Le film de 90 commence très brutalement et fait fi des images d'introduction vues dans la première adaptation. Ces images nous dévoilaient un contexte guerrier, celui de la seconde guerre mondiale. Ici, rien de tout ça, Harry Hook se détache de la seconde guerre et décide de rendre son film "intemporel" (ce qui est bien vu puisque le propos lui-même est intemporel). Dire que l'homme en oublie le parallèle entre le comportement des adultes et celui des enfants serait cependant une grossière erreur: Brook l'imposait dès le début, Hook préfère juste terminer son film là dessus.
L'image de fin du film de Hook est en effet plus percutante. Les enfants sont sauvés par des Marines en tenue militaire et armés. On vient de voir la micro-société des enfants et là, Hook nous balance l'image des militaires en tenue. La relation adulte-enfant n'est plus en postulat de base, c'est une conclusion forte et intelligente. D'autant plus intelligente qu'elle rend les larmes du jeune héros plus ambiguës: Pleure t'il parce qu'il est sauvé ou parce qu'il constate, tout comme le spectateur, que la société humaine est condamnée et qu'au final, les armes prennent le pas sur la raison...
La fin du film de 1990 est en réalité très similaire à celle du film de 63 mais via quelques détails (les armes), elle se montre plus efficace et plus percutante (à mon sens).
Autre avantage du film de 90: L'identification des personnages. Le film de 63 est un peu confus sur ce point. Seule une maigre poignée d'enfants possédait une personnalité ou des éléments les rendants identifiables. Dans la version de 90, les personnages sont bien plus typés et leurs caractères sont plus manifestes. On ne tombe toutefois jamais dans la caricature et les personnages ne sont jamais "forcés". L'interprétation est d'ailleurs aussi bonne dans la version de 90 qu'elle l'était dans celle de 63.
Concernant la sauvagerie des enfants, l'approche des deux films est assez différente, sans doute en raison de l'époque. Brook créait très habilement la folie lors de la scène de danse autour du feu. Hook se montre un peu plus plat lors de cette même séquence mais montre le dépeçage d'un cochon et la mort de deux enfants. La violence est plus graphique, plus dans l'air du temps. En est-elle pour autant plus efficace ? Non, pas forcement. Les maquillages tribaux très prononcés du film de 63 étaient efficaces et la démence était sans doute plus visible, plus inquiétante.
Autre différence avec le personnage du pilote. Dans le film de 63, le monstre est un homme, on le voit d'ailleurs très furtivement dans une caverne. Dans celui de 90, c'est aussi le cas mais l'homme vit parmi les enfants pendant un certain temps. On reproche souvent au film de Hook la présence de cet homme. Personnellement, je ne la trouve pas choquante et mieux, je la trouve intéressante. Parce que si les enfants finissent par avoir "peur du monstre", le film de 90 nous montre très clairement que l'homme, mortellement blessé, est contraint de fuir parce que lui même a peur des enfants. Certains enfants en viennent en effet à envisager de "laisser mourir" l'individu. Nous ne sommes pas loin du "tuons le" et le pilote le comprend fort bien... L'adulte n'est donc pas à sa place dans cette société d'enfants, tout comme l'enfant n'a pas son mot à dire dans une société classique d'adultes... Personnellement, je trouve cet apport très intéressant.
Dans le film de 63, les enfants forment 2 groupes dès le début puisqu'il y a une chorale, unie, qui deviendra très vite le clan des chasseurs. Je trouve malin de la part du film de 90 de n'avoir pas créé ces groupes. Ainsi, les groupes se forment d'eux mêmes, logiquement, inévitablement... C'est plus proche d'une certaine réalité je pense, ça laisse plus de place au caractère de chacun...
Dernier point enfin. Je trouve la battue finale plus angoissante dans la version de 90. Elle est précédée d'un "il a demandé que l'on aiguise un bâton au deux bout" suggérant que Ralph va terminer comme le cochon, décapité et offert au monstre...