
En 1948 se terminent les procès organisés à Nuremberg par l'armée américaine, pour juger les responsables nazis. Les hauts dignitaires et autres criminels de guerre ayant été déjà jugés, on s'occupe maintenant de fonctionnaires importants tels que quatre juges, ayant appliqué les lois racistes.
Stalney Kramer, producteur important et réalisateur se spécialisant dans les "grands sujets" de son époque, signe en 1961 ce film très ambitieux, relatant un procès à Nuremberg après la seconde guerre mondiale. Le casting est spectaculaire. Spencer Tracy incarne un vieux juge américain chargé de présider l'audience. Marlene Dietrich est une aristocrate dont le mari a été exécuté durant les procès. Montgomery Clift est un homme qui a été stérilisé de force pour "déficience mentale". Judy Garland est une jeune allemande qui a été au coeur d'une affaire de moeurs "scandaleuse" (une relation sexuelle supposée entre une aryenne et un juif) durant le régime nazi. Richard Widmark est un implacable procureur, militaire ayant participé à la libération du camps de Dachau. Maximilian Schell est un jeune avocat auquel incombe la tâche de défendre les juges allemands. Et enfin, Burt Lancaster joue Ernest Jannings, juge nazi haut placé se murant durant son procès dans un silence méprisant et arrogant.
Comme on l'a vu, "Jugement à Nuremberg" n'est pas consacré aux jugements les plus célèbres de l'après-guerre, ceux de Goering, des chefs SS, etc... mais à celui de fonctionnaires plus ordinaires, bien que puissants dans la société allemande. La longueur du métrage (plus de 3 heures), la distribution exceptionnelle et le sujet laissent évidemment espérer un film très définitif sur le sujet. Ce n'est toutefois pas le cas, Kramer accumulant certaines maladresses : des acteurs bizarrement choisis (Judy Garland, même si elle n'est pas mauvaise), des situations répétitives (les plaidoiries un peu hystériques de l'avocat), un filmage pas toujours enthousiasmants, par exemple avec des zooms (tout nouveau gadget à l'époque) bizarres. Certains acteurs s'en sortent bien (en particulier Tracy et Dietrich, très dignes), d'autres sont plus inégaux (Widmark et Schell), mais c'est surtout Lancaster qui paraît un choix plus étonnant. Jouant de toute sa majesté léonine, de son autorité naturelle, le grand comédien, bizarrement grimé, se livre à quelques embarrassants moments de cabotinage. Son monologue est mi-touchant, mi-à côté de la plaque...
Malgré ses approximations, "Jugement à Nuremberg" a pourtant le mérite d'aborder courageusement des sujets difficiles et délicats. Il n'a peut-être pas toute la maîtrise et la subtilité nécessaires pour réussir à tout points de vue. Mais le sujet de la responsabilité collective à différents degrés (élites, hommes du peuple), la tension de la guerre froide naissante, la nécessité de reconstruire l'Allemagne avec les cadres de l'ancien Ordre, sont autant de thèmes difficiles, autant de questions que le film pose. Malgré ses défauts, "Jugement à Nuremberg" reste tout de même un métrage méritoire, restant d'une certaine actualité avec le développement récent des cours criminelles internationales.
Vu à l'Action Ecoles où il est ressorti hier, très bonne copie 1.85 noir et blanc, avec entr'acte, musique d'ouverture et de fermeture conservées. Ca craque un peu lors de certains changement de bobine, mais ça reste une bonne copie de reprise...