Une soirée sur la chaîne italienne T3G, avec au programme infos, reportages, fictions, débats et jeux télévisés.

Plus qu’une seule satire de la télévision, présente essentiellement à travers les segments de liaison et le passage prophétique du jeu télévisé racoleur et voyeuriste, Mesdames et Messieurs bonsoir se veut un pamphlet socio-politique sur l’Italie des années 70. En 16 segments (pubs et débat compris), Luigi Comencini, Nanni Loy, Luigi Magni, Mario Monicelli et Ettore Scola tirent donc au bazooka sur la société italienne, selon eux totalement corrompue, archaïque et sourde à la souffrance des plus démunis. L’armée, la justice, l’église, la presse : tout le monde y passe et personne n’en sort grandi. Et si la qualité des sketchs est forcement inégale – rien d’étonnant étant donné la densité et diversité de la matière proposée- tous convergent au moins dans la même direction et sont soutenus par une interpration uniformément habitée.
Vittorio Gassman sauve ainsi par sa seule présence 2 des sketchs les plus faibles du film : la leçon d’anglais, à résonances alter-mondialiste, et l’épisode de la série policière, dans laquelle il croise la belle Senta Berger. Ugo Tognazzi est incontestablement mieux servi, s’octroyant notamment le segment le plus politiquement incorrect de ce brulot cinématographique, une séquence dans laquelle, général sur le point de parader, il se couvre progressivement de merde en tentant de récupérer une décoration tombée dans la cuvette du chiotte bouché qu’il vient juste d’emprunter. Mastroianni est lui un peu sacrifié dans l’histoire, se contentant d’animer les scènes de liaison, à 2 petites séquences reportages près.
Parmi les autres pièces maîtresse de cette anthologie, citons l’ultra cynique Siniti Parvulos, sketch pro-avortement, filmé dans un style semi-documentaire, mettant en parallèle la doctrine catholique sur le sujet et ses conséquences directe sur l’enfance, entre misère affective et délinquence juvénile, et se concluant sur l’interview d’un professeur zélé qui, reprenant à son compte une théorie de Jonathan Swift, propose de transformer tous les enfants non désirés en produits alimentaires. Citons également ce reportage tout aussi violemment caustique sur un clochard adepte du système D. Le meilleur dans tout ça demeure toutefois l’ultime séquence, soit 5 minutes d’un discours officiel inaudible dans ce qui ressemble plus ou moins à un palais de justice, avec pour public une tripotés de magistrats, hommes d’église et militaires d’apparence complètement gâteux. Pas de stars comiques pour ce bouquet final donc, mais un festival de gueules tordues, plus ou moins effrayantes – certainement des non-professionnels – représentant d'une façon magistrale cette société italienne sclérosée dénoncée pendant les 112 minutes du métrage. Un sketch féroce qui s’achève en musique, dans la veine du final des Nouveaux monstres .
Petite particularité de ce Signore e signori, buonanotte, le générique de début associe sous un seul et même crédit scénaristes et réalisateurs et ne donne aucune précision quant à la paternité de tel ou tel sketch. On peut donc s’essayer à distinguer la patte des uns et des autres. De mon côté, j’attribuerais volontiers le sketch Il Santo siglio, sur les tractations et conspirations entourant l’élection d’un pape, à Luigi Magni, spécialiste de la comédie historique, et le sketch sur l’avortement à Nanni Loy au regard de sa forme, sous forte influence neo-réaliste, et le cadre de son action, les bas-fonds de Naples, ville natale du cinéaste.