L'enfer cinematographique des 70s en Italie

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bluesoul
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L'enfer cinematographique des 70s en Italie

Message par bluesoul »

Dans la section "nostalgie"; un truc qui m’interessait serait de savoir comment l’Italie a-t’elle pu etre si libertaire au niveau du cinoche dans les annees 70s/80s?

Tellement de genres si specifiquement “italiens” sont nes en cette periode, et tout le monde s’accorde a dire que meme la-bas, produire et realiser ces films serait impossible de nos jours.

Si je comprends que Cinecitta a repris a son compte (par opportunisme) la legende de l’Ouest pour la soupoudrer d’un salvateur zeste de conscience sociale europeenne, que l’Italie des “annees de plomb” ait propulse au rang de genre le poliziotteschi, que l’Italie religieuse, conservatrice et prude se “defoulait” via la nunsploitation, que l’industrie de romans de gare ait “enfante” le giallo, d’autres genres me paraissent moins “comprehensible/explicables”, tels les cannibal-flicks, l’horreur extreme (p.ex. Buio Omega, l’horreur selon Fulci, Lenzi, etc), l’adoxploitation (p.ex. La Maladolescenza)--quoique, cella-la, il y en avait aussi ailleurs en Europe et la nazisploitation…Si on considere l’art extreme, tel que pratique par Alberto Cavallone, la je ne suis pas qu'un peu perdu…

En plus, les classifications ne fesait pas dans la dentelle (VM18 et autres classifications elevees du meme accabit), donc quelque part c’etaient des suicides “commerciaux assures” a la base (limitation a l’entree, impossible de diffuser “ca” a la teloche qui etait uniquement publique a l’epoque(!) ) Quelle etait la censure a la tele—les trois RAI etaient toute trois conservatrices(!) ou dans les salles—coupes ou interdiction a l’entrée(?)

A ceux qui connaissent le marche de l’Italie de cette epoque; j’aimerai un peu savoir le pourquoi du comment du “style italien”…S’il y a des livres sur le sujet (pas sur les films(!) d’horreur italiens en eux-memes, mais sur le pourquoi(!) de l’horreur ou cinema extreme italien), je serais tres tente.

Chaque pays a le cinema qu’il “merite”, “desire” ou “fantasme” et je parviens a m’en expliquer plusieurs, mais l’Italie (des 70s) reste pour moi franchement un mystere—que j’aimerai bien eclaircir…Comedia de’ll arte “extreme”, affrontement “via films” de l’extreme-droite et gauche, legislation completement “inadaptee” ou “ininteret crasse” du legislateur sur le sujet, lobby du cinema “puissant”, mouvement libertaire public “fort”, etc…??

Le corbeau, SWS ou quelqu’un d’autre a peut-etre un avis sur le sujet…? C’est vrai que de nos jours, le cinoche italien de l’epoque fait rever :shock: les, et cauchemarder les autres :mrgreen: .
En direct du Japon. Bonsoir. A vous, Cognac-Jay.
Superwonderscope
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Re: L'enfer cinematographique des 70s en Italie

Message par Superwonderscope »

En quelques lignes, je pense que ce sera un peu dur de démonter les mécanismes qui ont conduit à l'état du cinéma populaire italien des années 70.
je pense aussi que "libertaire" n'est pas le terme approprié. Qu'il s'est enfoncé un peu plus dans la description graphique, oui. Mais libertaire, je ne pense pas.

Il y a déjà les racines populaires de la littérature et la pression sociale (religieuse et politique) qui interdisait l'expression politique en tant que telle. le cinéma "populaire" était déjà un dérivatif sur l'expression-même de l'histoire de l'Italie. L'exagréation narrative et picturale en découla naturellement, à mon sens. Juste un exemple : voir Hercule à la Conquête de l'Atlantide, par exemple : Vittorio Cottafavi ne put faire un film sur la réunification de l'Italie, il détourna alors le sujet pour en parler lors de la fameuse scène où Hercule se présente au conseil des différentes villes grecque spour faire part de l'imminence de l'invasion des Atlantes et que la seule solution est de s'unir contre l'ennemi... (lire: Hercule = Victor-Emmanuel III)

Ensuite les contingences économiques. Ce qui conduit les genres, c'est l'argent que cela rapporte, tout naturellement. Et tout ce qui y contribue : donc prendre des formules qui marchent, les adapter la sauce locale tout en pensant au marché international pour l'exportation (d'où aussi une multitude de films tournés et doublés, sans compter les différentes fins ou scènes "alternatives" (denudées ou non) faites selon les marchés européens, asiatiques, américians... Ce fut valable pour le peplum, pour le western, le giallo (largement influencé par l'Allemagne et ses krimi), les sous-James Bond, les super-héros (hérités des fumetti), les sous-Inspecteur Harry, le film érotique, le film d'horreur, les mondos et l'arrivée du porno, les sous-Madmaxeries, les sous-Con-aneries (et il y en eut des belles!)... jusqu'à ce que le marché de la video et la Télévision privée ne tue tout cela. Il faut aussi se rendre compte que ce cinéma-là battait le cinéma américain sur son propre terrain, jusqu'à attirer des stars américaines en disgrâce ou avec une carrière en déclin.

