Cria Cuervos, Carlos Saura, 1976

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mercredi
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Cria Cuervos, Carlos Saura, 1976

Message par mercredi »

Un petit poste pour prévenir les parisiens que le très beau film de Carlos Saura ressort cette semaine en COPIE NEUVE, au Latina. Les amateurs du Quartier latin préféreront le Champo tandis que ceux possédant les cartes UGC ou Pass :) se dirigeront vers le Lincoln.
Jeremie
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Message par Jeremie »

Ah ben merde j'avais pensé à en faire un topic :lol:

Très beau film sur l'enfance...nettement trop long et relativement ennuyeux pour ma part :(
La petite Ana Torrent crève l'écran, et quelle inoubliable petite bouille boudeuse ! :) J'aime beaucoup aussi Geraldine Chaplin, fragile et crédible de bout en bout.

Rien à redire sur la chanson de Jeanette, traversant le film tout comme Sara perchè ti amo revenait constamment dans L'effrontée.

L'une ("la" même...) des meilleures scènes du film : http://www.youtube.com/watch?v=25ckdkg1xCw

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mercredi
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Message par mercredi »

Jeremie a écrit :Ah ben merde j'avais pensé à en faire un topic :lol:

Très beau film sur l'enfance...nettement trop long et relativement ennuyeux pour ma part :(
]
Là il y a quelque chose que je ne comprends pas? Comment le "Très Beau" peut-il être ennuyeux?
John-Trent
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Message par John-Trent »

Bonheur! je sais ce que je vais faire ce week eend :)
Jeremie
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Message par Jeremie »

mercredi a écrit :
Jeremie a écrit :Ah ben merde j'avais pensé à en faire un topic :lol:

Très beau film sur l'enfance...nettement trop long et relativement ennuyeux pour ma part :(
]
Là il y a quelque chose que je ne comprends pas? Comment le "Très Beau" peut-il être ennuyeux?

Je reconnais largement les qualités du film, le duo vedette est aussi parfait que touchant, et ça reste d'une grande finesse...mais le rythme est particulièrement lent, je m'y accroche très difficilement.
Un film peut être beau et chiant, non ? :)
riton
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Message par riton »

Jeremie a écrit :Un film peut être beau et chiant, non ? :)
Waouh, des pages de notions d'esthétique à travers les ages en perspective. :D
Bon, disons que la contemplation de la beauté et l'ennui sont à priori deux attitudes difficlement compatibles.
En revanche, tu peux percevoir des éléments dont tu supposes que d'autres que toi les porteront à un pinacle esthétique, mais qui ne te touchent pas personellement. Mais alors, ce n'est pas vraiment beau à tes yeux.
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Jeremie
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Message par Jeremie »

Oui enfin quand je dis "beau", ce n'est pas vraiment ici au niveau esthétique : je fais plutôt référence à cette relation mère/fille et de la justesse dont le film de Saura fait preuve. :wink:
mercredi
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Message par mercredi »

Jeremie a écrit :Oui enfin quand je dis "beau", ce n'est pas vraiment ici au niveau esthétique : je fais plutôt référence à cette relation mère/fille et de la justesse dont le film de Saura fait preuve. :wink:
Le terme "beau" peut parfaitement s'appliquer à un sentiment et la chose n'invalide pas la remarque de riton, bien au contraire :)
Sans entrer dans un débat, qui comme l'affirme à juste titre riton, ne connaîtrait pas d'issue (et pour cause, mais j'avoue, j'adore cela :) ) il est possible de différencier deux conceptions globales du "Beau". D'une part, celle prédéfinie par un certain nombre de règles, d'usages... D'autre part, celle empirique, fondée sur une appréciation essentiellement subjective (Kant vulgarisé). (à cela s'ajoute une troisième option, celle qui mesure la qualité d'une oeuvre via son degré de proximité avec le Vrai - Hegel vraiment vulgarisé :) ) Toi, Jeremie, tu appréhendes la beauté de Cria Cuervos comme étant FIDÈLE aux préceptes esthétiques d'une certaine forme de cinéma (il aurait été intéressant de savoir exactement lesquels) sans oublier la troisième option puisque tu évoques la JUSTESSE de la relation mère fille.
De manière générale, je m'étonnais du paradoxe "chiant" "beau" dans la mesure où nous sommes sur un forum de non "critiques" donc davantage enclins à partager des opinions subjectives.
DPG
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Message par DPG »

