
"Casablanca" de Michael Curtiz est peut-être le film le plus emblématique et le plus célèbre de l'âge d'or du cinéma hollywoodien. Ville-frontière, "Casablanca" devient un microcosme où se croisent de multiples nationalités et personnalités d'un monde alors en guerre : aventuriers, résistants, profiteurs, nazis, collabos, fugitifs, héros et salauds se brassent dans une ambiance de fausse quiétude, bruissant d'intrigues et de menaces souterraines en tous genres. Film de propagande dont la production a été lancée au lendemain de Pearl Harbour, "Casablanca" vise assez juste. Contrairement à pas mal de films de guerre fait à cette époque, il ne nous paraît pas à côté de la plaque revu aujourd'hui. Les personnages sont confrontés à des dilemmes moraux et personnels derrière lesquels on peut reconnaître le pays qu'il représente : le préfet de police Vichiste, l'américain oscillant entre neutralité égoïste et engagement solidaire, etc... Bref, un film historiquement assez juste et clairvoyant, néanmoins sous-tendu par des personnages incarnés avec une grande intensité et une grande humaniyé par une distribution réjouissante. Ils ne deviennent jamais des symboles creux. Leurs choix, leurs personnages restent d'une actualité très criante aujourd'hui, ce sont les choix des hommes et des femmes face à l'Histoire, face à la morale.
Maintenant, j'avoue que "Casablanca" n'est pas mon Curtiz préféré, je trouve que c'est un film qui a des longueurs et des redondances, un peu trop de ruptures de ton. Mais bon, reconnaissons lui sa distribution éclatante, des moments marquants (la marseillaise jouée dans le club, le final sur l'aérodrome, la tricherie de Rick pour sauver la réfugiée des griffes de Renault), le tempo et l'intensité habituels aux meilleurs Curtiz, valant à juste titre sa renommée à "Casablanca".
Vu sur le bluray européen... "Casablanca" est une grosse restauration warner, dans la catégorie de celles de "Citizen Kane" et autres "Chatons sous la pluie". Les poussières ont toutes été nettoyées, la fixité du cadre est en béton armée, les contrastes sont d'une diversité et d'une netteté quasiment jamais pris en défaut. Le plus étonnant est la définition stupéfiante de l'image. la moindre petit pancarte dans le décor se lit avec une facilité déconcertante, on peut compter les bouteilles sur les étagères du bar même dans un plan lointain, les détails des vêtements sont toujours d'une netteté remarquable, sans la moindre petite trace de flou ou de moirage. 95 pour cent du temps, on nage vraiment dans la perfection. Les plans le plus sombres posent parfois problème avec des contrastes instables, normaux pour un film de cette époque, mais que la technologie numérique ne rend pas vraiment très naturellement, avec une tendance à une définition qui a du mal à suivre ces dégradés de gris assez chaotiques (quand Rick se saoule dans son bar par exemple). Mais sans doute devient-on de plus en plus difficile, et les spectateurs pas trop habitués aux projections noir et blanc 35mm ne remarqueront rien de spécial. Bref globalement, un excellent transfert HD, et surtout un miracle pour un film qui a plus de 60 ans et dont le matériel d'origine a sans doute été sur-sollicité au cours des décennies ! La bande-son est en mono dolby digital. Dommage qu'il n'ait pas recouru à un système de compression sonore sans perte, mais bon, le résultat est très honnête tout de même... Là aussi, on ne note pas de craquement ou de bourdonnement particulier, juste un souffle équilibré et discret.