Intéressant essai filmique sur la parano. Pour appuyer celle-ci, le déroulement de l’intrigue est bourré d’ellipses et de non-dits (attention à ne pas cligner des yeux ni relâcher son attention). Les acteurs, quasi mutiques, sont cadrés/encastrés dans les motifs architecturaux d’une Hong Kong de plus en plus décrépie. Les éléments naturels, le soleil comme la pluie, viennent eux aussi jouer leur rôle tout au long du métrage, à l’image comme dans l’histoire. Celle d’un tueur, méticuleux et méthodique jusqu’à l’obsession, spécialisé dans les accidents criminels, qui voit ses certitudes basculer le jour où l’un de ses confrères vient à décéder de façon aussi tragique que surprenante.
Côté mise en scène, selon son humeur du moment, son degré de connaissance du cinéma et de ses codes, on adhèrera ou non aux références/hommages/pompages qui irriguent le film. Le début ressemble un peu trop à du Johnnie To (ça tombe bien, c’est une production Milkyway) : des personnages qui se croisent, s’épient tant visuellement qu’auditivement, se passant le relais à l’image dans l’enchevêtrement des rues grouillantes de vie. Puis, sur le milieu, ça pompe carrément le « Conversations secrètes » de Coppola. Enfin, ça finit comme du De Palma, dans un montage distendu, le moindre détail ayant son importance, le Hasard et le Destin faisant leur apparition in fine.
Lourde et au bord de la torpeur comme nous y a peu habitué le cinoche de Hong Kong, l’œuvre de S. Cheang vient nous rappeler que ce cinéma, régulièrement novateur, peut également être bouffé par les influences.
Accident - Soi Cheang (2008)
Modérateurs : Karen, savoy1, DeVilDead Team