Il y eut ensuite la concurrence de la télévision au début des années 70. celle-ci, très conservatrice et contrôlée, se rendit compte que pour attirer les spectateurs, il fallait "coller" a ce qui était au cinéma. Quant la RAI met en chantier La Porta sul Buio, c'est pour doubler le cinéma populaire sur son propre terrain. Et en 1972, celui-ci va riposter en proposant plus de violence, plus de sexe jusqu'à plus soif, jusqu'à la vague trashoïde des quasi-pornos à partir de 1977 (Giallo a Venezia e autres Sorella di Ursula).

Le contexte politique joua énormément son rôle dans le côté "soupape de sécurité" du public en proie aux enlèvements et autres assassinats sauvages. les années de Plomb ont largement influencé le cinoche populaire des années 70, voire la collection de polizzioteschi ultra-droitiers... tant que le bon droit était respecté, il n'y avait pas matière à dire grand chose de la part de l'Eglise et de la censure locale. C'est aussi en ce sens que le cinéma italien populaire était à grande majorité terriblement conservateur dans les thèmes traités. Par exemple voir celui de l'avortement dans ...Solange? qui conduit bien évidemment à la folie. On parle du sujet car il est d'actualité en 1972, mais on ne lui donne pas un écho positif... tout en mélangeant les thèmes habituels de sexe, drogue, jeunesse dépravée, haute-bourgeoisie aux valeurs morales décadentes, etc... très peu de films auront un contexte social à contre-courant. ce sera l'oeuvre de mavericks comme Fulci, par exemple,
Spoiler : :
dont le pretre pédophile meurtrier de Non si sevizia un paperino, entre autres

Et il ne faut pas oublier aussi que ces oeuvres s'adressaient quasi-exclusivement à un public masculin, pour qui sexe et violence au cinéma, ça vend inévitablement bien. Les records d'entrées en 1973, ce n'est pas Dino Risi, Mario Monicelli ou encore Federico Fellini : c'est Giovanna Coscialunga de Sergio Martino avec Edwige Fenech... la sexy-comédie ou traiter des sujets brulants par un biais populaire. Autrefois le peplum, ici, la comédie "sexy", car c'est l'air de la libéralisation sexuelle qui bat son plein... Voir l'Italie de manière binaire n'est pas la bonne solution pour décortiquer son cinéma populaire. Ce n'est pas que Don Camillo et Peppone, mais bien une nation et des créateurs tiraillés entre multiples influences. Et des "auteurs" qui utilisaient, par exemple, le mode du documentaire afin de montrer les violences les plus extremes et du sexe "ethnologique" sous couvert de "respectabilité", tout en faisant passer des idées colonialistes les plus primaures : les mondo ont trouvé leur voie avec Mondo Cane pour aller vers la fin de 70's dans ses excroissances les plus démesurées, qui n'étaient plus documentaires au finish. je viens de voir Addio Ultimo Uomo récemment....euh §£ . Juste pour l'anecdote : j'ai vu Paprika de pépé Brass en salles à Rome en février 1991 : une salle complete et masculine. Juste avant, je suis allé voir Miliardi de Carlo Vanzina, avec pratiquement que des femmes dans la salle. CQFD.

Les années 70 ont été un terrain d'expérimentation où en fait, il y avait relativement peu de censure sur le thèmes des idées. La représentation graphique, ce fut autre chose. Mais la notion des barrières à repousser (voir l'explosion du gore rital en 1978 jusque 1985, en gros) fut toujours la plus forte. dans des conditions de tournage le plus souvent pauvrissimes, tout était bon pour attirer le chaland : voir les nazisploitations qui pillèrent, entre autres, Salon Kitty ou certains Cavallone, incohérents et ridicules, de la vraie exploitation à des fins nébuleuses. sans parler d'oeuvrettes pédophiles assez limites... mais les années 70 faisaient oeuvre d'une certaine liberté de penser qui est toute autre aujourd'hui, avec le recul nécessaire. C'est fout ce que le cinéma popu italien a donné comme illuminés qui se croyaient des artistes en filmant de la merde :D

Il y aussi des raisons visuelles : l'influence du baroque italien, qui suivit un thème cyclique similaire avec son apparition au 16e siècle, en réaction au classicisme du 15e - on peut opposer Caravaggio et Michelangelo pour l'occasion. Da manière picturale, les cinéastes italiens,tous genres confondus, ont recours à une représentation de l'image plus extreme, là aussi, afin de se différencier du reste. Mario Bava vient en tête, mais les westerns de Sergio Corbucci (Django, entre autres), Dario Argento, aussi et Umberto Lenzi à l'exagération coutumière jusqu'à un Fulci maître de la démesure, grand poète du macabre.

Et il y aussi ce qu'on sait moins, à savoir que nombre d'oeuvrettes 70's ont servi à du blanchiement d'argent (drogue ou mafia) qui dénoncaient ceux-mêmes qui investissaient dans le cinéma...

