aurait mieux pu mettre en image cette histoire des premiers gangs, bien avant la Mafia sicilienne, bien avant les gangstas ?
A travers ces gangs, Scorcese compose avec brio un tableau illustrant l'émergence de l'ordre dans le chaos et la brutalité, et nous livre un parallèle frappant avec l'apparition des démocraties modernes : des tribus se reconstitutent autour de ce qui réunit les communautés (traditions, religion), puis elles s'affrontent dans le sang et la sueur, des leaders émergent, manipulés par les politiciens, des hommes vivent, aiment, meurent, et in fine un pays se construit sur leurs cadavres.
A plusieurs reprises, Scorcese semble également "s'amuser" à nous montrer la brutalité de ces gangs originels, comme pour nous dire "vous pensez vivre une époque violente ? vous avez peur des gangstas et des latinos ? regardez ces types qui s'arrachaient les yeux et tuaient par dizaines au siècle dernier !". On peut ainsi être surpris de retrouver les mêmes caractéristiques des gangs, dans une reconstitution hallucinante, à travers la couleur arborée ou leur langage incompréhensible par la bourgeoisie.
Bref, Scorcese brasse quantité de thèmes sans jamais oublier ses personnages, un brin archétypaux pour Di Caprio et Diaz, mais diablement fouillé pour LE grand méchant qui se révèle être un homme d'honneur, malgré sa cruauté, un homme rêvant d'une grande nation, acteur à part entière de la création de New York. Voilà.
