François, un jeune photographe, s'éprend de Carole, une actrice célèbre que son mari, acteur lui aussi, néglige totalement. Carole se met à aimer François d'un amour fou...
Parfois associé à la Nouvelle vague française, pour des raisons cinématographiques et chronologiques évidentes, Philippe Garrel se distingue néanmoins nettement de réalisateurs comme Truffaut ou Godard : plus romantique, plus sulfureux - plus drogué en fait, plus rock'n roll quelque part, plus nordique dans son cinéma semblant puiser ses sources dans les cinémas allemands (Murnau) ou scandinaves (Dreyer). Il est un peu ce que Pierre Clémenti est à Jean-Pierre Léaud, si on voulait oser des comparaisons glissantes !
Garrel a connu un retour en grâce critique et - dans une certaine mesure - public avec "Les amants réguliers" et sa reconstitution archi-crédible de mai 68 en 2005. Il nous revient avec un nouveau film plus dans la tradition de son cinéma antérieur. Déjà, difficile de ne pas relever l'évidente inspiration autobiographique de cette histoire. Carole, l'actrice déchirée, passionnée, alcoolique, hypersensible et fascinante, assoiffée d'amour absolu, interprété ici par Laura Smet, c'est évidemment un reflet de Nico, la fascinante chanteuse allemand qui fut longtemps la compagne Philippe Garrel, qui apparue dans plusieurs de ses films et décéda au début des années 80. Quant à François (joué par Louis Garrel), difficile de ne pas y voir Philippe Garrel... Tiraillé entre la tentation d'un confort bourgeois aussi rassurant qu'étouffant d'une part, et une passion absolue mais destructrice d'autre part... Dans son dernier tiers, le film bascule alors dans un fantastique semblant découler à nouveau de Murnau ou Dreyer ; mais aussi dans une approche du thème du fantôme évoquant un certain romanesque/romantisme français du XIXème siècle...
La photo noir et blanc est superbe, la mise en scène, curieux carambolage de divers style (nouvelle vague à la française, cinéma muet européen des années 20, zoom 70s) est évidemment personnelle et réussie. Malheureusement, la construction un peu artificielle du film en deux parties le rend démonstratif et tue un peu la sincérité touchante qui émane de la première partie (cf. la très belle scène où Carole fond en larme au milieu d'une soirée entre amis). La fin, abrupte, aussi maladroite que doucement ridicule, achève de confirmer l'échec de ce film qui partait pourtant sur de bonnes bases.
Après un accueil très tiède à cannes où il était en sélection officielle, "La frontière de l'aube" est sorti il y a quinze jours dans les salles françaises...
La frontière de l'aube - 2008 - Philippe Garrel
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Re: La frontière de l'aube - 2008 - Philippe Garrel
La deuxième partie du métrage m'a davantage enthousiasmée dans la mesure où notre cinéaste accepte de jouer (prendre le risque?) le jeu de la pure fiction, quitte à se dégager d'une grille de lecture "réaliste", trop encombrante selon moi. Les détracteurs du réalisateur pourraient encore lui reprocher ici, un parti pris “auteurisant” qui tend exclusivement à définir pour eux, une filmographie pourtant assez hétéroclite. Si la présence de Louis Garrel semble abonder dans ce sens, les rebondissements alimentant une trame somme toute classique parviennent à retenir l’attention des néophytes. Apparemment banals, les thèmes subissent une réévaluation de leur portée emblématique via un final fort réussi pour moi. Valorisé par une superbe photographie, “La Frontière de l’aube” comporte cependant diverses fautes de goût telle la présence de Laura Smet au casting. Comme à son habitude, la demoiselle étaye ses répliques de moues, interjections, voire gestuelles sinon horripilantes du moins inadéquates. Peu importe, les romantiques apprécieront un film visant à faire intervenir leur intellect dans l’exacerbation (et non dans la fameuse “gestion”) des émotions.Manolito a écrit : Malheureusement, la construction un peu artificielle du film en deux parties le rend démonstratif et tue un peu la sincérité touchante qui émane de la première partie (cf. la très belle scène où Carole fond en larme au milieu d'une soirée entre amis). La fin, abrupte, aussi maladroite que doucement ridicule, achève de confirmer l'échec de ce film qui partait pourtant sur de bonnes bases.