En quelques lignes, je pense que ce sera un peu dur de démonter les mécanismes qui ont conduit à l'état du cinéma populaire italien des années 70.
je pense aussi que "libertaire" n'est pas le terme approprié. Qu'il s'est enfoncé un peu plus dans la description graphique, oui. Mais libertaire, je ne pense pas.
Il y a déjà les racines populaires de la littérature et la pression sociale (religieuse et politique) qui interdisait l'expression politique en tant que telle. le cinéma "populaire" était déjà un dérivatif sur l'expression-même de l'histoire de l'Italie. L'exagréation narrative et picturale en découla naturellement, à mon sens. Juste un exemple : voir Hercule à la Conquête de l'Atlantide, par exemple : Vittorio Cottafavi ne put faire un film sur la réunification de l'Italie, il détourna alors le sujet pour en parler lors de la fameuse scène où Hercule se présente au conseil des différentes villes grecque spour faire part de l'imminence de l'invasion des Atlantes et que la seule solution est de s'unir contre l'ennemi... (lire: Hercule = Victor-Emmanuel III)
Ensuite les contingences économiques. Ce qui conduit les genres, c'est l'argent que cela rapporte, tout naturellement. Et tout ce qui y contribue : donc prendre des formules qui marchent, les adapter la sauce locale tout en pensant au marché international pour l'exportation (d'où aussi une multitude de films tournés et doublés, sans compter les différentes fins ou scènes "alternatives" (denudées ou non) faites selon les marchés européens, asiatiques, américians... Ce fut valable pour le peplum, pour le western, le giallo (largement influencé par l'Allemagne et ses krimi), les sous-James Bond, les super-héros (hérités des fumetti), les sous-Inspecteur Harry, le film érotique, le film d'horreur, les mondos et l'arrivée du porno, les sous-Madmaxeries, les sous-Con-aneries (et il y en eut des belles!)... jusqu'à ce que le marché de la video et la Télévision privée ne tue tout cela. Il faut aussi se rendre compte que ce cinéma-là battait le cinéma américain sur son propre terrain, jusqu'à attirer des stars américaines en disgrâce ou avec une carrière en déclin.
Il y eut ensuite la concurrence de la télévision au début des années 70. celle-ci, très conservatrice et contrôlée, se rendit compte que pour attirer les spectateurs, il fallait "coller" a ce qui était au cinéma. Quant la RAI met en chantier La Porta sul Buio, c'est pour doubler le cinéma populaire sur son propre terrain. Et en 1972, celui-ci va riposter en proposant plus de violence, plus de sexe jusqu'à plus soif, jusqu'à la vague trashoïde des quasi-pornos à partir de 1977 (Giallo a Venezia e autres Sorella di Ursula).
Le contexte politique joua énormément son rôle dans le côté "soupape de sécurité" du public en proie aux enlèvements et autres assassinats sauvages. les années de Plomb ont largement influencé le cinoche populaire des années 70, voire la collection de polizzioteschi ultra-droitiers... tant que le bon droit était respecté, il n'y avait pas matière à dire grand chose de la part de l'Eglise et de la censure locale. C'est aussi en ce sens que le cinéma italien populaire était à grande majorité terriblement conservateur dans les thèmes traités. Par exemple voir celui de l'avortement dans ...Solange? qui conduit bien évidemment à la folie. On parle du sujet car il est d'actualité en 1972, mais on ne lui donne pas un écho positif... tout en mélangeant les thèmes habituels de sexe, drogue, jeunesse dépravée, haute-bourgeoisie aux valeurs morales décadentes, etc... très peu de films auront un contexte social à contre-courant. ce sera l'oeuvre de mavericks comme Fulci, par exemple,
Et il ne faut pas oublier aussi que ces oeuvres s'adressaient quasi-exclusivement à un public masculin, pour qui sexe et violence au cinéma, ça vend inévitablement bien. Les records d'entrées en 1973, ce n'est pas Dino Risi, Mario Monicelli ou encore Federico Fellini : c'est Giovanna Coscialunga de Sergio Martino avec Edwige Fenech... la sexy-comédie ou traiter des sujets brulants par un biais populaire. Autrefois le peplum, ici, la comédie "sexy", car c'est l'air de la libéralisation sexuelle qui bat son plein... Voir l'Italie de manière binaire n'est pas la bonne solution pour décortiquer son cinéma populaire. Ce n'est pas que Don Camillo et Peppone, mais bien une nation et des créateurs tiraillés entre multiples influences. Et des "auteurs" qui utilisaient, par exemple, le mode du documentaire afin de montrer les violences les plus extremes et du sexe "ethnologique" sous couvert de "respectabilité", tout en faisant passer des idées colonialistes les plus primaures : les mondo ont trouvé leur voie avec Mondo Cane pour aller vers la fin de 70's dans ses excroissances les plus démesurées, qui n'étaient plus documentaires au finish. je viens de voir Addio Ultimo Uomo récemment....euh

. Juste pour l'anecdote : j'ai vu Paprika de pépé Brass en salles à Rome en février 1991 : une salle complete et masculine. Juste avant, je suis allé voir Miliardi de Carlo Vanzina, avec pratiquement que des femmes dans la salle. CQFD.
