Eric l'avait promis, le voilà

Vase de noces: Il copule avec une truie qu'il engrosse avant de se noyer dans ses propres excréments.

Censuré dans de nombreux pays depuis de nombreuses années, Vase de noces fut durant longtemps une sorte de Graal pour l'amateur de cinéma transgressif, se taillant au fil du temps une belle réputation dans le cercle réduit des adorateurs de spectacles underground.
Réalisé par un jeune belge, Thierry Zeno, dont c'était là la première oeuvre, Vase de noces risque de donner la nausée à plus d'un si on parvient toutefois à surmonter sa répulsion à la vision de ce film unique, particulièrement dérangeant qui mèle avec allègresse des sujets aussi tabous que la scatophilie


On suit donc la vie au quotidien d'un agriculteur qui vit reclus dans une ferme délabrée au milieu des gravats et des volailles qu'il décapite pour mettre en conserve leur tête tout en tentant de visser des têtes de poupon sur leur cou tranché. Il s'adonne également à la zoophilie en faisant l'amour à une truie qu'il engrossera. Naitront trois porcelets qui deviendront sa famille et qu'il nourrira comme des enfants tout en leur tricotant des vêtements. Leurs cris incessants finiront par avoir raison de lui. Il les tuera donc, provoquant la colère de la truie qui se suicidera de désespoir en se noyant dans une mare. Dés lors, il va lentement sombrer dans une folie irréversible, se livrer à des actes coprophages


Irracontable, ce court résumé n'est qu'un aperçu de ce film contre-nature, sordide mélange d'abjection et d'ésotérisme que le spectateur un tant soit peu ouvert et philosophe pourra lire sous deux lectures différentes.
Il pourra en effet voir en Vase de noces une sorte de voyage mystique, un conte allégorique et mortifère au cours duquel Zeno tente de briser les tabous de notre société à travers le sexe, la famille, l'amour et ces interdits moraux derrière lesquels l'être humain se retranche. L'agriculteur passe son temps à observer les animaux entrain de forniquer. Ils ne connaissent ni la gêne, n'ont aucune inhibition et donnent libre cours à leur vie sexuelle alors que l'Homme se crée nombre de barrières qui l'emprisonnent et le voue irrévocablement à la frustration.
C'est la raison pour laquelle cet agriculteur va se laisser aller à une relation zoophile avec cette truie, superbe occasion pour Zeno de montrer sur grand écran une des plus incroyables et surtout réalistes copulations entre un homme et un animal même si, rassurez vous, celle ci est parfaitement simulée en véritable trompe l'oeil.
Noyé dans une tonitruante musique qui mèle savamment classique et sons electroniques et couvre le silence du film, Vase de noces, exempt de tout dialogue, accumule les images répugnantes et obscènes tandis que le N/B accentue encore plus le malaise.
Ceci ne signifie pourtant pas que le film soit dénué d'humour bien au contraire. Zeno désamorce par instant l'horreur du propos par quelques séquences fort drôles qui proviennent essentiellement de la truie. Durant ces instants, le film s'emplit de tendresse qui parviendrait presque à faire perler une petite larme au coin de l'oeil du plus émotif. Si l'Homme se rabaisse ici au rang de bête, la bête se hisse au niveau de l'Homme par le biais de la sentimentalité.
La dernière partie quant à elle est apocalyptique. Encore plus seul et désespéré aprés le meurtre de sa famille-porc, l'agriculteur se retrouve prisonnier de ses obsessions qui graduellement vont le le détruire. Il est désormais sa propre victime.
Il va s'adonner à la coprophagie en mangeant ses propres excréments


Zeno accumule d'ailleurs tout au long du film les références scatophiles. Il montre son agriculteur entrain de déféquer


Le but de ce voyage au bout de l'obscène est peut être de trouver les réponses aux questions existentielles que l'homme se pose durant toute sa vie. Quelles sont les limites qui séparent l'Homme de l'Animal, qu'est ce qui les différencie et les rapproche, quelle est la part d'animalité qui est en tout individu et la part d'humanité dans tout animal, comment échapper à sa condition d'être humain en faisant exploser toute forme de morale, propre à ce dernier, et ainsi choquer la masse bien pensante en devenant un individu hors norme, un marginal et par conséquent un reclus.
Zeno ne prétend pas apporter de réponse concrète, chacun y verra ce qu'il veut et trouvera les réponses qu'il veut bien y trouver à travers tous les symboles dont le réalisateur truffe son oeuvre. Vase de noces est simplement libre de toute interprétation et laisse place au débat si toutefois le spectateur trouve le courage ou l'envie de débattre.
Certain verront Vase de noces sous un autre jour, une autre lecture. Peut être en effet n'y a t'il rien à voir dans ce film, bric à brac ésotérique et hermétique si ce n'est un simple film d'anticipation où le héros serait le dernier homme sur Terre, une sorte de survivant qui lentement basculerait dans une irreversible folie, celle qu'engendre la solitude. L'Homme n'est pas fait pour vivre seul sans famille ni personne. Cette ferme délabrée, ces gravats, ces vestiges au milieu desquels il vit semblant tout droit issus d'un holocauste, cette terre sombre et désolée, ces petits riens qui donnent l'impression que l'agriculteur se rattache à un lointain passé alors que l'Animal est désormais le seul moyen pour lui d'assurer une descendance sont autant d'éléments qui ouvrent la porte de l'imaginaire et appuie l'hypothèse.
Si le connaisseur reconnaitra en Vase de noces des touches des univers de Pasolini- on pense à Porcherie évidemment- et bien entendu Bunuel, il demeure pourtant un film unique, inclassable, un laxatif pelliculaire particulièrement osé pour son époque qui longtemps encore choquera les moins résistants.
On notera l'étonnante performance de son interprète principal, Dominique Garny, qui donne à son rôle une incroyable crédibilité, franchissant avec aisance toute forme de pudeur. Le film lui doit beaucoup. Dominique qu'on admirera nu dans ses intimes fonctions.

Dominique sera le futur réalisateur du mondo Of the dead / Des morts en 81 où cette fois il nous propose de voir la Mort pour de vrai a travers un voyage dans les morgues, les cimetieres et les hopitaux au milieu des dissections humaines, des cadavres et des embaumements.
