Curieux film que cet "Insoumis" que je voulais voir depuis un moment. Pièce un peu oubliée de la filmo de Delon, inédit à ma connaissance en DVD, il passe à la télé une fois tous les 36 du mois entre 2 et 3h du matin, autant dire que les programmateurs de chaines font tout pour le faire découvrir ! Qui plus est traitant d'un sujet sensible (la guerre d'Algérie) et tourné à une époque où le conflit était encore tout frais !
Je dois dire que je ne sais pas trop quoi penser du film au final, tant l'ensemble est bancal, mais je pense tout de même que dans toutes ces qualités et tous ses défauts entremélés, j'en sors avec l'impression d'avoir vu une oeuvre qui mérite le détour.
Bancal donc, sur bien des points. Déjà le coup de la guerre d'Algérie, on déchante vite. Ce n'est qu'une toile de fond, qui, si elle permet de lancer l'intrigue et le film, se dissipe bien vite. L'histoire pourrait se passer ailleurs, et les problèmes sont plus évoqués que clairement abordés. Néanmoins, on peut déjà reconnaitre à Cavalier le courage d'aborder de front des sujets importants comme les enlèvements, ou la torture et de présenter ça sous un jour honnete, resistant au manichéisme dans lequel certains se seraient allègrement vautrés.
Ensuite l'histoire en elle-même, j'avoue qu'on a un peu de mal à voir où Cavalier voulait en venir. On part d'un homme, d'une guerre, puis de choix qui se posent à lui, on bifurque sur une amourette, puis des faits, qui s'enchainent sans vraiment de cohérence, de progression narrative au sens classique. Ca n'est pas forcément un mal en soi, mais en l'état, je trouve le tout assez mal géré, mal foutu. On a du mal à saisir les motivations de tous ces gens, on ne voit pas vraiment quelle histoire Cavalier veut nous raconter, je ne sais pas, ça sent qd meme le truc pas bien fini.
Formellement, on a encore à boire et à manger. La lumière est très soignée et la plupart du film baigne dans une superbe ambiance, un peu celle d'un "film français à l'americaine", comme pourraient l'être "Bob le flambeur" ou "Ascenseur pour l'echaffaud" dans leurs registres. Mais sur les choix visuels, on passe sans crier gare de trucs limite documentaires, à des plans léchés, je ne sais pas, parfois les raccords ne sont pas évidents du tout. La musique de Delerue elle, par contre, ne souffre d'aucune contestation, elle est sublime de bout en bout.
L'interpretation, à son tour, m'a laissé un gout d'inachevé. Le duo principal est formé par Delon et la belle Lea Massari. Et là aussi, je ne saurai pas dire si je les ai trouvé bons ou non, tant leur performance est faite de hauts et de bas. Parfois d'une justesse incroyable, capable de vous révolter ou de vous filer les larmes aux yeux en un regard, ils peuvent aussi paraitre par moments totalement à coté de la plaque, recitant des dialogues quelconques d'une façon qui sonne faux à 10km à la ronde dans un surjeu total !
Au final, un film assez atypique, qui pose pas mal de questions, que ce soit de manière frontale ou détournée, qui ne cherche pas forcement à y répondre ou à raconter une histoire au sens traditionnel du terme. On peut voir ça comme une tranche de vie d'un homme. Qui s'est retrouvé à faire une guerre un peu par hasard. Qui a parfois suivi les ordres, parfois son instinct, parfois son coeur. Un mec qui après ces années de conflit ne savait plus trop ce qu'il était bien ou mal de faire, et qui aurait surtout voulu rentrer chez lui.

Quelques trucs en vrac :
- Delon et Lea Massari se retrouveront qques années plus tard, dans "Le professeur" de Zurlini (chef d'oeuvre absolu ça par contre !)
- Le film est annoncé comme une co-prod franco-italienne, mais je l'ai vu sur une diff de TCM, avec un logo MGM, un générique totalement anglais, et en cherchant sur le net, je trouve comme titre anglais : "The Unvanquished" alors que sur ma copie, c'etait un autre titre, un truc comme "Have I the right to kill ?"
- On retrouve dans un second role de pied noir, un Robert Castel tout jeunot, et bien plus sombre que l'image qu'on en a habituellement !