Titre français : Dossier secret

Un aventurier séduit la fille d'un homme riche, puissant et mystérieux : l'énigmatique monsieur Arkadin. Ce dernier propose à l'aventurier d'enquêter sur sa jeunesse et son passé. En effet, Arkadin est amnésique et a oublié une bonne part de sa vie... Une enquête à travers l'europe de l'après-guerre commence...

Dans la carrière de Welles, "Monsieur Arkadin" arrive à un moment curieux. Suite à divers insuccès, mais aussi à cause d'un témpérament imprévisible et difficilement gérable, Orson Welles est totalement grillé à Hollywood, y compris auprès des petits studios ! Il se réfugie donc en Europe où il cachetonne un peu dans tous les sens et bricole des films dans des conditions abracadabrantes. "Othello" est sans doute le cas le plus connu, mais son successeur immédiat, "Monsieur Arkadin", n'en est pas moins une expérience incroyablement bordélique.

Cette histoire d'espionnage tournant autour d'un homme puissant et mystérieux brasse des éléments de "Citizen Kane" et du "Troisième homme" pour aboutir à un résultat complètement étrange. Ponctué de rebondissements de Serial ou de bricolage Z masquant mal le manque de moyens (stocks shot, accident d'avion hors champs...), "Monsieur Arkadin" est un espèce de délire où l'univers de Welles se déploie de façon totalement incontrolé. Le film change sans cesse de ton, de rythme, voire de propos.

Et malgré toutes ses singularités presque gênantes, "Monsieur Arkadin" n'en reste pas moins un film intriguant, qui par bien des aspects respire le génie ; en particulier dans une mise en scène, un sens du cadrage et du rythme cinématographique spectaculaire, n'appartenant qu'à Welles. L'interprétation est tantôt embarassante (Welles se parodiant lui-même, un faux nez en plastique vissé au visage), parfois géniale (mention spéciale aux apparitions de Michael Redgrave et Katina Paxinou)... Certaines scènes émergent de façon géniale, comme le bal dans le chateau espagnole...
"Monsieur Arkadin", c'est Orson Welles en roue libre, avec ses qualités (génie cinématographique, talent de conteur, maître de l'image, directeur d'acteurs hors paire) et ses défauts (inconstant, mytho, cabotin). Mais c'est purement et certainement du Welles !
Par la suite, sa carrière va reprendre un sens un peu plus orthodoxe avec "La soif du mal", chef-d'oeuvre du film noir confié à Welles par la Universal grâce au soutien indéfectible de Charlton Heston...
"Monsieur Arkadin" est dispo en dvd en France chez Aventi, en tandem avec "Othello"... Il existe une version de luxe chez Criterion en zone 1 qui contient trois montages du film : la version US, la version européenne et une troisième supposée plus conforme aux intentions de Welles. Mais en fait, il semble qu'aucune des trois versions ne soit totalement cohérente, comme si Welles n'avait jamais vraiment su où il allait avec ce film !
"Monsieur Arkadin" passe en ce moment sur ciné cinéma classic dans une très belle copie 1.33, VM...