C'est un peu en vrac, mais grosso modo et en vitesse, ce que je peux en dire pour l'instant. J'ai du certainement manquer certaines critères, mais le principal (sans Victoria) est là. de toute façon, il est difficiel d'etre exhaustif sur un tel sujet et à fortiori sur un forum. Mais en tout cas, ce cinéma fut un vrai bouillonnement créatif qui a donné des oeuvres chocs, certains chefs d'oeuvres, beaucoup de médiocrité... mais un style (visuel, musical, narratif...) , une patine indéniable. Ce cinéma a su mettre son nez partout, peut etre plus que tout autre cinéma, par ailleurs, pour des raisons toujours lucratives mais avec un certain amour de l'artisanat. Il n'est pas étonnant oir que beaucoup de réalisateurs ont tourné dans tous les genres (Corbucci, De Martino, S. Martino, Bava Sr, Freda, Lenzi, Martinelli, Fulci...) . Eu égard au système de diffusion, au mode de production et de distribution qui était tel à ce moment (et avec les racines culturelles italiennes propres). Je ne pense pas qu'on ait pu voir un tel déferlement ailleurs, vu le terreau dans lequel tout est apparu.
Oh really? Well then I'm sure you wouldn't mind giving us a detailed account of exactly how you concocted this miracle glue, would you ?
Jarlow
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Re: L'enfer cinematographique des 70s en Italie

Message par Jarlow »

Très belle réponse de Superwonderscope quand même, qui prend le temps de pondre un pavet sur un forum, faut saluer. Par contre ton raccourci sur le classique et le baroque est un peu à l’emporte-pièce, d’autant que le cinéma italien après-guerre, c’est la naissance d’une certaine modernité plutôt que d’un classicisme : le cinéma b se situe aussi, il ne faut pas l’oublier, par rapport au néo-réalisme et aux films d’Antonioni, Fellini ou Pasolini. Le socle sur lequel ces réalisateurs s’appuient, leur culture cinématographique, est hyper variée et non exclusivement classique (voir Fulci ou Argento qui travaillent autant a partir d’Hitchcock que d’Antonioni).
Ensuite, le baroque apparait en toute fin du XVIème, et les artistes du « mouvement » qui n’en était pas vraiment un, se considéraient comme des classiques. C’est a posteriori que leur œuvre est devenue « baroque ». Je dis ca pour souligner une différence dans l’intention, pas forcement dans le résultat : tandis qu’il y a volonté de prolongement dans le baroque, il me semble que dans le cinoch italien bis des 70s, du moins chez ses grands réalisateurs, il y a aussi une intense volonté de rupture, et pour moi elle se voit à l’écran.
Je veux dire, en fait, qu’un certain bis italien est plus un modernisme tardif qu’un baroque véritable.
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bluesoul
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Re: L'enfer cinematographique des 70s en Italie

Message par bluesoul »

Merci pour la lecture, SWS. :D

Cette reponse fait bien plus que donner des "pistes" et semble faire quasiment le tour de la question.

Effectivement au vu de l'explication, "libertaire" ne semble pas etre le bon mot, mais je dois avouer que je l'ai utilise a defaut de pouvoir mettre le doigt sur le "bon".

Concernant l'imagerie, je dois avouer que la mise en image (bis inclus) du cinema rital reste marquante, ratissant large de la "bonhomie" a la "sauvagerie" et laisse rarement indifferent.

Bizarrement, et sans avoir "experimente" avec les extremes du bis italien (cannibal, naziploitation et autres gros delires), quelque part, en tant que spectateur, j'ai toujours trouve le spectacle "ludique", donc quelque part "pas (trop) serieux" ou un peu "traite par-dessus la jambe"--pas dans le sens negatif, loin de la. Quelque part l'imagerie italienne m'a toujours parue hyperbolique, impressionnante mais pas choquante. Le surrealisme d'un Argento ou le craspec d'un Fulci se desamorcant a partir d'un certain point.

Effectivement, j'ai toujours mis ca sur un cote "barroque (a defaut d'autre mot)", ou a force de regarder les enjolivures (trop nombreuses), on fini par "deconnecter et se concentrer sur l'ensemble qui plaira encore plus a l'oeil apres le petit detour sur les details.

La volonte de rupture, je connais pas assez les racines italiennes, donc j'en jurerais pas, mais la rupture n'est pas plutot "sociale" (le cote "soupape" en plus), qu'artistique? Beaucoup de gens dans le monde du cinema se sont retrouve en rupture, sans vraiment l'avoir cherche initialement. Ils cherchaient a s'amuser, a inventer, et un jour on leur tape dans le dos et leur dit "joli rupture, mon pote". :mrgreen:

L'artisanat rital m'a aussi toujours plu, ou p.ex. avec le western spaghetti et avec un petit decor en Espagne, une poignee de lires (mafieuses), une vedette US has-been ils parvenaient a refaire le monde. :-D M'enfin, la je refais mon Jean-Pierre Koff.

C'est vrai, qu'on a affaire a une "exception culturelle" ici. :D Elle n'existe peut-etre plus, mais elle a de sacres beaux restes. 8)) 8)) 8))
En direct du Japon. Bonsoir. A vous, Cognac-Jay.
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