Violonceliste doue (mais sans plus) dans un orchestre local, Daigo Kobayashi se retrouve au chomage lorsque l’orchestre est dissous. Apres etre retourne avec sa femme dans sa ville natale, le seul emploi qu’il decroche se trouve etre celui de “nokanshi” ou embaumeur. Une nouvelle vie commence…
Un « nokanshi », est une fonction qui ne semble pas reellement exister en occident, ou en tout cas, pas sous la meme forme. La traduction d’ « embaumeur » ne lui rend d’ailleur pas justice, car meme si les deux metiers touche a la mortalite et son « traitement », l’embaumeur traite autant du corps interne du decede que de son apparence externe, tandis que le « nokanshi » ne se limite qu’a l’apparence exterieure.
La mort, sans etre une obsession au Japon, est un sujet deja aborde a plusieurs reprises dans le cinema d’auteur et fut suivi de succes populaires merites. « Ikiru (Vivre)», « Ososhiki (L’Enterrement)» et maintenant « Okuribito » en parle a different stade de son processus.
Pour « Ikiru », il s’agit de vivre dans l’attente une mort proche. Dans « Ososhiki », il s’agit de mettre la famille et les relations du decede abyme lors de l’affrontement avec le drame. Dans « Okuribito », il s’agit de traiter du « depart » du defunt lors d’un dernier acte rituel ; la preparation du corps.
Dans le quotidien japonais, tout est ritualise, du plus anodin au plus extraordinaire.
Les gestes, les relations, les actions, les reactions, tout y est codifie et donc decodable.
Dans le rituel perpetre par le « nokanshi », de nombreuses choses peuvent ainsi se lire ; le respect (envers le decede, mais aussi sa famille), la dignite (dans la presentation du corps et son maniement), la perfection (dans les mouvements et actions), mais aussi la beaute (dans les gestes).
La culture japonaise melange souvent beaute et perfection. Les deux elements sont lies dans l’esprit japonais. Un mouvement / une action est perfectible, jusqu’a ce qu’elle atteigne la « perfection », une fois « parfaite », le mouvement est « beau ». Certains mouvements sont dictes par des considerations pratiques, mais rendus « beaux ». D’autres gestes sont « beaux », mais transformes (voir remplaces) par des gestes aussi gracieux, mais plus « pratiques ».
Les operations du « nokanshi » telle que montrees dans le film, relevent de la « performance », de l’art, du « sacre ». Contrairement a l’occident, le sacre japonais, n’est pas lie a « Dieu ». Le « sacre » ici au Japon, se trouve dans l’ame des choses (les japonais sont animistes, et voient donc une ame dans toute chose, une sculpture, tout autant qu’un arbre ou une montagne), mais aussi dans le corps humain.
Si le sujet du film semble a premiere vue etre la mort, le rituel du « nokanshi » rend hommage a la vie vecue, a celui qui part, mais aussi a ceux qui restent. Le decede est pare de magnifiques habits, maquille, pare de l’un ou l’autre objet de souvenir. Ici, la mort ne mene pas au neant, elle mene « ailleurs ». Comme le dira dans la derniere partie du film, l’employe d’une chambre d’incineration, les gens de la profession mortuaire sont des « portes », portes a travers lesquelles les decedes passent a accedent a l’ « ailleurs ».
Apprenant chaque jour son metier sur le tas, et a cotoyer la mort via la noblesse de son metier, notre hero apprendra aussi a « vivre ». A ce titre, le film est aussi une ode a la vie qui dans le fond ne s’est jamais arretee. S’il s’agit bien d’adieux, mais nous ne sommes tous que des voyageurs sur la jetee. Nous versons des larmes au depart de nos bien-aimes, mais sommes tous dans l’attente de notre navire. C’est une voyage qui ne se prepare par a la « derniere minute ». C’est un voyage qui se prepare tres a l’avance. Nous avons une vie a nous preparer. Une vie a mener a bien. A mener « a bon port ». Notre « depart » sera conditionne par notre vie.
En attendant le prochain bateau, pour un « autre » voyage. A la passerelle d’embarquement, il y aurait un « guide ». Au Japon, il s’appelle un « nokanshi ». Son travail est de nous donner un « bon depart » pour ce voyage.
Le recit est comme dans beaucoup de films en Asie en generale, et au Japon en particulier, un melange de differents elements. L’on y trouve pele-meme ; le recit d’une vie (chamboulee), une chronique familiale, le recit d’un enseignement par un « maitre », (la relation « eleve-maitre » si chere au cinema japonais), le passage du flambeau d’une generation a une autre, une chronique sociale (l’ostracisme sociale), ainsi que la le surmontement d’un traumatisme familiale passe. Si certains elements sont traces en filigrane, a aucun moment le film ne parait se « noyer » sous ses intentions ou « errer » dans son recit.
Si la derniere partie consacree a la resolution du passee est plus convenue et attendue, elle ne nuit pas non plus au recit, car dans tout recit sur une vie, comme dans toute vie, il y a des repetitions, et dans tout recit sur la mort, il faut parler de la « continuite ».
La performance de Masahiro Motoki est tout simplement epoustouflante, a croire que cet acteur a fait ce travail toute sa vie. Il a toute l’aisance et la dignite dans le geste qui caracterise ce rituel. En generique de fin et lors d’une scene qui tient plus de la demonstration que du film, il effectue tout un ceremoniel. Si un jour, il venait a raccrocher son metier d’acteur, il pourrait sans probleme se recycler dans le metier.
Ryoko Hirosue est tout juste « bonne ». Elle semble etre une version femme mariee et plus « mure » de l’heroine de « Wasabi », ce qui en soit ne gene pas le film car son personnage est en marge du recit. A dire vrai, il aurait pu s’agir d’une soeur cadette ou ainee, d’une cousine ou petite amie, ou de toute autre personne qui graviterait relativement pres du personnage principal.
Tsutomu Yamazaki et Kimiko Yo sont deja beaucoup plus importants au recit. Tous deux, ont rejoint le « corps du metier » par la fatalite ou l’intrusion de la tragedie dans leurs vies.
Okuribito est un film rare, qui parle d’une chose dont on evite generalement de parler, mais que personne ne pourra « eviter » en fin de parcours. Une chose en somme qui nous rend tous « humains ». C’est egalement un film qui en parle avec une grande justesse et sincerite, avec beaucoup de dignite, mais aussi d’elegance, le tout soupoudre d’un peu d’humour.
A voir, tout simplement...
Okuribito : 5 / 5
Okuribito a.k.a Departures (2008) – Yojiro Takita
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En direct du Japon. Bonsoir. A vous, Cognac-Jay.
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Re: Okuribito a.k.a Departures (2008) – Yojiro Takita
Rien à redire sur la critique ci-dessus. Un très grand et très beau film. Un seul tout petit reproche peut-être : la musique de Joe Hisaishi a tendance à grossir le trait un peu trop souvent.