Je l'avais vu en cours d'espagnol en 4e, et on avait appris la chanson de Jeanette aussi ! :D

Et bon, faudrait que je le revois, j'avais 13 ans, mais je m'étais bien fais chier... :oops:
"J'ai essayé de me suicider en sautant du haut de mon égo. J'ai pas encore atteri... "
mercredi
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Message par mercredi »

DPG a écrit :Je l'avais vu en cours d'espagnol en 4e, et on avait appris la chanson de Jeanette aussi ! :D

Et bon, faudrait que je le revois, j'avais 13 ans, mais je m'étais bien fais chier... :oops:
Je te le conseille vivement. En revanche, je te plains pour la chanson: personnellement, je la trouve "gavante".
DPG
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Message par DPG »

N'empeche que ça m'a marqué, j'ai encore les paroles de quasiment toute la chanson en tête ! :shock: :D
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eric draven
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Message par eric draven »

On ne va pas tergiverser sur le Beau, Eric s'est cru en cours magistral de philo.. contentons nous de parler du film dont comme mon ami Jeremie :wink: je voulais faire un topic depuis longtemps.. Voilà l'occasion. :D

Point étonnant DPG que tu gardes le souvenir d'un film pesant car voir ce film a l'école a 13 /14 ans, ce n'est pas du tout l'idéal.. revois le aujourd'hui avec tes yeux d'adultes.

On retrouve dans Cria Cuervos tout l'univers de Saura, univers auquel on peut être totalement hermétique et trouver particulièrement ennuyeux. Cria cuervos ne fait pas exception.

Ana a 8 ans, une petite soeur et une soeur ainée. Leur mère est morte, leur père également alors qu'il faisait l'amour à sa maitresse. C'est leur tante qui s'occupe d'elles ainsi que de leur grand-mère paralysée. Ana ne sourit jamais. Elle vit dans un monde imaginaire ou réel, peuplé de rêves, de souvenirs eux aussi veritables ou imaginaires. Elle pense aussi avoir le pouvoir sur la vie et la mort, n'hesitant pas à s'en servir. C'est à travers une Ana jeune femme, projection du futur, qui raconte Ana enfant qu'on suit le film...

Cria curvos est un fillm entièrement dédié à la mort. Tout le film en est imprégné: la mort atroce d'une mère malade et bafouée, battue qui a finalement renoncé à elle-même, mort du père alors qu'il fait l'amour à sa grotesque maitresse, mort interieure de la tante qui renonce a son bonheur, sa vie pour s'occuper corps et âme des enfants orphelins, mort cataleptique de la grand-mère qui vit clouée dans son fauteuil accrochée à ses souvenirs mais qui reste etrangement la plus proche d'Ana.

Et il y a Ana, fllette de 8 ans, fragile silhouette aux yeux charbon et fixes où rien ne se reflète. Elle est là, omni-présente, ombre qui voit tout, enregistre. Elle est la personnification du malheur, celui d'une enfance ravagée, etouffée par la faute des adultes tous pitoyables et cruels. Ana a tout vu: la mort, la souffrance, la misère, le mensonge, l'humiliation. Tant et si bien qu'au delà de sa sensibilité elle est persuadée que la mort n'est q'un passage, une transition vers un ailleurs, un passage dont elle pense avoir le secret, une delivrance contre l'horreur de la vie.

Cria cuervos est un drame existentiel, monotone, triste, baignant dans un quotidien sordide, d'une routine ronronnante: toilette, repas, jeux, rêves et cauchemars où tout y est different puisque cette mère adorée est vivante.

