
Produit par Georges Beauregard après le succès d'"A bout de souffle", "Cléo de 5 à 7" est le film qui lancera vraiment la carrière assez chaotique d'Agnès Varda en tant que réalisatrice de longs métrages. Nous sommes en pleine explosion de la Nouvelle Vague et nous en retrouvons les principes : Varda parlent des milieux qu'elle connaît (artiste, école des beaux arts, son chez XIVème arrondissement), tourne uniquement en décor réel, et favorise la spontanéité et l'expérimentation sur la finition technique et le rendu "professionnel". L'action se déroule en temps réel devant nos yeux (comme "Nous avons gagné ce soir"), de 17h00 à 18h30 un après-midi du 21 juin. Il s'agit d'un conte initiatique douloureux, l'histoire d'un "oiseau" qui, face à des circonstances exceptionnelles va s'échapper de sa cage dorée pour se confronter à la ville, à la nouveauté, à l'interdit, fut-il modeste.
Et finalement elle trouvera une porte de sortie là où, à force d'un point de vue négatif, à force de peurs diffuses et irrationnelles, elle pensait qu'elle ne trouverait qu'un mur. On reconnait déjà Varda par son amour de Paris, par cette visite du sud de la ville, de la gare Montparnasse à la gare Denfert Rochereau, avec la petite ceinture, et surtout le parc Montsouris : son observatoire, son rocher aux petites autos et sa cascade bien connu des parisiens baladeurs et curieux... On reconnaît aussi Varda par son regard dénué de tout mépris ou condescendance sur ses personnages, même ceux, qui en fin de compte, sont négatifs (l'assistante de Cléo, qui est un peu son Jeremy Cricket négatif). La peinture de son soldat combattant la guerre d'Algérie est loin d'être une caricature négative, c'est le moins qu'on puisse dire, et la fin rejoint au fond celle des "Parapluies de Cherbourg". A noter des apparitions de figures de l'époque dans des petits rôles, comme Michel Legrand en compositeur de chansons, ou, dans un petit film muet dans le film, Godard, Eddie Constantine, Jean-Claude Brialy et Sami Frey.

Vu sur le dvd sorti par les éditions Tamaris (éditions dirigés par Agnès Varda et sortant ses films ainsi que ceux de Jacques Demy). Copie 1.66 16/9 assez moyenne, avec contours grésillants, scènes sombres boueuses et passages très bruités. Piste mono d'origine. Dispo sur un coffret blindé de courts métrages et de suppléments en tous genres.