Les années 70 ont été un terrain d'expérimentation où en fait, il y avait relativement peu de censure sur le thèmes des idées. La représentation graphique, ce fut autre chose. Mais la notion des barrières à repousser (voir l'explosion du gore rital en 1978 jusque 1985, en gros) fut toujours la plus forte. dans des conditions de tournage le plus souvent pauvrissimes, tout était bon pour attirer le chaland : voir les nazisploitations qui pillèrent, entre autres, Salon Kitty ou certains Cavallone, incohérents et ridicules, de la vraie exploitation à des fins nébuleuses. sans parler d'oeuvrettes pédophiles assez limites... mais les années 70 faisaient oeuvre d'une certaine liberté de penser qui est toute autre aujourd'hui, avec le recul nécessaire. C'est fout ce que le cinéma popu italien a donné comme illuminés qui se croyaient des artistes en filmant de la merde
Il y aussi des raisons visuelles : l'influence du baroque italien, qui suivit un thème cyclique similaire avec son apparition au 16e siècle, en réaction au classicisme du 15e - on peut opposer Caravaggio et Michelangelo pour l'occasion. Da manière picturale, les cinéastes italiens,tous genres confondus, ont recours à une représentation de l'image plus extreme, là aussi, afin de se différencier du reste. Mario Bava vient en tête, mais les westerns de Sergio Corbucci (Django, entre autres), Dario Argento, aussi et Umberto Lenzi à l'exagération coutumière jusqu'à un Fulci maître de la démesure, grand poète du macabre.
Et il y aussi ce qu'on sait moins, à savoir que nombre d'oeuvrettes 70's ont servi à du blanchiement d'argent (drogue ou mafia) qui dénoncaient ceux-mêmes qui investissaient dans le cinéma...
C'est un peu en vrac, mais grosso modo et en vitesse, ce que je peux en dire pour l'instant. J'ai du certainement manquer certaines critères, mais le principal (sans Victoria) est là. de toute façon, il est difficiel d'etre exhaustif sur un tel sujet et à fortiori sur un forum. Mais en tout cas, ce cinéma fut un vrai bouillonnement créatif qui a donné des oeuvres chocs, certains chefs d'oeuvres, beaucoup de médiocrité... mais un style (visuel, musical, narratif...) , une patine indéniable. Ce cinéma a su mettre son nez partout, peut etre plus que tout autre cinéma, par ailleurs, pour des raisons toujours lucratives mais avec un certain amour de l'artisanat. Il n'est pas étonnant oir que beaucoup de réalisateurs ont tourné dans tous les genres (Corbucci, De Martino, S. Martino, Bava Sr, Freda, Lenzi, Martinelli, Fulci...) . Eu égard au système de diffusion, au mode de production et de distribution qui était tel à ce moment (et avec les racines culturelles italiennes propres). Je ne pense pas qu'on ait pu voir un tel déferlement ailleurs, vu le terreau dans lequel tout est apparu.
Oh really? Well then I'm sure you wouldn't mind giving us a detailed account of exactly how you concocted this miracle glue, would you ?