C'est également la projection de l'Espagne d'alors, son régime didactorial, la misère et la pauvreté d'une nation en plein chaos où la femme est l'esclave de l'homme tout puissant, son objet, l'enfant étant élevé dans ses conditions.

Tout est terne dans Cria Cuervos même quand les couleurs se font chatoyantes, tout semble être maitrisé y compris ces séquences que Saura livre au spectateur afin qu'il les termine lui même.
Ses rares instants de bonheur distillés par la chanson Porque te vas que s'écoute inlassablement Ana sur son vieux tourne-disque.

Tout est symbole ici, tout est simple, d'un réalisme frappant qui sait aller au delà des mots et des images, d'une emotion intense comme la scéne où Ana propose d'aider sa grand-mère à mourir comme s'il s'agissait d'un acte d'une telle banalité.

On pourra reprocher au film son hermétisme, propre au cinéma de Saura qui pourra en laisser plus d'un de glace voire les ennuyer profondement.
On pourra reprocher au film sa complexité ces incessants aller-retour entre le passé et le futur, ses flashes-back, les interferences entre rêve et réalité, l'imaginaire et le vécu d'Ana pas toujours évident à suivre pour un peu qu'on soit distrait ou peu dans le film.

Le final pourra laisser songeur.. final desespéré où Saura détruit la cellule familliale, reflet d'une societé cruelle, immuable dans le temps.

Magnifique interprétation de Geraldine Chaplin et surtout de la petite Ana Torrente, parfaite, inoubliable et de la sublime chanson qui berce les 90mn du metrage: l'incontournable et si touchant Porque te vas de Jeanette.
Comment trouver cette chanson "gavante"??? Heresie! Heresie!!

Pour l'anecdote, la toute jeune et brune Jeanette connue en France pour ce titre, tube phénoménal de l'été 1976, continua une brillante carrière en Espagne sous son nom complet qui m'échappe présentement :? , Jeanette qui mit fin à sa carrière au début des années 2000 aprés une multitude d'albums.

Pour tous les amoureux de Saura et de film existentiel complexe, à voir.. Pour les autres.. ca risque d'être long!!
Je pourrais vous tuer mille fois jusqu'aux limites de l'éternité si l'éternité possédait des limites.

MES FILMS: http://sd-1.archive-host.com/membres/up ... lms_56.rtf
Haribo
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Message par Haribo »

Tout ca pour une chanson... tarte en plus...
DPG
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Message par DPG »

Mr prefère la version chantée en français par Laure Sainclair ? :o :D
"J'ai essayé de me suicider en sautant du haut de mon égo. J'ai pas encore atteri... "
Manolito
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Message par Manolito »

je l'ai vu il y a longtemps, au Bienvenue Montparnasse, je n'avais pas l'êge de DPG, mais je ne devais pas être beaucoup plus vieux pour autant... Et j'avais beaucoup aimé ! C'est à la fois un film très neau sur l'enfance et un film remarquable sur le fascisme en général, le franquisme en particulier. Par exemple, je trouve que les films de Del Toro comme "L'échine du Diable" ou "Le labyrinthe de Pan" (ce dernier étant néanmoins remarquable à beaucoup d'égards) passe à côté du franquisme, de la perversion profonde de ces régimes, en les illustrant un peu bêtement uniquement par des méchants en uniformes qui torturent des gentils résistants. Bien sur, il y a cela, mais c'est aussi quelque chose de plus profond, c'est aussi imposer à un pays de vivre dans l'absence d'espoir, dans l'interdiction d'espérer, dans une société vouant un culte au père, au chef, au héros, alors que ce n'est en fait qu'une mis en scène, un mensonge total... "Cria Cuervos" parvient à rendre palpable ce désespoir diffus, cette monotonie, cette atmosphère de malheur dont la fillette va s'imprégner comme une éponge au cours de chaque seconde de sa vie. Un film beau et intelligent, et une chanson superbe, évidemment... 8)
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