
Drôle de film que voilà puisqu'il s'agit d'un étrange projet dont la vision se révèle, à l'arrivée, extrêmement surprenant. Le réalisateur est un certain Frank Sinatra. Faut il le présenter ? L'acteur/chanteur va d'ailleurs interpréter l'un des rôles principaux du film mais, si il est mis en très bonne place sur l'affiche, il s'avère ne pas être véritablement le héros de l'histoire. Dans le camp américain, Clint Walker (la masse qu'il ne faut pas pousser dans LES 12 SALOPARDS) est le meneur de troupes inexpérimentées qui n'ont qu'une seule envie : flinguer du japonais. De son côté, Tatsuya Mihashi se retrouve dans une situation relativement similaire. En fait, le récit est assez malin car il oppose les deux camps en leur donnant quasiment les mêmes caractéristiques. Ainsi, le capitaine américain est affligé d'un lieutenant roquet qui gueule vouloir trucider des japonais alors que le gradé des forces impériales a un bras droit haineux voulant sabrer du G.I. Présentant alternativement les deux camps, le récit permet assez vite de s'attacher à différents personnages qui s'avèrent n'être pas seulement que des cibles prêtes à se faire dézinguer dans un conflit dont les enjeux sont bien loin de leurs propres considérations. Américains ou Japonais, les soldats sont avant tout des êtres humains avec leurs qualités et leurs défauts. Assez vite, les deux camps vont apprendre à se respecter. En cela, L'ILE DES BRAVES raconte la même histoire que DUEL DANS LE PACIFIQUE que réalisera, de façon plus minimaliste, John Boorman quelques années plus tard. Le film se terminera par un tétanisant final ne laissant planer aucun doute sur le message amer que lance cet ILE DES BRAVES. Tantôt film de guerre traditionnel, comédie voire parodie, dramatique et même tragique, le film réalisé par Frank Sinatra ne cesse de surprendre tout du long en changeant de registre comme pour mieux exprimer que la vie est faite de nuances très différentes.
Si l'on peut trouver surprenant de voir Frank Sinatra tenir la barre d'un tel film, le seul qu'il réalisera d'ailleurs, les premières secondes de L'ILE DES BRAVES sont encore plus surprenantes. En effet, le logo Warner est en version japonaise. Idée étrange qui s'explique rapidement puisque ce film n'est pas une production américaine mais un effort commun entre les Américains de Warner et les Japonais de la Toho alors que Sinatra porte le projet, lui-même, en tant que producteur. Du coup, le film va bénéficier des talents des deux pays. Ainsi, on retrouve à la musique John Williams alors que les effets spéciaux sont orchestrés par Eiji Tsuburaya (les Godzillas !). Ces derniers restent assez communs avec essentiellement des maquettes d'avions ou de navires. Evidemment, les Américains sont donc joués par des acteurs provenant des Etats-Unis alors que le camp opposé est interprété par de véritables acteurs japonais.