Nos amis britanniques ont toujours eu un certain “flair” pour mettre en scene leurs (nombreuses) victoires militaires, quelle qu’elles soient.
A ce titre, le concept meme de IhH tient pratiquement du blaspheme; la Grande Bretagne, non seulement vaincue, mais aussi occupee alors que son role pendant la deuxieme guerre mondiale aura fini par etre le marche-pied principal sur lequel les troupe alliees prendront appuis pour entamer la reconquete du continent europeen et de le liberer du joug nazi.
Un sujet similaire fut traite dans la serie Enemy at the Door (1978), narrant l’occupation allemande (historiquement factuelle quant a elle) des iles de Guernsey (1940 – 1945), seul partie du “territoire britannique” tombee au main de l’ennemi.
Si l’histoire de la retraite de Dunkerque fut déjà traitee au cinema (Week-end a Zuydcoote (1964) ), elle ne servira ici que d’argument ou reflexion de base pour batir le “modele” d’une Angleterre ecrasee par le rouleau-compresseur nazi.
Pour memoire, en mai 1940, les troupes anglo-francaises furent coupees de l’armee francaise et, purchassees par l’armee allemande, se refugierent dans le port de Dunkerque. Etonnament, Hitler cessa la poursuite par l’armee de terre, et prefera utiliser la Luftwaffe pour harceller les fuyards, tandis que Churchill lanca un appel desespere a “ce que tous les navires, grands ou petits, aident a transporter les naufrages de Dunkerque”. Le “Miracle de Dunkerque” eut lieu, et 900 vaisseaux transporterent 300,000 hommes sur 340,000 vers le rivage britannique.
IhH partira donc du postulat que la poursuite se prolonga jusque sur le territoire britannique, et que les forces armees, au bout du rouleau, finissent par ceder a leurs poursuivants.
D’un point de vue approche, IhH partira egalement d’un constant nettement moins “heroique” qu’a l’accoutumee. Si pour certain, l’occupation ne sera pas plus “inhumaine qu’ailleurs”, l’occupant ne sera neansmoins pas plus “tendre”, et la population sera partagee entre laisser-faire, collaboration et—pour une minorite—la resistance a l’occupant.
Le film, meme si partant d’un postulat d’histoire alternatif pourrait tenir du “mockumentary” avant l’heure—et avant que le terme ne fasse son entrée dans le dictionnaire, n’hesite pas a meler la fiction historique avec un grand “H” avec la petite histoire locale de l’ile.
La resonance que trouvera certaines scenes, noms, symboles ou leur utilisation sera d’autant plus forte aupres du public anglais qu’europeen.
Ainsi, les troupes du gouvernement collaborant avec l’occupant tient de la “British Union of Fascists” creee en 1932 qui s’inspira des mouvements locaux existant sur le continent, notamment les fascistes italiens de Mussolini, mouvement dont il reprend sans vergogne un habillage a peine voile.
L’on retrouvera ainsi les “Blackshirts” dans le role des gros-bras utilises pour les basses besognes du parti, tels que le furent les SS (Schutz Staffel / Troupes de Protection) allemands qui servirent de gardes personnelles a Hitler des 1925. L’histoire du BUF sera inclue au recit et a la situation imaginee, survivant dans le metrage a son demantelement par loi (1940) qui eu lieu dans la realite. Dans le metrage, la “conquete” de la Grande-Bretagne qui aura lieu l’empechant de bannir le mouvement.
L’on notera aussi l’inclusion de Colin Jordan, fasciste anglais notoire de l’apres-guerre qui en plus d’adorer (et arborer) l’imagerie nazie finira par se faire declarer “World Fuehrer”

A noter aussi la sceance de questions-reponses improvisees avec de reels membres de groupes fascistes britanniques qui repondirent en toute sincerite…Un exemple de “real cinema”, des plus glacials…
D’autres details historiques seront egalement inclus avec intelligence dans le recit, tell’histoire plus ancienne des “liens” prusso-britanniques lors de la bataille de Waterloo, ainsi que le match de football entre soldats allemands et britanniques qui eu lieu pendant la premiere guerre mondiale
Le plus etonnant est qu’a la base du metrage, il y eut le projets de deux etudiants de dix-huit (Bronlow) et seize ans (Mollo). Le premier finira par devenir historien du cinema et le second historien militaire.
Ce qui a la base ne devait etre un court-metrage finira par etre rallonge au format d’un long-metrage et ce, apres une production qui durera huit annees(!).
Aussi, la mise en image professionnelle et la re-constitution de scenes ressemblant a s’y meprendre a des images d’archives de l’epoque (aucune image d’archive ne figure dans le film!), le tout matine de “bulletins d’informations officiels” (bien sur recrees pour la circonstance) parsemant le film reste a ce niveau d’un maestria rarement egalee. L’on se prend a penser a Peter Watkins et notament a son The War Game (1965).
Si les moyens techniques sont parfois defaillants (son, lumiere) les figurants et leurs cote “improvise” associes a la minutie toute british des costumes, armes et de l’atmosphere ambiante fait indubitablement “mouche”. Le parti-pris de montrer qu’un nazisme peut naitre n’importe ou et surtout au sein meme de la perfide Albion, fut en son temps severement critique par l’intelligensia et le public plus habitue au “mauvais nazi” et “valeureux boys britanniques”.
Depuis Brownlow continue a oeuvrer dans le cinema, mais en travaillant sur cette fois sur le cinema (collaborant ou realisant des films sur Chaplin, Lon Chaney ou Cecil B. DeMille), tandis que Mollo a plutot oeuvre comme prodution designer (notamment la serie TV Sharpe (1993) ou consultant historique (notamment sur The Keep (1982) et The Pianiste (2002) ).
A une epoque ou grace a Youtube ou Daily Motion, n’importe qui peut pretender realiser et distribuer un “metrage” et ou des films qui a l’arrivee non pas grand chose a dire et filmes tels des Home Movies finissent sur grand ecran (Paranormal Activity (2009) ), Mollo et Brownlow resteront comme des realisateurs au final peu connus, mais qui gagneront a etre decouverts, car ayant non suelement apporter quelque chose au debat, mais l’ayant fait avec une passion, un talent et…quand meme, un culot rarement egale.
La dereniere scene particulierement glacante et mettant les deux partis (nazi et la resistance) dos-a-dos dans leurs exactions, qui, tels des loups s’entre-devorent, jusqu’a ce qu’il n’en reste plus qu’un, a qui echouera l’honneur de reecrire, justement…l’histoire, est un constat sans appel
A voir absolument, car le talent--et le culot--n’attend pas le nombre des annees.
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